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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 18:00

Marion Aubert : la Reine de l'Imaginaire

Marion Aubert, La Reine de l'imaginaire


(Par une nuit glacée, alors qu'un mètre de neige recouvrait les rues montpelliéraines, dans un troquet étrange entre chien et loup, j'ai interviewé Marion Aubert. La dramaturge répondait, la comédienne était bien sage en sirotant son thé à la bergamote. Nous avons du sortir au petit matin, chassées par la tenancière à la poitrine bondissante et au balai menaçant. Notre dialogue, épluché au peigne fin, ci-dessous. Tâchez, lecteurs, de faire bon usage des pensées spirituelles de cette Reine de l'Imaginaire. )...
En résumé? Marion est une adulte, Marion parle des Orphelines qui est une pièce de théâtre pour les enfants. Marion dit  qu'elle mêle toujours le vrai et le faux. Marion ne sait pas qu'elle contamine. Marion ne sait pas que son écriture imagée et profondément contemporaine ouvre des chemins de pensées troublants et déstabilisants. Ou alors elle sait? Marion mobilise ses mots pour parler d'universalité, pour crier gare aux folies des Hommes (avec un grand H, hein?), pour titiller les prises de
conscience des femmes...mais chut! c'est faux! Marion ne fait pas tout ça; elle écrit, c'est tout. Et elle sourit. Avec la modestie que seuls diffusent les gens qui ont du talent.

 
monsieur-et-violaine-72-rvb.jpgD'où vous est venue l'idée des "Orphelines"?
A l'origine, c'est une commande d'une auteur qui s'appelle Pauline Sales et qui dirige le Centre Dramatique Régional de Vire en Normandie avec Vincent Garanger. C'est d'ailleurs une des premières femmes à diriger un centre dramatique. Pour sa première saison, elle a choisi le thème" La femme est-elle un homme comme les autres" donc elle m'a passée une commande très précise: elle voulait que j'écrive  un texte pour les enfants ( à partir de huit ans) pour des marionnettes qui serait mis en scène par un metteur en scène-marionnettiste qui s'appelle Johanny Bert et pour les acteurs de la troupe du CDR. Le thème? Le point de départ était "les mères infanticides en Inde". On sait que les mères tuent leurs petites filles à la naissance mais il y a aussi de plus en plus de foeticides depuis qu'il y a des échographies: on détecte le sexe de l'enfant donc c'est un progrès mais ce n'en est pas véritablement un car il y a des villages entiers où les déséquilibres démographiques sont importants. Voilà, ça, c'était le point de départ et plus largement il me fallait réfléchir sur "qu'est-ce que c'est que d'être une petite fille? qu'est-ce que c'est d'être un petit garçon?". Après elle savait très bien en me demandant à moi que j'allais m'éloigner du sujet. Il n'y avait pas du tout un désir de théâtre documentaire ou réaliste.

Il est vrai que je me demandais comment vous aviez décidé d'aborder un  thème aussi dur pour des enfants...
Je crois qu'effectivement ça me serait jamais venu à l'esprit toute seule! C'est la première pièce conséquente que j'écris pour les enfants. C'est vrai que depuis que j'écris,  l'on me dit très souvent qu'il y a de l'enfance dans mes textes et  on m'a posé la question du pourquoi je n'écrivais pas pour les enfants. Pauline  a fait le pas de me passer cette commande mais je crois que spontanément je n'aurais jamais songé à parler d'un tel thème. Cependant, ce que je trouve pertinent, avec le recul, dans cette demande, c'est qu'enfant, on est très concerné par ces choses-là du monde. J'ai souvenir dans mon enfance de m'être sentie plus concernée par le monde qu'à d'autres périodes de la vie, beaucoup plus qu'à la post-adolescence ou même à l'adolescence où l'on est davantage auto-centré...enfant, les grandes questions de vie, de mort, d'injustice me préoccupaient donc j'ai trouvé ça en définitive assez juste de travailler sur ces thèmes-là pour des enfants.
Et puis la contrainte, finalement, devient impulsion, parce qu'il faut la contourner et  faire avec...
Bien sûr, ça a été pour moi difficile  et j'ai tapé dans plusieurs portes avant d'être satisfaite mais en tous cas, je suis ravie, même si j'ai peiné et que c'était laborieux, d'avoir travaillé sur un sujet pareil.

Les images de la mort sont récurrentes, la petite Violaine, son tombeau, son linceul... marion2-copie-1.jpgEst-ce une volonté de dédramatiser? En parler beaucoup, est-ce une façon d'exorciser?

Effectivement, d'en parler beaucoup, c'est une façon de s'en libérer. Très souvent mes personnages parlent beaucoup, trop, sont dans l'excès et l'excès permet soit de rire soit de mettre à distance. L'exorcisme, c'est très juste comme image car ils sortent d'eux-mêmes et du coup ils apprivoisent la mort. En tous cas, elle devient moins menaçante, moins angoissante parce qu'on l'apprivoise comme le Petit Prince et son renard.

Le sexe tient aussi un grand rôle... Eros et Thanatos... Je pense à l'intermède zizi notamment... Quel rôle avez-vous voulu lui donner?
En fait, dans la pièce, l'intermède est porté par les diablons. Il y a trois moments, le prologue, l'intermède et l'épilogue - il y a d'ailleurs deux fois des intermèdes - et ces diablons  sont effectivement très primaires. La première relation que j'ai construite en écrivant, c'était l'histoire de Violaine et de Monsieur et j'étais assez contente de cette relation qui est mélancolique, belle, étrange mais j'avais envie, pour les enfants, de quelque chose de plus relevé, joyeux, épicé qui permette justement de se libérer, qui permette au rire d'arriver, de se délivrer de toutes ces images angoissantes. Aussi, pour moi, c'était un bon moyen d'utiliser les diablons comme des personnages de farce, des vrais guignols. Après cet intermède n'est pas juste là pour faire rire, il est effrayant: c'est un royaume de zizi, ça parle de la domination masculine véritablement! Après ça m'amuse d'en parler à double niveau, il y a évidemment une lecture pour les adultes et une pour les enfants mais... voilà, je me dis que ça fait un pacte, que ça leur parle directement et de choses concrètes aussi.

Vous êtes donc parti de la relation entre Violaine et Monsieur pour écrire votre pièce?

Pour être honnête, je ne sais plus exactement comment j'ai commencé, ce sont des choses qui se sont développées en parallèle. Ce que j'ai imaginé pour relier, c'est que la petite Violaine venait de ce royaume-là et le père de la petite Violaine, c'est le roi du royaume zizi et donc, dans ce royaume zizi où l'on élimine les petites filles etc... c'est ça qui fait le lien entre les deux histoires. J'ai beaucoup tâtonné. Je savais que je devais écrire pour les marionnettes donc c'est sûr que dans ces diablons-là, on sent l'aspect guignol de la marionnette alors que Violaine, c'est une marionnette à la Tim Burton, beaucoup plus étrange. Mais à propos de la relation Violaine-Monsieur, je me suis posée beaucoup de questions mais je ne me suis pas tant nourrie d'écrits théoriques sur l'enfance mais beaucoup plus de littérature enfantine et je crois que c'est la relation dans Le Petit Prince entre l'aviateur et l'enfant qui m'a inspirée. Ce qui m'a plu, c'est cet adulte qui apprend autant de l'enfant que l'enfant apprend de l'adulte, c'est ça que j'avais envie de redonner.

http://www.decitre.fr/gi/36/9782742787036FS.gifMonsieur, le grand écrivain, insiste sur l'énonciation; il répète systématiquement: " je dis", "elle dit"... Pourquoi? Est-ce une  forme de distanciation...? Une volonté de créer une complicité nécessaire avec le public?
C'est effectivement pour faire le lien entre le public et le plateau, le monde imaginaire. Monsieur est un rôle de distanciation, encore une fois pour créer cet espace possible où " tout est vrai mais tout n'est peut-être pas vrai et tout est faux". Juste pour dire qu'on est toujours dans de l'illusion, toujours dans l'illusoire, que c'est du théâtre. C'est devenu un peu une marque de fabrique et très souvent ça arrive  dans mes pièces pour adultes. Monsieur, la première fois qu'il m'est apparu, je l'ai appelé L'homme-Pratique parce qu'il était bien pratique justement et qu'il me permettait de briser le quatrième mur;  très souvent, je fais un théâtre qui aime bien s'adresser directement aux spectateurs. C'est un peu un retour aux sources avec le théâtre antique et le choeur qui parle directement aux gens mais cela revêt à la fois un effet d'immédiateté et à la fois de distance, c'est ça que j'aime, d'être à la fois complètement dans le présent et à la fois complètement dans un autre monde.

