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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 15:06

Dents serrés, oeil sec, machoire sceptique désillusionnée, teint terne et sourire socialement dessiné , joie de surface, sans saveur, sans l'éclat que l'Amour vient ajouter d'un coup de pinceau audacieux et talentueux sur le portrait de ceux qui sont touchés par la grâce de la réciprocité passionnelle.

Ce visage qu'elle saluait chaque matin d'un regard glissant et peu désireux de s'attarder sur les nouvelles imperfections dues à chaque nouvelle crise boulimique de compensation de ses pulsions à l'appeler, expression corporelle des pressurisations qu'elle infligeait à son enveloppe charnelle, réflexe instinctif de survie face à la contrariété: tous ses muscles se contractaient en des noeuds de problèmes inextricables, volonté de compartimenter ailleurs les détresses de l'âme, manifestations physiques d'un trop plein émotif dangereux pour la santé...

Ce visage pour lequel elle ressentait aujourd'hui ,avec honte, de la pitié...cette peau grasse et ces boutons d'acné perçant d'ignobles rougeurs sa peau fatiguée. Ostentatoires marques dermographiques de son insatisfaction, de sa détresse...la cellulite, les points noirs, les boules de graisse, les cernes, les rides, les vergétures, les ongles incarnés, arrachés, rongés, les poils qui repoussent sous peau, les furoncles sur le bas des fesses....pernicieuses pustules aux causes psychologiques dont l'observateur attentif et malin pouvait déduire une lecture à peau ouverte, état psychique éhontément exposée aux yeux de tous les curieux .

 

Elle avait abandonné cette bataille de guerre lasse, elle savait qu'y persévérer aurait été une chimérique lubie de psychotrope. Chercher des narcotiques puissants pour pallier la résurgence des bonheurs passés...Dopes diverses noyant la réminiscence des vérités que l'on ne veut plus entendre: j'étais heureuse avant, c'était lui qu'il me fallait....

Ceux qui tachent par des efforts titanesques de chasser l'indiscutable se leurrent.          

           Effacer est une capacité de machine. C'est la négation même du principe de vie qui mémorise chaque seconde et se construit sur l'addition progressive des données enregistrées. Si l'on efface, on tue. Car il est impossible de ne supprimer qu'une sélection choisie de souvenirs...notre âme est une base informatique au mode de fonctionnement si compliqué qu'aucun consultant si doué soit-il ne peut y aménager quelques simplifications ou changements. Aussi, nous sommes obligés de bidouiller, comme le novice devant son premier ordinateur appuie sur des touches au hasard, une main sur les yeux, une moue raidie d'angoisse à l'issue peut-être fatale de ses manipulations, l'être humain essaie de mettre de l'ordre dans son bureau , nettoie un peu et fait des dossiers car la plupart du temps les éléments qu'il tente d'envoyer à la corbeille lui sont refusés, menacés d'un " ce fichier fonctionne avec d'autres programmes, sa destruction endommagerait ou  perturberait leur fonctionnement normal"....et lorsque miraculeusement l'icône de la corbeille sourit au manipulateur désespéré, une défaillance plus grave du système est à prévoir, une bombe informatique à retardement qui projette des soirées de casse-têtes futures à s'interroger sur les raisons du non-fonctionnement satisfaisant de programmes ordinaires.

 

Ne reste plus qu'à s'habituer à ce petit message d'avertissement qui vient régulièrement s'afficher sous nos yeux exaspérés...

Et accepter que cette espèce de chose, de truc, de machin quelque part là qui  fait si mal, elle va devoir rester pas loin quoi...

 

Renoncer: recouvrir d'un voile d'indifférence ses enthousiasmes d'antan, faire croasser son estomac de mélodies muettes , contorsions en si mineur, accompagner d'un sourire triste le bonheur étalé des autres, s'en réjouir tout de même ,croisant même les doigts pour eux, les non abandonnés encore de la Chance, leur souhaitant bonne route sur les routes sentimentales  parsemés d'embûches.

 

C'était cela aussi sa vie maintenant: il fallait d'une mine enjouée accueillir auprès de soi les solitaires attirés par votre attractive disponibilité : des visages vagissants de vitalité et envisageant avec véhémence un vrai avenir  vitupérant;  des sexes ressortissants aux désirs de suprématie surprenantes et s'arrogeant le droit suprême de vous défroquer amoureusement, des langues languissantes de mélanges liquides salivaires langoureux, des doigts discutant d'attardements délicats et douillets à midi derrière les rideaux drapés de doux délices, des regards mordants proposant d'excitantes promenades risquées à l'ombre rosie des soirs fricotés. 

 

Et elle, elle faisait semblant....de peur de passer pour frigide , hautaine, inaccessible....alors que c'était juste que...

 

Elle n'avait vraiment pas envie.

Depuis des années maintenant, sa vie se résumait en des mascarades quotidiennes. Tout va bien, vraiment. Comment en douter? Elle était juste une jeune femme exigeante qui profitait de son célibat. Elle acquiesçait aux propos de ses amis amusés qui la décrivaient gentiment comme une insupportable peste immature qui ne trouvait pas chaussure à son pied par peur d''être obligée de grandir et d'assumer une existence plus responsable.

 

Elle y avait pensé à toutes ces raisons possibles: le refus de grandir, l'idée peut-être que si elle restait seule ses parents vivraient plus longtemps. Oui, c'était idiot mais elle se persuadait qu'ils auraient à garder le rôle parental plus longtemps puisqu'elle ne l'endossait pas  et que donc pris par cette responsabilité ,elle reculait l'échéance, le moment de l' assistanat futur qu'ils solliciteraient d'elle un jour forcément.