J'y avais vu un tic langagier et enfantin... Aussi je me demandais: y a-t-il vraiment des adultes dans cette pièce car Monsieur semble pris en otage par ses émotions, terrorisé souvent par les petites filles...
Je n'y pensais pas au moment de l'écriture mais c'est vrai que j'ai un petit garçon qui a trois ans et je lui lis évidemment beaucoup  d'histoires et effectivement très souvent on trouve ce "dit-il", "dit-elle";  mais c'est moins leur langage à eux, j'ai l'impression, que l'histoire qu'on leur raconte. Donc je ne sais pas si l'inconscient a agi là-dessus.
Monsieur , pour moi, il est adulte malgré tout, même s'il a par moments des comportements sans doute enfantins. Ce qui le rend adulte, c'est qu'il ne se défend pas d'être démuni, il accepte de l'être. Il accepte des fois de ne pas savoir et parfois il est prisonnier de ses façons de penser adulte, de ses mécanismes adultes. J'aime bien que parfois le rapport s'inverse, je crois que ce qui m'intéresse, c'est que parfois l'enfant est plus adulte que l'adulte et l'adulte est plus enfant que l'enfant. En même temps, au bout du compte, je pense qu'on ne pourrait pas les confondre, c'est quand même Monsieur l'adulte. Par moments, d'ailleurs, il se reprend lui-même et il se dit "c'est quand même moi l'adulte de l'histoire!"

http://www.images-chapitre.com/ima3/original/967/26357967_5455620.jpgOui, ce monsieur est assez complexe. C'est un écrivain, c'est un peu  vous? Le personnage de Violaine vous a -t-il un peu hanté aussi?
La pièce raconte en sous-texte véritablement cette enquête que j'ai faite moi, à mon bureau, en train d'essayer de comprendre  cette catastrophe... et de réaliser qu'on est démuni... la seule réponse possible pour moi, c'est l'écriture et c'est d'ailleurs la seule réponse de Monsieur à la fin qui dit " je vais faire quelque chose pour toi, je vais écrire.."C'est tout ce qu'il peut lui offrir. Et puis voilà, on n'a pas un mode d'emploi pour être adulte, on n'a pas de mode d'emploi pour savoir comment se comporter avec un enfant, tout n'est pas écrit et j'ai l'impression  qu'on tâtonne et j'ai essayé d'être honnête par rapport à ce tâtonnement-là de l'adulte, pour dire qu'il n'a pas raison sur tout, des fois il se trompe, des fois il se fait marcher dessus. Ce sont des questions qui m'intéressent profondément et que je trouve belles aussi. Dans le Petit Prince, parfois on a l'impression que l'aviateur est rabroué, qu'il ne comprend rien et que l'autre a compris des choses beaucoup plus essentielles. On ne comprend pas les mêmes choses quand on est adulte et quand on est enfant. Quelque chose se perd, quelque chose se gagne.

Cette pièce a déjà été jouée plusieurs fois. Quelles ont été les réactions du public?
Pour être honnête, je n'ai vu qu'un filage mais j'ai eu - bien évidemment- les acteurs au téléphone donc j'ai eu des retours des premières représentations et puis j'ai fait plusieurs fois des lectures de cette pièce. Pour le moment, j'ai quand même le sentiment que ça les traverse, que ça les interroge, en tous cas que ça ne les laisse pas indifférents alors ça se traduit très différemment. Pendant la représentation, il y a apparemment beaucoup de rires. J'ai entendu dire qu'une petite fille à l'issue de la représentation a demandé à sa maman " si nous étions en Inde, est -ce que tu m'aurais tuée?", ou un petit garçon qui a dit " j'ai rien compris mais c'est génial!". Je crois que ça leur fait quelque chose mais ils ne savent pas bien quoi.

Comment déclencher les mécanismes du rire chez l'enfant?
Au moment de l'écriture, je ne me pose pas la question du comment je vais les faire rire. Je me fixe déjà sur ce que j'essaye de leur dire. Après ça passe plus par l'excès. L'excès les fait rire, comme les adultes d'ailleurs mais chez l'adulte, il y a quelque chose de l'ordre de la censure, de l'auto-censure qui fait qu'on rit moins volontiers. Mais chez l'enfant, je sais que le mot zizi, ça va les faire hurler de rire. L'adulte, je ne me dis pas que ça va le mettre dans un état d'hilarité. Hier, j'ai lu cet extrait devant trente élèves de cinquième et ils étaient hilares, hilares, hilares. Et hier matin, je l'ai lu devant des troisièmes option russe et ils étaient beaucoup plus retenus. Donc ça dépend beaucoup de qui on a en face: on ne rit pas pour la même chose. Des fois, c'est simplement le fait de parler d'amour qui les met dans un état de confusion. Il y a des choses qui me font sourire quand je les écris mais dont je ne pense pas qu'elles vont provoquer l'état d'hilarité, et pourtant l'idée qu'un auteur fouille dans les poubelles et qu'il mange des pelures de patates, ça fait beaucoup rire les plus petits par exemple.
Je me pose des questions vis à vis de mon public dans la censure que je me fais  à moi-même: pour les enfants, il y a un champ lexical que je ne me permets pas. Ainsi, la scène de Léopold qui" se balade avec une fille qui a l'air d'une truie", au départ j'avais écrit "qui a l'air d'une pute". Je préfère la seconde mais je l'ai censurée pour les enfants. La longueur aussi, j'écris des choses plus courtes. Les thèmes...par exemple quand j'ai écrit cette pièce, avec les restes, j'ai écrit beaucoup de textes en plus sur la prostitution des enfants, j'ai écrit des textes sur la sexualité mais beaucoup plus violents et je me suis dit que ça, ce n'est définitivement pas pour les enfants, et on en a fait une forme pour adultes... la version censurée. J'ai essayé, même si la pièce est beaucoup plus libre qu'une histoire classique, d'épauler l'enfant. Le personnage de Monsieur, par moments, est explicatif: il explique pourquoi il est dans son pays, en quoi consiste son travail et c'est peut-être des choses que je n'aurais pas faites si j'avais écrit pour des adultes. J'ai l'impression qu'il fallait leur donner un peu la main pour les accompagner dans cette histoire.

Lorsqu'on est dramaturge et comédienne, écrit-on en envisageant déjà le plateau? L'écriture est-elle indissociable du jeu?
Je ne vois pas véritablement une mise en scène parce que ce n'est pas mon travail. Après, l'expérience  et le quotidien du plateau font que de toutes façons, c'est sûr que c'est écrit pour des acteurs avec cette connaissance-là. Je ne le vois pas forcément la mise en scène mais je commence à en connaître bien les mécanismes donc ça travaille malgré moi.

Comédienne qui est devenue auteur ou l'inverse?
... Cela s'est un peu construit en parallèle. J'ai toujours plus ou moins écrit depuis l'enfance. Des lettres surtout, parce que je déménageais beaucoup. Et puis j'ai voulu être comédienne à l'âge de quinze ans, je suivais un atelier théâtre au lycée, après je suis rentrée au conservatoire à dix-huit ans et j'ai rencontré justement Marion Guerrero et les filles de ma compagnie. J'ai écrit ma première pièce pour elles en première année et depuis je n'ai jamais cessé de faire l'un et l'autre, c'est vraiment complémentaire.

Dans la compagnie Tire Pas La Nappe, il n'y a que des femmes...

Au départ, ce n'était absolument pas volontaire, c'était plus des affinités collectives qui se font comme ça mais au bout du compte je crois que ça raconte quelque chose. C'est marrant parce qu'on a eu une prise de conscience féministe un peu tardive ; il y a eu un rapport Reine Prat qui est au Ministère de la Culture, sur les femmes dans le spectacle vivant qui est assez terrible: 97% des directeurs sont des hommes, 85% des textes que l'on joue sont des textes d'hommes. Il y aura toujours moins d'argent, pour une compagnie, lorsqu'un projet est porté par une femme, dans les grands théâtres, il n'y a que des hommes dans la programmation: ce sont des choses dont on ne se rend au départ même pas compte et là, le 27 janvier, on organise une rencontre au Diagonal Capitole avec Mathilde Monnier, qui est la directrice du centre chorégraphique de Montpellier, Marion Guerrero, Moi, Geneviève Fraisse qui est  philosophe et  a été député interministériel aux droits de la femme. Le Diagonal passe «La domination masculine», un documentaire de Patrick Jean, qui aborde cette question. En tous cas, c'est un sujet qui nous travaille. Après, il y a toujours des hommes dans nos créations parce qu'on a envie de travailler avec des hommes. Mais maintenant, depuis que je sais ça, je ne regarde pas le monde tout à fait de la même façon. L'autre jour, je tombe sur un article qui disait que les jeunes et les femmes sont les premiers touchés par le chômage. C'était sur une page du Figaro et tous les blogs étaient tenus par des hommes et je me dis " c'est fou quand même"! On ne réalise plus que c'est encore les hommes qui ont le pouvoir et que ce n'est pas rien dans l'imaginaire collectif. Moi par exemple, je n'ai pas une tête de directeur, pas une tête d'écrivain, et très souvent, moins maintenant parce que je vieillis ( rires) et que j'ai plus de poids sans doute. Il y avait comme une dichotomie entre moi et l'image de l'écrivain que les gens se représentent alors qu'on n'est pas forcé d'avoir une barbe et d'être pédant pour écrire. C'est une question, sans être virulente du tout, qui est importante d'être creusée, de voir comment on peut faire bouger les choses.
Au départ, dans Les Orphelines, mon personnage c'était Mademoiselle et puis après j'ai mis Monsieur pour la distribution... comme c'était un acteur. Et j'aurais aimé que ça reste mademoiselle. En même temps, je me dis que j'ai perdu d'un côté, dans le fait de représenter un personnage de femme-écrivain, mais que cet homme-là, il a quelque chose de très maternel et c'est pas mal aussi.

Combien de comédiens pour jouer cette pièce?
Ils sont trois. il y a les deux diablons et puis Monsieur. La Diablone joue le rôle de Violaine, c'est la voix de Violaine et elle manipule sa marionnette.

A la fin du livre, se trouve un texte à dimension autobiographique...dans quelle mesure cette pièce a -t-elle mobilisé votre vécu?
C'est une demande de l'éditrice. J'aime bien d'ailleurs lire dans les livres d'Acte-sud ces textes d'auteurs surtout que l'on n' écrit pas sa biographie de la même manière lorsque l'on s'adresse à des enfants ou des adultes. Comme toujours, chez moi, même ce qui est vrai est faux, c'est toujours de la fiction. Mon père n'était pas espion mais j'aimais bien me raconter ça petite et je ne trouvais donc pas ça malhonnête de l'écrire comme ça. Moi je mets toujours de moi dans ce que j'écris après ce n'est pas  par narcissisme mais plus par souci de vérité, d'être absolument honnête par rapport à la place d'où j'écris, depuis ce que je connais. J'ai l'impression que le singulier permet d'avoir accès à l'universel;  c'est un grand débat. Que plus on est singulier, plus on a de chances de ne pas dire des généralités.

Pourriez-vous dire que votre univers s'adapte à tous types d'âge parce qu'il mêle réalité abrupte et imaginaire puissant?

C'est très juste de dire que je travaille entre ces deux points: si je pars de moi, c'est toujours pour aller le plus loin possible. Dans Orgueils, c'est beaucoup plus proche, c'est une auto-fiction, mais extrêmement loin aussi. Il y a des personnages excessifs mais je me mets moi-même en scène puisque c'est l'auteur, Mme Aubert, qui est en scène,  des doubles de l'auteur. C'est vraiment très lié à l'enfance cette chose-là de partir de soi et de pouvoir parler de tout et d'être tout. C'est le " si imaginaire" qui débloque tout. Je trouve ça très théâtral. Après c'est plus les thèmes ou le champ lexical qui font que mes textes ne seront pas adaptés pour les enfants ou lorsque le langage va faire écran. Dans Orgueils, je suis sûre qu'il y a une scène qui va faire écran, même chez les adultes, c'est une scène d'insultes... et c'est tellement trop pour moi, tellement excessif que ce n'est pas simplement des beaufs qui s'insultent, il y a quelque chose de grotesque, d'ubuesque, de pataphysique Jarry... oui, c'est l'accumulation qui va déranger. Ce que je peux comprendre. Chez certains, ça peut faire complètement barrage, on n'entend que le mot et on se dit "c'est vulgaire, c'est pas pour moi». Je le comprends parce que mon fils commence déjà à rapporter des gros mots de l'école et ça me choque profondément.

Est-ce l'idée que le spectateur a encore l'idée qu'il y a des mots que le comédien ne doit pas formuler?
C'est aussi qu'on n'a pas tous le même degré de distance. Pour moi, à partir du moment où l'on est sur une scène de théâtre, on peut tout se permettre. En plus je crois qu'on DOIT se permettre, que c'est vraiment l'endroit. Sauf ,encore une fois, quand on s'adresse à des enfants, car là on a un devoir de responsabilité et j'essaye de ne pas trop de les égarer. Mais les adultes alors, je n'ai aucun scrupule à les égarer.

"Orgueil, poursuite et décapitation"...une comédie familiale et hystérique... Comment nous la résumeriez-vous?
C'est une pièce sur les pathologies familiales et sur les doubles. Sur la place de la femme aussi, je m'en suis rendue compte après l'avoir écrit. On voit la femme dans des situations familiales, professionnelles, nationales. Il y a eu un article dans Libération, il n'y a pas si longtemps: encore 80% des femmes font les tâches ménagères. Honnêtement, ce n'est pas du tout mon cas, j'ai un mari à qui je ne peux faire aucun reproche là-dessus mais c'est fou comme les stéréotypes, les clichés sont encore ancrés. Un homme fait un couscous, on en parle pendant quinze jours. C'est terrible mais c'est vrai. L'air de rien, tout est encore normé et quand même il faut que ça change. Même moi, je le sens sur moi alors que tout va bien. Je sens que je vais culpabiliser dès que je m'occupe un tout petit peu moins de mon fils, de par mon métier alors que mon mari ne culpabilisera pas du tout. Je crois que c'est inscrit en nous " ma mère doit s'occuper de moi"! Ce sont des héritages lourds et compliqués. Ce n'est pas une attitude plaintive, c'est juste que je pense qu'il est bon de s'interroger. On est complice, nous femmes, de cette situation encore car on n'accepte pas toujours de lâcher prise aussi.

Dans quelle mesure avez-vous participé à la création des illustrations de Fanny Michaëlis? Aviez-vous des exigences particulières au départ ou des attentes?
C'est mon éditrice qui m'a parlé de cette jeune femme. Elle m'a proposé, j'ai trouvé ça assez juste et je suis assez contente. Toutes ces grandes femmes, je trouve ça assez beau. Parfois, il manque juste le côté pétard des diablons. Cette grande femme avec tous ces petits souliers, je la trouve très belle aussi. Je crois que j'aurais aimé les regarder, enfant ,ces images qui sont un peu étranges, qui font rêver.

Quels projets pour 2010?
Tourner beaucoup avec Orgueils, Poursuite et Décapitation. On est huit , peut-être neuf sur scène, ce qui est déjà un bon plateau.

Propos recueillis par Julie Cadilhac /Photo Alessandro Genovesi

BSCNEWS
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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 17:47

Charlotte Marin, une trentenaire à vif ( M.Monteils)

Charlotte Marin, une trentenaire à vif (M.Monteils)

 Il était une fois...une femme bien réelle. Pas de prince charmant en vue, même pas à la fin. Ou juste des avatars décevants. MAIS une bonne fée grand-mère. Et des péripéties! Des amants éconduits, des cuites cuisantes, des retours de flamme, des réveils douloureux. Mais pas que...car tout respire la joie de vivre dans le personnage que tient, d'une pêche d'enfer, Charlotte Marin, tout au long de son spectacle! et forte d'un peps communicatif, elle abat des montagnes, remonte les pires situations et réussit même à décrocher THE rencard étourdissant! "Désolée, j'suis plus libreeeeeeeee"....et même un mariage! Alors quoi, c'est pas un conte, tout ça?
Soit! ( Soupirs exaspérés...)
Pour les étriqués de l'imagination, voici des raisons plus pragmatiques d'adhérer au label Charlotte: parée de sa robe rouge passion, cette  blonde rugissante et sexy, mi-comédienne mi-chanteuse, nous fait passer une heure et demie de fou-rire swingué! Si bien qu'on pourrait presque la désigner comme clown à talons chics qui pousse la chansonnette! ou comme J'aime Blonde Girl du sentimental qui décape la scène de ses aspérités coincées, provoque le public et l'éclabousse d'une bonne humeur contagieuse! 
  Charlotte, vous utilisez dans vos prestations scéniques tous les ressorts du comique: comique de gestes, de mots, de caractère, de situation ( la cuite (boire ou bien se conduire), le lapin ( Desesperados), le jour du mariage, le rendez-vous galant( 20h30)... Quels rapports entretenez-vous avec le théâtre? Avez-vous toujours préféré la comédie à la tragédie? Est-ce une affinité naturelle ou  votre personnalité fonctionne mieux dans le comique que dans le sérieux?

Et bien justement c'est une bonne question... bizarrement c'est vrai que je distille beaucoup de ressorts comiques surchut.jpg
Une autre chanson "1095 jours" évoque les trois ans où mon personnage a attendu qu'un homme marié quitte sa femme : elle est l'éternelle maîtresse et  il lui fait des promesses de gascon voire de gros con parce qu'il a une femme et qu'il ne la quittera jamais. A la fin de la chanson, elle dit "moi je n'en peux plus, j'arrête, j'ai pas mérité de prendre perpète...".
Il y a aussi une chanson sur ma grand-mère qui a la maladie d' Alzheimer qui est une chanson  beaucoup plus douce, nostalgique, tendre, empreintes de souvenirs d'enfance.
Il arrive souvent que les personnages drôles , aussi bien dans la vie que sur scène, comme Coluche  ou Bourvil, ont  à un moment donné de leur carrière, la proposition de faire un film plus dur.... Coluche dans «Tchao pantin» ou Bourvil dans «Le Cercle Rouge». La frontière entre le comique et le tragique n'est pas si loin parce qu'on fait souvent rire pour cacher des failles, des douleurs et des souffrances. Mon personnage est déjantée et heureuse de vivre bien sûr mais on sent des douleurs et des failles et c'est ce qui est primordial dans ce personnage, c'est qu'elle a plusieurs dimensions.
Je viens du théâtre et j'ai joué des tragédies. J'ai joué entre autres dans «Le malentendu de Camus», j'ai joué aussi une comédie musicale qui s'appelait «Etrange Destin» où  j'interprétais le rôle d'une jeune femme qui, au départ, danse, chante, pour qui tout va bien et puis l'homme qu'elle aime meurt et devient un ange et c'est un peu comme dans le film «Ghost» où Demi Moore voit Patrick Swayze  à travers un nuage d'émotions parce que lui est au ciel et elle non...
En général, les comiques sont des sortes de clowns blancs. Le rire n'est pas si loin des larmes, ce n'est pas si opposé et moi je ne suis absolument pas contre la tragédie, au contraire! Je pense qu'il faut en mettre un petit peu pour donner plus de profondeur au personnage et qu'il soit plus attachant.

n596984268 292168 5105Pour conquérir le public, vous cherchez davantage l'effet de surprise ou de connivence?
Je suis plutôt dans le connu. Le but du jeu, c'est que les gens se retrouvent dans ce personnage, qu'il y ait une identification. Il faut qu'il y ait  le côté copine, meilleure amie et  en même temps qu'elle représente la nana que les mecs désirent. Ce personnage n'est, quelque part, non pas la nana idéale mais juste une fille qui a toujours sa fantaisie et ses failles.
Je cherche vraiment l'identification des gens et si ça  ne fait pas penser à sa nana, ça fait penser à sa soeur, à sa copine ou à sa meilleure amie.
En même temps, il y a toujours un effet de surprise parce que dans la vie, on peut se surprendre soi-même. Parfois on se dit" merde mais pourquoi j'ai dit ça?!" donc dans mon show, il y a toujours ce petit effet de surprise. Il y a des gags que l'on a écrit avec Marion Michaud, avec laquelle je co-écris tout, des gags de surprise parce qu'on prend à contre-pied certaines situations.