Elle s'était dit aussi qu'elle était peut-être trop rêveuse, que sa fichue tête de littéraire perchée, ses idées romanesques sur la vie l'handicapaient dans ses recherches. Elle avait aussi émis l'hypothèse de la malchance qu'elle pourrait contrecarrer: vivant dans une ville où le pourcentage d'homosexuels était important, où la population active jeune n'était pas bien importante, elle s'enlisait dans des recherches peut-être impossibles.

Pourtant ce qu'elle se répétait trop souvent aussi, c'est qu'à Montpellier, il y avait plein de garçons intéressants, elle en avait croisés. Elle n'était pas si idéaliste que ça non plus  et les portraits de ses derniers amants n'avaient rien de très classique et.... en dépit de son immaturité supposée, elle avait envie des envies d'enfant bien réelles.

Alors.....

Elle n'en pouvait plus d'attendre... que quelque chose n'arrive...Etalée là, sur le sol morose de son existence, à regarder passer des colonnes de fourmis bâtisseuses; elle se sentait clouée, incapable d'avancer ou de porter la moindre miette.

 

Depuis...plus rien ne s'ébranlait...toujours envie d'être ailleurs que là où elle était....le pied dans les starting-blocks mais aucun signal de départ...Elle regardait les autres s'affairer, progresser comme on dit, enfanter, se marier, s'installer et elle...reculait à chaque nouveau pas sentimental...Ironique progression inversée.

De la rage au fond d'elle, du désespoir aussi parce qu'elle se sentait inefficace, inactive...bon, oui, elle écrivait...mais chaque nouvelle lecture de ses brouillons la rendait maussade. Elle ne rivaliserait jamais avec un de ses auteurs de tables de chevet. Alors? A quoi bon insister? A quoi servait-elle? De quoi pouvait-elle être fière? Si toute cette prétention à être une artiste à la plume douée était une chimère professionnelle, un fantasme de petite fille culottée au talent discutable?

Elle avait peur d'une réponse....

Elle attendait une réponse...

Et ces trouilles , ces questions étaient une bonne excuse à reculer le moment du jugement.

Elle grossissait et ne pouvait donc plus se vanter de rester une femme désirable.

Elle se désintéressait de son métier et cessait de s'impliquer auprès de ses élèves.

Elle végétait à la maison, laissait traîner son linge sec des semaines, rechignait au ménage....ne pouvait donc se vanter d'être une femme d'intérieur.

Ces culpabilités additionnées, ces défauts qu'elle s'attribuait l'assommaient sous une chappe de tristesse et de renoncement.

Elle attendait une réponse....

Comme une délivrance....une solution à ses cicatrices d'estime de soi.

Être lue, c'était la possibilité salvatrice d'être enfin officiellement redressée au rang de femme intéressante et piquante.

Les silences de Romain, ses éloignements, sa lassitude l'avaient persuadée de son "vide", de son inconsistance notoire, de  son incapacité probante à ne pas pouvoir conserver une homme près d'elle.

Et elle enchaînait ainsi les échecs maintenant...et elle avait saisi depuis peu tout le fallacieux processus inconscient qui l'avait conduite systématiquement vers des individus blessés dans leur amour-propre et appliquant une logique de comportement revanchard avec les victimes féminines qui se plaçaient sur leurs routes.

Sauf qu'elle, avec sa douceur, et peut-être ses qualités finalement, ils la conservaient un peu plus longtemps que les autres auprès d'eux et les ravages n'en étaient que plus conséquents.

Oui...pourquoi collectionnait-elle , ces derniers mois, les homosexuels refoulés, les divorcés geignards, les artistes incompris, les chefs d'entreprise incompétents et en faillite, les plaqués insupportables, les  fêtards pantouflards, les riches économes ? Fallait-il être profondément masochiste pour plonger dans la fange masculine!

Pourquoi aussi....s'était-elle aventurée sur ce sentier dangereux qu'est la pitié...? Des premiers regards échangés qui ne promettent rien , une indifférence même au charme de l'Autre...et puis insidieusement...la volonté d'essayer: la curiosité? ou le plaisir simplement de se ruer dans l'échec? Et tous les efforts accomplis pour s'adapter et l'impression réelle de s'accrocher , d'aimer même....

 

Tu vois, tu m'as quittée et bien je vais au devant de ce mal qui me ronge: je le cultive, je l'amplifie. Car avoir mal au ventre, c'est t'avoir quelque part encore un peu au fond de moi...

Et je ne supporterai jamais l'idée de te sentir quitter mon estomac contracté.

Des images de bien-être maintenant surréalistes: siffloter, grignoter la mine heureuse en regardant un téléfilm quelconque à la télé, en bouquinant paresser, partir pique-niquer s'allonger et être bien, visiter ses parents la mine décontractée, ramasser son linge épingles au bec rayonnante dans la douceur fraîche des rosées matinales ....de tout ceci  privée....parce que la paix m'a claqué une porte magistrale sur le nez la nuit où tout s'est éteint... Ni nyctalope, ni noctambule , mes mains crispées devancent chacun de mes pas risqués.

Pitié...Allumez....

 


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commentaires

M
<br /> Tout va? j'sais pas si ce com est visible ou pas!!!<br /> <br /> <br />
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