Si vous endossiez un costume de cirque, quel rôle aimeriez-vous jouer? Et pourquoi?
Entre le clown patoche, le clown triste et la femme à barbe, je préfère le clown! ( rires)
Peut-être l'équilibriste, parce que l'humour se joue vraiment sur un fil. A deux secondes près. L'humour est vraiment très cruel parce que ça peut faire rire ou pas. C'est une question de rythme, une question d'équilibre, de dosage, de temps, d'intention ; il ne faut pas sur jouer et en même temps, il faut parfois d'exagérer certaines choses, donc oui, équilibriste, pour moi, c'est tout à fait ça.

Et si vous étiez clown, seriez-vous plutôt clown blanc ou Auguste?
Et bien il y a un peu des deux. Il coexiste en même temps sur scène les sentiments que gère mon personnage et qu'elle digère et  le côté  je me casse les dents sur pas mal de choses, je me prends un talon... des fourberies d'escarpin...
Oui, je serais en même temps le clown blanc et  le clown auguste.

Aujourd'hui les clowns-femmes ( au sens large de clown-comique) ont tendance à rire de leur féminité, à la malmener un brin? Vous aussi?
Non parce que justement, moi, je veux que ce personnage reste glamour quoi qu'il arrive... même si elle est bourrée dans une soirée, elle essaie toujours d'avoir la tête haute même s'il elle n'y arrive pas toujours. Mais ce n'est jamais le côté " j'arrive en jogging, j'ai le cheveux gras": elle essaie toujours de faire bonne impression et de sauver les apparences, voyez... C'est un personnage qui ne se fiche pas de sa féminité parce qu'elle en joue énormément et, même si elle n'est pas sûre d'elle, elle essayera tous les stratagèmes pour mettre cette féminité en valeur.

C'est pour cela que vous ne manquez pas d'être ravissante sur scène et que vous assumez n615603567 412583 4863un look talons et robe du soir...
Alors justement ce n'est pas une robe du soir. D'ailleurs dans mon show intégral, je change deux ou trois fois de tenue mais c'est vrai que cette robe (rouge)-là, c'est une robe en même temps sexy, parce qu'elle est rouge couleur passion, couleur amour.. assez décolletée mais elle est d'une matière tee-shirt très confortable, ce n'est pas du tout une robe en lamé ni  une robe longue, de soirée tout ça... c'est une robe très quotidienne... ce n'est pas une marque particulière, elle a  de petites manches, elle est courte mais  pas non plus ras le bonbon . C''est une robe un peu hors temps, une robe que l'on  pourrait mettre l'été, pour aller à la plage ou bien  la mettre à une petite soirée cocktail où il fait chaud. Bon, il y a toujours le côté  un peu estival, c'est vrai! Je ne suis pas en collants, mes bras sont nus, je suis pieds nus dans mes chaussures mais c'est une robe quotidienne et d'ailleurs plein de nanas m'ont dit " Mais où est-ce que tu as acheté ta robe???.." Donc tout le monde s'y voit aussi, ce n'est pas une robe trop particulière; tout le monde doit s'y imaginer dedans car elle a l'air sympa et confortable.

Diriez-vous que votre personnage est  tout en paradoxe?
On m'avait comparé au personnage de Bridget Jones alors que Bridget Jones est vraiment "gourdasse". Mon personnage sait ce qu'il veut, elle est loin d'être bête, c'est juste que les choses lui tombent un peu dessus. Ce n'est pas un personnage maladroit, il lui arrive des choses... Il y a un petit côté "ça n'arrive qu'à moi" mais elle analyse tout à fait la situation, elle n'a pas eu de bol à ce moment-là, elle essaie de retourner la situation à son avantage. Ce n'est pas le côté "ravissante idiote" à la Bardot non plus.

C'est donc plutôt une apologie de la femme libérée, qui s'assume?
Oui... et en même temps, on voit une femme qui a absolument besoin des hommes: elle n'est pas du tout chienne de garde non plus! Certes, on peut se dire que, lors de mon spectacle, j'égratigne un peu les mecs au passage mais les nanas en prennent aussi plein la figure! C'est  forcément un peu contre les hommes. Enfin, contre. Il n'y a pas de contre, il y a  beaucoup de tendresse pour les hommes aussi et on comprend bien qu'elle ne s'en sortira pas sans eux. Elle n'est pas du tout dans ce côté libre... elle aimerait ne pas l'être " libre", elle aimerait être en couple, elle fait tout pour essayer d'avoir un bébé, de se marier... Elle est obsédée par tout ça, c'est pas du tout la nana, j'en ai rien à foutre, je consomme les mecs... c'est pas du tout ça. Elle cherche vraiment le bonheur, à rentrer dans le rang et à ressembler à tout le monde. Donc cette liberté, elle ne l'a pas vraiment demandée mais, bon, évidemment, elle est libre dans ce qu'elle pense et dans ce qu'elle veut .
C'est une femme d'intérieur et une femme d'extérieur mais elle tient beaucoup à avoir cet apaisement au sein du couple, c'est vraiment sa quête.
Le quotidien est très important dans ces chansons-là même si, à chaque fois, on essaie de faire un portrait d'une façon originale et avec de l'auto-dérision.

Sa quête à elle, c'est le bonheur et de rentrer dans le rang et que tout se passe bien. On le voit parce qu'elle envie sa soeur, ses copines qui ont réussi à y entrer. Avez-vous des mentors à citer qui vous font hurler de rire? Et pourquoi?
Dernièrement j'ai envie de vous dire Florence Foresti que je trouve extrêmement douée.. Il y en a une aussi que j'ai découvert, il n'y a pas longtemps, qui s'appelle Elisabeth Buffet, qui est extrêmement crue, extrêmement trash... moi qui  me croyais  crue!  Elle me fait beaucoup rire, c'est très bien écrit. Florence Foresti, je la trouve extrêmement show girl et très drôle. Pour le coup, je trouve ce qu'elle dit plus gentillet parce que ça n'écorche jamais rien mais c'est bien vu. Ce sont mes deux petites chouchoutes découvertes de ces dernières années mais sinon j'ai toujours adoré Palmade, Robin, Dubosc. Voilà en gros les comiques que j'aime bien.

Et des mentors option musique?
C'est difficile parce que pour le côté showman, par exemple, je dirais que Philippe Catherine me fait hurler de rire et en même temps je ne passe pas mon temps à l'écouter. Je trouve qu'il a trouvé un truc très original, il m'amuse, il a toujours beaucoup de fantaisie et ça j'adore, ce côté décalé qui ne ressemble à personne.
Après, musicalement, par exemple, je peux parler de Bénabar. Quand on m'a dit "tu vas faire la première partie de Bénébar", moi qui adore Bénabar depuis la première heure et qui m''étais dit "Ah lala qu'est-ce que je rêverais de faire sa première partie!",  c'est arrivé donc c'est un peu un rêve éveillé!  Bénabar est super, il a une pêche d'enfer, c'est un vrai showman, il sautille dans tous les sens, il donne, il est très généreux sur scène et ça c'est très important! Il y a plein de gens dont je trouve les musiques sympas et sur scène, je me dis que c'est aussi bien d' écouter le disque à la maison parce que ça donne pas grand-chose. Lui, il a une générosité sur scène qui est énorme.
Qui j'aime beaucoup aussi? Delerm qui utilise plein de références et un décalage , il a beaucoup d'humour, sort toujours une petite connerie au passage, oui, je le trouve assez fantasque à sa façon. Dernièrement j'aime beaucoup aussi Emily Loizeau que je vais d'ailleurs aller voir à l'Olympia bientôt: elle a vraiment un univers très elle, très intéressant musicalement et on part loin quand on l'écoute je trouve, c'est vraiment une belle découverte. Sinon, j'adore Aznavour, Barbara... des classiques. scène, beaucoup de jeux de mots, de références qui touchent généralement pas mal les gens. Le personnage que j'interprète  est drôle, décalé et a surtout beaucoup d'auto- dérision avec lui-même mais ce n'est  justement pas qu'un personnage qui se met une plume dans le cul pour faire rigoler tout le monde. Elle a des failles, elle se prend souvent des claques dans la gueule mais elle a un côté positif aussi, elle reprend à chaque fois du poil de la bête, elle remonte sur scène et elle en veut et elle cherche vraiment à sortir de cette mauvaise lumière. Bien sûr mon spectacle est plutôt comique mais il y a aussi, dans le spectacle, des chansons  tendres,  émouvantes... par exemple il y a une chanson qui s'appelle "je veux un bébé" : son mec n'est pas prêt, il n'en a pas envie tout de suite alors qu'elle, elle sent que l'horloge biologique est en marche et qu'être maman lui manque pour s'épanouir. Il y a dans cette chanson à la fois  de la tendresse et  un manque énorme qui révèle de la souffrance...
Ce personnage sur scène: est-ce surtout un jeu ou votre personnalité intrinsèque? Ce show-là correspond à des parts intimes de votre personnalité ou allez-vous à contre-courant de ce que vous êtes?
Ni l'un ni l'autre. Ce personnage me ressemble comme une soeur mais ce n'est pas tout à fait moi, c'est à dire que, sur scène, il m'autorise des choses que je ne me permettrais pas dans la vie et en même temps, tout le fond du personnage c'est moi . Donc c'est moi ++ !  Elle est le brin de fantaisie que parfois on ne s'autorise pas...
Je suis plus réservée que le personnage que je joue et en même temps elle parle comme moi, elle bouge comme moi. Ce sont mes vannes, je fais beaucoup de blagues dans la vie mais je ne suis pas toujours surexcitée, je ne suis pas quelqu'un de tonitruant tout le temps. Elle, elle est relativement non stop sur scène tandis que  moi, c'est de temps en temps dans la vie et avec parcimonie parce que je trouve ça extrêmement fatigant. Voilà je me dis " c'est ton terrain vas-y,  fais rire"... il y a un côté "sors de toi-même" donc ce personnage est un peu à l'intérieur de moi quand même.

Qu'apporte le chant à vos tribulations de comédienne sur scène? Vous définiriez-vous comme chanteuse qui se met en scène ou comédienne qui pousse la chansonnette?
Je dirais comédienne qui pousse la chansonnette s'il faut que je choisisse parce que, quelque part , en France, on a toujours envie de vous mettre dans une cage: "mais t'es chanteuse ou t'es comédienne?". Moi je suis vraiment les deux en même temps. J'ai commencé le théâtre à huit ans dans une petit troupe, je monte sur scène depuis cet âge et j'ai toujours organisé des petits concerts, j'ai mis en scène tous mes cousins... donc aussi le côté metteur en scène m'a toujours bien botté .
J'ai toujours fait les deux en parallèle et puis  quand je suis arrivée après le lycée, j'ai fait une fac de cinéma, puis j'ai plongé dans la comédie musicale où l'on fait les deux. Dans la comédie musicale, est-ce qu'on demande aux interprètes:" T'es chanteur, t'es comédien ou t'es danseur?" Bon, là, pour le coup, moi je ne suis pas danseuse (rires) mais pour moi, théâtre et chant sont  indissociables . Là, on a écrit un film avec Marion avec  ce même personnage que l'on a mis dans une comédie romantique. On a écrit le film comme on voulait le voir au cinéma et moi, j'ai hâte de jouer et là pour le coup, ce ne sera pas chanté! C'est important pour moi de me revendiquer en tant que comédienne parce que j'ai vraiment envie de ça, envie de jouer aussi sans chanter.

Pour quel morceau de votre répertoire avez-vous de l'affection et pourquoi?
Tous évidemment. Chaque chanson est un moment, une période...une régalade avec Marion- qu'est-ce qu'on a pu pleurer de rire à en écrire certaines ! - mais je dirais que la plus belle qu'on ait écrite, je trouve, jusqu'à maintenant, c'est 1095 jours. La femme qui attend que l'homme marié quitte sa femme. Pour celle-là, j'ai une émotion particulière - aussi parce qu'elle est plus récente et que je me suis peut-être un peu lassée du premier album que j'ai beaucoup joué parce que ça fait quand même longtemps qu'il existe. Cette chanson-là, je trouve que c'est la plus émouvante qu'on ait écrite et j'aime beaucoup aussi celle de ma grand-mère. J'aime celle du mariage, "le plus beau jour de ma vie"; dans le premier album, j'aime beaucoup "je veux un bébé". Ce sont des périodes de ma vie importantes, des choses que j'ai vécues pas toujours rigolotes... mais c'est vrai que j'ai une tendresse pour toutes les chansons parce qu'elles correspondent à des périodes différentes de ma vie.

Certains de vos morceaux usent d'une certaine gravité et de lyrisme( la superbe mamie "on y va" et  sa" belle vue sur la mort")....est-ce pour pallier à un show burlesque? Ou juste parce que Charlotte aime user de tous les tons pour faire parler de nos petites médiocrités et  de nos attendrissantes manies?
On m'a dit : "mais cette chanson, elle est un petit peu O.V.N.I" . Or, non! Elle ne l'est pas! Parce que je parle du quotidien et le quotidien, c'est aussi d'aller visiter sa grand-mère donc pour moi cet album ne pouvait pas exister sans cette chanson dedans. Ma grand-mère était comme ça, elle aimait caler toujours des jeux de mots, des calembours et c'est tout à fait ce qu'elle aurait pu dire avant de perdre la tête , dire "oh lala, ben, dîtes donc, j'ai une belle vue sur la mort"... Dans la chanson, je dis que c'est un peu un mélange entre Grace Kelly et Jacqueline Maillan, c'est vraiment ça! Elle pouvait trouver, même dans des situations hyper glauques, toujours le petit côté "on peut rire de tout"... Dans chaque chanson, même quand elles sont plus tendres, plus nostalgiques, plus dures, on essaye toujours de ne jamais tomber dans le pathétique. Toujours de la tendresse, toujours un décalage, pour se protéger aussi. Généralement quand on rigole des choses, c'est pour se protéger.

Vous tournez avec Bénabar depuis plusieurs mois déjà... Vous a -t-il choisi parce que vous êtes un peu son pendant féminin? Pour  le choix des thèmes et votre peinture drolatique du quotidien?
En fait il ne m'a pas vraiment choisi, il a simplement accepté que je fasse sa première partie. En fait, on a le même tourneur, Garance, qui lui a proposé ma candidature et quand il a écouté, il a trouvé ça très sympa et a dit que le fait d'avoir une fille en première partie changerait un peu. Donc il ne me connaissait pas vraiment  et on a appris à se connaître pendant toute sa tournée; ça fait presque un an et on a énormément sympathisé. J'adore Bénabar: c'est quelqu'un de super humainement.

Pour terminer, si vous deviez me citer une oeuvre littéraire qui vous a transportée, vous diriez?
Il y en a plein mais celle qui m'a le plus marquée, sans doute parce que j'étais adolescente, ce sont Les noces barbares de Yann Queffélec. À l'époque ça m'a bouleversée; et dernièrement j'ai lu le dernier Beigbeder, «Un roman français». J'ai lu plusieurs bouquins de lui, j'ai été déçue par l'avant-dernier, il y en a d'autres que j'ai trouvé sympas,  légers et là, le dernier, je le trouve très tendre, intelligent, très bien écrit, j'ai passé un très bon moment en sa compagnie. Il y a beaucoup de tendresse avec son enfance, ses souvenirs et puis il se remet beaucoup en question, il a une auto-critique de lui-même qui est intéressante et beaucoup de références , notamment aux années soixante-dix. Oui, un bon moment de lecture !

Propos recueillis par Julie Cadilhac / BSCNEWS.FR
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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 10:58

Julien Cottereau : Ses secrets d'Arlequin et l'empathie du clown

Le clown-mime-bruiteur plonge le spectateur dans le monde si symbolique du conte de fées

Le clown-mime-bruiteur plonge le spectateur dans le monde si symbolique du conte de fées

Un sourire d'enfant espiègle épinglé sur son costume d'Auguste moderne, Julien Cottereau conquiert immédiatement les âmes enfantines et réveille l'émerveillement que nous avions enfoui sous notre carapace d'adulte sage et policé. IMAGINE TOI, son spectacle magique, porte brillamment son nom! Le clown-mime-bruiteur  plonge le spectateur dans le monde si symbolique du conte de fées et l'invite au hasard de ses caprices à exprimer sa propre créativité. On en ressort les pupilles en étoiles, le coeur conquérant et le pied ragaillardi! Sus à l'imagination!!
Un grand merci à ce poète du geste de s'être laissé capturer le temps d'une interview à l'improvisade et de m'avoir livré quelques secrets d'Arlequin. J'en ai un à vous souffler, d'ailleurs, qui ne vous étonnera point: sa petite soeur n'est autre qu'une fée ! Alors, pensez-vous, illuminer de magie l'atmosphère: c'est de famille !

Bonjour Julien, quelle est votre formation initiale? Vous revendiquez-vous clown ou comédien formé à la technique du clown?
Tout a commencé au collège au Mans, on m'a donné le rôle principal pour un personnage drôle d'une pièce de Ionesco basée sur l'absurde et déjà, je suis allé dans le public... J'avais envie de sauter la marche de la scène et d'aller auprès des gens et de jouer avec eux!
Au départ, je voulais être batteur et, pendant trois ans, j'ai monté des groupes avec des copains - j'étudiais  la batterie depuis l'âge de dix ans - et un jour, les deux membres principaux du groupe dans lequel je jouais sont partis à Paris pour faire une école de jazz; je voulais les suivre mais l'autorité paternelle a dit "Non, tu passes le bac d'abord!". J'ai donc passé le bac et ne sachant pas trop quelle orientation prendre, j'ai fait un BTS tourisme dans une école assez réputée nommée "Guyancourt", dans les Yvelines. Puis, j'ai continué par une école nommée Bessières à Paris pour une spécialisation en tourisme international.  Dans cette école, il y avait un cours du soir en théâtre. J'y ai  participé et là, ça a fait un énorme big bang dans ma tête et je me suis dit " C'est ça que tu dois faire". Donc j'ai tout abandonné, j'ai continué les cours de théâtre et j'ai été pris en septembre d'après à l'Ecole de la Rue Blanche, l'école nationale. Pour se présenter au concours d'entrée, il fallait avoir un an d'expérience de cours "professionnels". Ce n'était pas mon cas. Donc j'ai menti parce que j'avais juste passé un mois dans un cours privé pour préparer le concours. J'ai été pris directement et j'avais tellement hâte d'apprendre et tellement peur d'être démasqué que j'ai monté des spectacles en plus des cours,  trois spectacles en tout. Jean-Marie Binoche m'a repéré, le papa de Juliette Binoche. J'étais amoureux de Juliette B
inoche plus jeune! Adolescent, je sortais du cinéma et je rêvais,  mon coeur battait et tout...donc quand j'ai vu son papa, j'ai travaillé très fort pour voir la fille... mais je ne l'ai jamais vue... bien sûr (rires)...

Et puis un jour...?
Claude Crespin,  un directeur artistique de la tournée au Japon du spectacle Saltimbanco, qui était français et avait fait des spectacles de clown avec Jean-Marie Binoche, l'a contacté et lui a demandé s'il connaissait quelqu'un. J-M Binoche m'avait vu dans des spectacles musico-clownesques que j'avais monté avec les Wriggles (http://www.leswriggles.com/wrestacle/. Il m'a donc  mis en relation avec le Cirque du Soleil et en 94, j'ai remplacé un grand clown, René Bazinet, qui aujourd'hui est prof à Montréal. René Bazinet était mime clown bruiteur pour le spectacle Saltimbanco au Cirque du Soleil. Il n'était pas très en forme, démotivé et je l'ai remplacé au pied levé. Je l’ai donc remplacé sans avoir aucune formation! Je n'ai pas été du tout accepté par l'équipe quand j'étais là-bas. Pendant deux ans, ça a été une vrai challenge pour faire mes galons! Un jour de fortune, j'ai sauvé le show, comme on dit, parce que René Bazinet était revenu pour faire la première de la tournée européenne à Amsterdam en 95 et il s'est fait une entorse. J'étais là en tant que spectateur et à nouveau, je l'ai donc remplacé et sauvé le spectacle parce que, sans le clown, alors que toutes les caméras de télévision étaient présentes pour la tournée européenne et que le Cirque du Soleil n'était pas revenu en Europe depuis 7-8 ans, imaginez la catastrophe. Après l'équipe m'a accepté et, alors que j'aurais pu avoir des prétentions financières, j'ai simplement dit qu'avec un salaire égal, je souhaitais que René Bazinet puisse se reposer ici à Amsterdam et me faire travailler. J'ai ainsi pu parfaire un petit peu mon éducation de clown, de mime et de bruiteur avec lui pendant un mois et demi. J'ai fait 1500 fois la même chose un peu partout dans le monde. Ensuite, je suis allé en Afghanistan et  au Soudan avec clowns sans frontière... en Palestine aussi et je repars bientôt  avec une autre association pour le Congo, à Brazzaville et  à Pointe-Noire pour les enfants et voilà, j'essaie à chaque fois, toujours avec la même technique, de faire des choses un peu différentes pour pouvoir parfaire
cet apprentissage. Je continue à apprendre ...

Julien, vous vous qualifieriez plutôt de Clown Blanc ou d'Auguste?

Entre les deux on va dire... je dirais le clown blanc dans la tradition des clowns blancs et non pas le clown blanc d'aujourd'hui. Oui, le clown blanc du début du siècle comme, par exemple, François Fratellini, véritable petit lutin, sujet très fantaisiste, qui n'était pas quelqu'un qui venait avec un saxo, un habit de lumière et qui ne bougeait pas...
Le clown blanc d'aujourd'hui est toujours dépositaire de la beauté, de l'élégance mais il n'a plus sept ans, il a grandi. Il est un peu entre Monsieur Loyal et le clown blanc d'avant. Et c'est un peu dommage. Avant le clown blanc, il avait 7 ans et l'Auguste en avait cinq: le clown blanc, c'était un peu le grand frère mais il était toujours aussi clown!
Je me qualifierais entre les deux mais je tends vers l'Auguste...
Julien Cottereau:

Julien Cottereau:


Celui qui amène le déséquilibre...
Celui qui fait bouger les coeurs, qui fait bouillir la marmite, les émotions... celui qui fait rêver et rire en même temps... celui qui est en dehors de notre vie normative, normalisée, socialisée... celui qui nous amène dans un ailleurs, dans un autrement ENORME.

Celui qui provoque un désordre...

Oui, le clown provoque le désordre mais toujours pour un chaos émotionnel. C'est toujours lié à la tendresse et à la liberté. On vit trop avec des normes, on ne se parle plus vraiment et on ne peut plus vraiment se comprendre: il y a tellement de choses qu'il ne faut pas faire ou dire de par notre éducation, oui tellement d'interdits. On est dans des normes tout le temps, dans des cadres et le clown est là pour étendre les cadres, pour casser les frontières entre les générations et les catégories sociales. C'est un bel outil de communication en fait, où l'on rigole, l'on est ému, l'on est touché. C'est notre enfance qui parle, notre fou et notre cancre et tout ce monde-là se tient la main. Dans le monde sacré qu'est le théâtre, tout d'un coup, on est dans une même famille, une famille d'émotions.
Tous les arts de scène sont là pour ça mais le clown est vraiment un moyen direct et ludique pour amener cette communion.

J'ai lu que vous rapprochiez votre personnage du fameux Arlequin de la Commedia Dell'Arte, pourquoi?
J'ai du évoquer Arlequin parce que, souvent, on me met en référence avec le mime Marceau, comme potentiel successeur .
Pourtant je ne me définis pas du tout en tant que pantomime ; ce que je fais est plutôt une arlequinade. Pourquoi? Parce qu'Arlequin a besoin de remplir son estomac et son coeur! Il a besoin de rassasier son corps, est tout le temps sur le qui-vive, c'est le valet!
 Les valets de Molière sont une continuation historique des Arlequins et moi je m'inscris dans une Arlequinade moderne.
le clown julien cottereauUne transgression d'Arlequin certes! Mais toujours de ce même avatar. Mon personnage, quand il arrive, dès qu'il voit quelqu'un, il a besoin de jouer avec lui et de le faire rire; il a faim d'amour. Et puis il bouge! J'ai des mouvements de mime, des tics corporels. Tous les clowns ont des tics corporels, des espèces d'empreintes...soit avec les mots, soit avec les sons, soit avec les corps, soit les trois.
Je m'inscris dans un spectacle visuel donc corporel et j'ai des tics aussi qui correspondent à la grande marmite de la Commedia Dell'Arte, du théâtre des tréteaux et plus loin même, du théâtre des funambules.
Les clowns sont venus petit à petit dans les cirques puis dans les théâtres. Le clown que j'ai remplacé a fait ses classes à Beaubourg ou à Covent Garden, sur des grandes places: c'est un bateleur. Je suis de la race des bateleurs! Une version moderne, évidemment: j'ai un petit micro et puis à l'intérieur de mon spectacle il y a des améliorations technologiques avec le son  mais je m'inscris dans un théâtre de tréteaux moderne. On pourrait dire que je suis un Pierrot rappeur ou un Arlequin moderne...

D'où est venue l'idée de votre spectacle Imagine-Toi? De ce clown-mime-bruiteur que vous aviez remplacé?

Dix ans après avoir remplacé ce clown, j'ai rencontré des producteurs à Paris qui m'ont dit "banco, tu as carte blanche et tu fais un spectacle". J'avais envie de faire un spectacle sans mot et de faire évoluer mon personnage mais  sur un heure et quart.
Ce que je cherchais vraiment, c'est le pont entre les générations et les catégories sociales. Quand on regarde Chaplin ou Buster Keaton, Peter Sellers ou Roberto Benigni, on se sent à l'aise avec ces personnages parce qu'ils sont vraiment touchants et qu'ils nous rappellent plein de choses... De la même façon, mon personnage est aventurier, c'est une sorte de héros anti-héros, il nous flatte et en même temps il nous pousse en avant vers nos rêves et notre enfance, il nous fait retrouver la liberté de l'enfance, la liberté de la création. Il a cette créativité de l'enfance. L'idéal, pour nous, interprètes, c'est de porter les gens vers le haut, vers leur créativité..
Dans Imagine-Toi, le clown permet l'empathie, la compassion parce qu'il fait tout de travers. Le mime autorise la créativité des gens, avec son côté magique: avec de l'invisible, il crée des choses, d'un coup il les voit et tout le monde voit la même chose. Le bruitage, c'est la même chose mais du côté de la musique. J'essaye vraiment de combiner plein d'arts, d'utiliser des passerelles pour faire un spectacle de métissage et en même temps j'essaie de tirer les gens vers leur créativité. C'est pour ça que je prends des gens du public et que je joue avec eux; c'est un peu ma spécialité mais ils doivent être en confiance pour jouer avec moi complètement, inventer et s'amuser.... Mais dès qu'il y a quelqu'un avec moi qui s'amuse, il n'y a plus un clown, il y en a deux!

Est-ce que vous visiez les enfants en particulier? Votre spectacle puise largement, en effet, dans l'univers du julien cottereauconte....
Tout à fait mais si on y réfléchit, on a perdu un tout petit peu d'émerveillement en devenant adulte. Si on ne perdait pas ce don de s'émerveiller, on se rendrait compte que notre livre de vie, notre biographie, pourrait être un conte...Effectivement! il n'y a pas de sorcières, d'ogres dans la vraie vie mais on peut remplacer un patron par un ogre, par exemple. On pourrait plaisanter à caractériser d'un personnage de conte chaque jalon que l'on croise.
 L'émerveillement et le fait de raconter une histoire par le conte amène tout de suite un "il était une fois" qui rassure et en même temps on peut parler de choses émotionnelles très vraies très sincères: ça fait un mix qui nous émeut. On se rend compte qu'effectivement, ce n'est pas la vie, c'est le théâtre mais on a peut-être envie de faire de sa vie un théâtre, comme disait Shakespeare.

Des nouveaux projets en cours? Il y a le DVD qui est sorti récemment...
Le DVD, on l'a fait sur quatre spectacles et il est interactif. C'est "Imagine-Toi ton DVD": tu choisis des intervenants pour composer ton spectacle et après tu regardes. Il est en vente à la FNAC et sur Internet aussi.
Beaucoup de choses ont évolué dans le spectacle qui continue de tourner par rapport à la version DVD... plein de petites choses nouvelles et je n'ai pas fini avec ce spectacle, je le tourne un peu partout dans le monde...on va aller à Edimbourg normalement en août, Juste Pour Rire en Montréal en juillet et je continue jusqu'en mars en France et en Belgique.
J'ai aussi un gros projet qui s'appelle Nimagine, c'est un  titre provisoire, des petites scénettes ( de deux à trois minutes) avec deux personnages, ma femme et moi, qui sont dans un petit studio nu, avec le même principe de mime-bruiteur-clown. En ce moment, on demande aux internautes de coproduire sur http://www.touscoprod.com.
Sur ce site, tout le monde peut miser dix, cent, mille euros sur le projet et dès que j'ai 12500 euros, je m'arrête et je fais des pilotes que je propose aux chaînes: on est en développement de cette série.
 
 
 
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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 14:11

Rébecca Dautremer : La perfection du trait et de l'illustration

Des illustrations toujours soignées et magnifiques de Rébecca DautremerUn matin, en service de presse, un cadeau inattendu: l'Art Book de Rébecca Dautremer! Un livre magnifique dont je me suis saisie avec la main aussi fébrile qu'une enfant qui découvre un trésor. Au fil des pages ont fleuri des émotions opposées. Des rires provoqués par l'humour espiègle de l'illustratrice. De l'admiration devant la perfection du trait. De la tendresse pour les personnages croquignolets qui peuplent son univers onirique. Et soudain, aussi, de la nostalgie face au visage d'une jeune fille lointaine et songeuse qui m'a braqué l'estomac en un coup de cuillère à pot. Car, sur le papier glacé, je venais de retrouver une vieille connaissance scotchée longtemps au dessus de mon bureau estudiantin. Alors devant tant de génie de pinceau, de crayon, de collages, d'objectifs, ma curiosité grandissante a dévalisé Google de ses informations et j'ai constaté toute l'ampleur du travail de la jeune femme! Déjà consacrée d'un portfolio, c'est trop d'honneur, m'a-t-elle confiée. J'aurais ici l'audace publique de la contredire: cet ArtBook consacre l'évidence du talent! Il récompense la créatrice -d'un Cyrano oriental, d'un Petit Poucet , d'une fleur de Kenzo, d'une Baba Yaga, d'amoureux, de princesses toutes plus excentriques et magiques - mémorables! Et aujourd'hui d'un film d'animation nouveau-né en salle, «Kerity et la maison des contes», à voir absolument! Sachez-le: Rébecca Dautremer, c'est de l'incontournable! Elle conquiert petits et grands avec un égal succès! La preuve en mots et en images....

D'où est partie l'idée de ce Artbook? Et quelle définition en feriez-vous? Cette compilation-plaisir de vos projets déjà édifiés ou en cours? Cherche-t-elle à faire un portrait exhaustif de vos activités? Ou voulait-elle surtout montrer à vos lecteurs que d'autres arts que l'illustration vous tiennent à coeur?
Rien d'exhaustif dans ce bouquin-là. J'avais envie, comme je l'avais fait précédemment dans le cadre d'une petite exposition où j'avais fait publier un  petit catalogue, de montrer, en dehors des illustrations que l'on peut découvrir dans mes albums et qui sont déjà publiés, mon travail de dessous du bureau si vous voulez. Des croquis, des photos, des travaux personnels qui font aussi partie de mon travail. J'avais envie de mettre en regard les illustrations publiées dans certains albums que les gens connaissent bien et un travail plus personnel qui donne un sens différent. Je l'ai fait pour le plaisir, c'est un portfolio.


Illustratrice, graphiste et photographe? Qu'est-ce qui vous attire dans chacune de ces disciplines?

Alors moi je suis vraiment illustratrice, pas photographe. Graphiste, c'est un terme un peu générique qui me convient pas mal aussi mais je ne prétends pas être photographe ou, en tous cas, très amateur. Ce que j'aime de façon générale, c'est  faire de l'image: peu importe qu'elle soit photographique ou peinte ou collée ou scotchée! Si j'avais pu pouvoir m'exprimer par la photo, je l'aurais fait mais la technique est très lourde et finalement on est bien plus libre dans l'illustration et l'image peinte.


Cet Art book semble un portrait personnalisé où se mêle vie privée et création artistique? Est-ce pour matérialiser sur la page le fait que, dans votre vie, les deux domaines sont intimement liés?

Je n'ai pas vraiment fait de théorie là-dessus. Ma vie, c'est mon travail et ma famille... enfin, c'est un ensemble. Je n'ai pas l'impression d'exercer un métier ou d'aller au boulot le matin, vraiment pas. Et je travaille chez moi donc tout est extrêmement mélangé. Après, je n'avais pas besoin de le montrer mais c'est un fait. C'est là.
L'art semble éclabousser toute votre vie....
Mon travail  se mélange à ma vie de tous les jours, je n'ai pas forcément de week-ends. Mon cerveau ne s'arrête pas lorsque je sors de mon bureau par rapport à mon travail,  c'est quelque chose qui m'habite tout le temps.


Cet artbook se suit comme un  livre interactif... dont vous êtes l'héroïne? Dont le lecteur est un décideur actif? Dont il prend plaisir à aborder de façon capricieuse et aléatoire les pages du livre?
C'est ça... quand on fait un Artbook, il faut choisir une façon d'ordonner les images et les éléments. On peut les ordonner chronologiquement mais bon, je n'ai quand même pas une carrière de quarante ans derrière moi,  ça aurait été un peu absurde et puis je trouvais ça ennuyeux... j'aurais pu les ordonner par thèmes aussi ou bien mettre les livres d'un côté, la pub de l'autre, l'animation encore d'un autre côté, ça me semblait aussi assez embêtant donc j'ai préféré faire ça par association d'idées plus ou moins loufoques, plus ou moins logiques et puis, oui, je voulais que le lecteur se perde... comme s'il fouillait dans le bureau de quelqu'un et qu'il tombait sur quelque chose et ça l'amène à autre chose... oui, c'est vraiment ça. C'est une invitation libre à fouiller.


La première de couverture est un auto-portrait émouvant. Comment s'y prend-on pour aborder son autoportrait? Qu'est-ce qui prime, pour Rebecca Dautremer, la réalité physique ou les aspirations et goûts de l'intérieur? Diriez-vous qu'un auto-portrait, c'est le portrait transperçant et juste qu'une photographie ne fera jamais?
Alors ce n'est pas vraiment un auto-portrait. Je n'ai pas cherché à me dessiner. D'abord je suis nulle pour faire des portraits, je n'y arrive pas. Et si vous relisez la page de garde du Artbook, vous verrez qu'au départ je me suis dit "tiens, est-ce que je fais un auto-portrait?" puis ça me gênait, en fait, je trouve ça très gênant de faire un auto-portrait donc c'est vrai que j'ai fait un profil qui ressemblait un peu au mien et puis après je me suis dit "non, il faut que ce soit plus ambigu que ça" donc j'ai tiré vers un portrait d'un homme. Je voulais quelque chose d'un peu androgyne, qui accroche l'oeil, oui, faire simplement le portrait de quelqu'un qui fasse tourner la tête. C'est vraiment tout. Après le fait est qu'il y a certains gens qui me reconnaissent, d'autres pas. Mais c'est un mélange entre un homme et une femme. Moi, je suis tout à fait blanche, lui  est assez typé. Voilà ,après j'ai la même coupe de cheveux mais...c'est un mélange:  un auto-portrait non assumé.

Certaines vies de Rébecca Dautremer
Ce "book" commence par une interview amusée de vous par votre mari. C'est un autre auto-portrait porté par un regard qui vous est cher. Une envie de jouer? avec des oui qui s'égrènent et montrent par là votre pudeur?..... un jeu amoureux?
Lui, il a pris ça comme ça, comme un jeu. Pour moi, il est difficile de faire un auto-portrait qui soit peint ou écrit: c'est difficile de parler de soi, j'ai du mal à écrire "je" par exemple dans les phrases, oui, oui, par pudeur, c'est certain. Aussi, de façon détournée et avec un peu d'humour, on arrive à parler de soi sans trop se mettre en avant quand même.


Ce livre semble être à déchiffrer comme si vous nous donniez des renseignements sur vous dans un jeu de piste en énigme....je me trompe?
Très bien, si c'est cela votre perception, ça me va. Tant pis si les gens ne comprennent pas tout. Parce que je n'ai pas envie de faire de théorie sur moi-même et par sincère modestie - je n'ai pas à raconter ma vie, elle ne mérite pas plus que ça d'être racontée -  je préférais que ce soit un peu sensible et poétique et que les gens ne sachent pas trop à qui ils ont à faire. Il y a des éléments très privés mais j'ai 38 ans pas 85 donc je n'ai pas de leçon à donner. J'ai fait ça plutôt avec des infos un peu cachées, avec de l'humour et juste pour le plaisir d'inviter quelqu'un chez soi et puis on découvre la personne, on s'y plaît ou on s'y plait pas mais.. c'est une rencontre quoi.

L'amour est-il un moteur essentiel de votre créativité?  Chacun de vos dessins est porté par un souffle particulier et par une irrépressible envie de sublimer. Est-ce le résultat d'un regard personnel fondamentalement optimiste?
Ah ben ça alors! C'est vrai que moi les gens m'intéressent tous, même les méchants! Donc après, à vous de voir ce que ça veut dire mais je trouve les gens très beaux, tous, souvent et même les très méchants ...enfin, c'est rare en même temps de trouver des gens sans intérêt. Bon, en même temps, je n'ai jamais rencontré de vrais méchants dans ma vie.


"Ce n'est pas parce que c'est inventé que ça n'existe pas». Est-ce un peu votre philosophie?

Oui, il se trouve que oui. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé mais oui, ça me convient bien. Ce n'est pas parce que ça n'existe pas qu'on ne doit pas s'y plonger.


Vos travaux s'adressent d'abord aux enfants? Cet artbook ne semble pourtant pas cibler les enfants.... S'adresse-t-il à des gens qui ont gardé l'espièglerie de leur enfance? Comme vous?
C'est un fait, je ne suis pas la seule dans ce cas... il y a beaucoup d'auteurs de livres pour enfants qui travaillent d'abord à destination des enfants: ce sont les paramètres de départ. On travaille avec des éditeurs pour enfants pour mettre les bouquins dans les rayons pour enfants mais la moitié au moins, voire plus, de ces livres-là sont achetés par des adultes, des gens qui s'intéressent au travail de l'image des illustrateurs et qui ne peuvent pas trouver l'équivalent dans les rayons pour adultes tout simplement. Les livres illustrés, les images de ce type-là, elles ne sont destinées, commercialement et en théorie, qu'aux enfants. Pour les adultes, il y a les bandes dessinées mais c'est un autre domaine. Les romans illustrés ou les livres illustrés pour adultes , ça n'existe pas ou c'est très très rare. Si ça ne se fait pas, c'est que,  commercialement parlant, ça ne doit pas fonctionner, je ne sais pas, mais en tous cas le fait est qu'il y a un public adulte qui est demandeur de ça et moi quand je suis en dédicace, je pense que 60 à 70 % de mes bouquins sont vendus pour les adultes. Donc j'ai conscience qu'il y a ce public-là qui existe et j'ai plaisir à pouvoir parler de mon travail avec des plus grands, de parler de sujets qui touchent moins les enfants. Ce livre-là est donc ostensiblement dédié aux adultes, aux plus grands en tous cas... pas forcément besoin d'être très vieux.


Comment illustre-t-on pour des enfants? Votre travail de création s'entreprend-t-il différemment selon le public visé?

Non, pas particulièrement. Comme j'illustre des textes qui sont a priori destinés aux enfants , je suis amenée à m'intéresser à ce public-là mais je mets les images que j'ai envie de mettre et les enfants prennent ce qu'ils ont envie de prendre et les grands aussi. Mes images sont des dessins qui sont clairs, lisibles et faciles à comprendre après chacun y met ce qu'il veut. Je ne me dis pas "Attention, je travaille pour les enfants!". Pas du tout. Je ne mets pas de barrière moi, entre les enfants et les parents. Je fais des images pour les gens, après...


C'est un portfolio qui ne manque pas d'humour. Rire est-il un  moyen de pallier  votre dimension relative au rêve,  03kerity_1600x1200.jpgune façon de revenir un peu sur terre et de vous montrer plus accessible?
Oui, il faut vraiment pas se prendre au sérieux, ça, c'est certain. Et puis j'ai eu la chance de faire ce livre-là. L'éditeur me l'a proposé et c'est quand même une opportunité qui n'arrive pas tous les jours... Je voulais prendre ce livre sur un ton un peu léger parce que je n'ai ni l'âge ni la carrière derrière moi pour justifier de tout ça et puis c'est vrai que quand on fait des choses très poétiques, très oniriques , de temps en temps on a besoin de marcher un peu dans les flaques et d'éclabousser l'ensemble. C'est bien que ce soit onirique et poétique mais il faut que ce soit rigolo aussi. Sinon, ça devient niais.


Ainsi, pour montrer que Rébecca Dautremer adore la dérision, elle affirme dans son Artbook que lorsqu'elle dessine des fils électriques, elle pense d'abord à l'esthétique avant de théoriser...
Ben voilà, il ne faut pas faire de grandes théories fumeuses... ça me plaît d'être simple. Oui, j'aime  tourner en dérision ces choses-là et puis si on croit trop aux choses du rêve, ça devient ridicule , ça devient niais; C'est bien d'y croire mais...


Vous affirmez ( dans un interview que j'ai lu sur le net) que vous êtes plutôt grand format: pourquoi? Est-ce parce que vous n'aimez pas être limitée?
Alors ça, sur le net , méfiez vous...


Les contraintes sont-elles libératrices ou castratrices pour vous?
C'est intéressant la contrainte. Le jeu, c'est d'arriver à la détourner et, si vous parlez de format, c'est vrai que souvent j'ai travaillé sur des grands formats parce que l'image a une ampleur et une présence forte. Récemment j'ai fait un livre qui s'appelle Le journal du Petit Poucet qui est un tout petit format. J'ai trouvé cela très intéressant parce que la contrainte force à adopter des techniques qui remettent les choses en question et ça peut être riche, ça peut apprendre beaucoup.


tumblr_ks0reeLqUe1qzvvgco1_500.jpgY-a-t-il des éléments obsessionnels dans vos illustrations? Les foulards? Les ailes? Les fleurs rouges et fragiles ?
Oui, c'est un fait que je prise les fils, les petites choses, les petits grains, les petites fourmis, les petits trucs, je ne sais pas pourquoi... Les petits détails, les grains de sable, les choses fines. En fait, ce qui est joli et fascinant ,ce sont les contraires...une toute petite chose fine à côté d'un grand espace vide, des choses très détaillés à côté de quelque chose de très grossier...


Diriez-vous que votre imaginaire est sensiblement féminin?

Pas volontairement... Mais je vois bien que les filles y sont plus sensibles mais j'avoue que je me réjouis vraiment quand un homme s'intéresse à mon travail, ce qui arrive...


Vos personnages mêlent souvent, peau mate ou très blanche, yeux bridés, lèvres épaisses. Est-ce une volonté d'universalité? Les visages doivent être d'ici et d'ailleurs pour toucher davantage?
Non, je n'ai pas de théorie là-dessus, on m'a fait remarqué que tous mes personnages avaient un type asiatique. Franchement, quasiment, je n'avais pas remarqué. Je n'ai vraiment de raison pour le faire, je trouve ça joli, je le fais! Ce n'est pas une volonté du politiquement correct, je sais que ça pourrait relever de ça...


Je le percevais pour ma part comme une démarche esthétique...
Oui, effectivement, si je trouve qu'un personnage à la peau noire convient mieux avec mon costume rouge, je le fais. Peu importe qui il est... Les illustrateurs ont la liberté de mettre les acteurs comme ils veulent, là où ils veulent, il faut en profiter.


Parmi tous ces personnages que vous avez fait vivre, pour ne parler que de lui, qu'est-ce qui vous a séduit/fasciné dans l'histoire du Petit Poucet? Sur quels thèmes essentiels avez-vous travaillé avec Philippe Lechermeier?

Le texte, comme souvent, est venu en amont. Philippe Lechermeier a écrit son journal qui, au départ, devait être illustré mais très succinctement. Il m'en a parlé comme ça, je devais juste apporter quelques petites annotations dans la marge, comme  aurait pu être le vrai journal de quelqu'un qui, de temps en temps, marque un numéro de téléphone. Et puis, plus je lisais, plus j'avais envie d'en donner plus, de peindre des portraits en couleurs, de peindre des scènes et donc je lui ai fait modifier le projet si vous voulez. Le texte est resté le même. Ce qui m'a plu, c'est que, justement, cela s'adresse un peu plus aux plus grands et  les adultes peuvent y trouver leur compte. Ce n'est pas limité: c'est noir et c'est drôle... ce n'est pas cynique, je ne crois pas mais quand ils ont faim, on a vraiment faim avec eux. J'aime bien cette dureté-là dans l'histoire. On a vraiment le ventre qui gargouille à les entendre parler de soupe aux cailloux. C'est une histoire qui est noire mais du bon côté du noir... Dans mes illustrations j'ai pu me permettre des choses un peu plus dures ; ça n'a pas été facile pour l'éditeur que ce soit noir comme ça mais... ça marche!

Dernier projet en date: le film d'animation Kerity - La maison des contes. (réalisé par Dominique Monféry). Que vous tumblr_ks0rbufEkp1qzvvgco1_500.jpga apporté cette expérience cinématographique? techniquement parlant?
Techniquement, c'est très vaste et très différent de faire un livre donc déjà j'ai appris une multitude de choses. C'est très contraignant! Là, pour le coup, il fallait mieux que je me plaise dans la contrainte parce qu'il fallait les détourner et ça, c'est très formateur. C'est un travail d'équipe contrairement à l'illustration d'albums qui est un travail  solitaire... c'est donc aussi très intéressant de transmettre ses idées à une équipe pour qu'ils suivent votre style. Cela m'a forcée à faire des théories sur mon propre travail, à analyser ce que je faisais ou ne faisais pas et pourquoi.
C'est aussi un travail de l'image dans le temps et dans sa succession et non pas figée sur une feuille, une façon différente d'appréhender l'image et toute remise en question est bonne à prendre. Oui, une expérience très riche, instructive.. pas toujours facile, frustrante, compliquée, lourde mais...sans regret.


Vous êtes-vous déjà attaqué au personnage du clown? Est-ce un personnage qui par ses aspects doubles, son mal être d'adulte en déséquilibre et ses décalages enfantins et sa spontanéité, pourrait vous attirer?
Oui, c'est sûr que le désespoir du clown est quelque chose qui me fascine mais sans dire des banalités sur les clowns, je trouve qu'il n'y a rien de plus triste. En même temps, c'est très poétique et très sensible. Je ne me suis jamais posée la question de ce que je pourrais faire avec un clown mais ça pourrait me toucher oui...


D'autres illustrateurs à faire découvrir à nos lecteurs? Des boutons d'illustrateurs? Des tout bleus?

...ça m'arrive de m'intéresser au travail de mes collègues mais ce ne sont pas les illustrateurs eux-mêmes qui me nourrissent et sur lesquels je me penche le plus parce que ce sont mes semblables et que, du coup, le produit est fini alors je ne vais rien pouvoir en faire... C'est leur univers et moi, ça ne me nourrit pas. Je préfère regarder le travail des photographes ou l'image de cinéma ou de peinture, c'est quelque chose qui me touche davantage. Dans les photographes, il y a.... Graziela Iturbide, Depardon aussi  mais c'est un lieu commun. Sinon, j'aime les photos très très vieilles, genre début du siècle. Il y a aussi Jacobovici, Julia Margaret Cameron... il y en a tellement!


Propos recueillis par Julie Cadilhac / BSCNEWS.FR

Illustrations ( Rébecca Dautremer copyright)

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28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 13:21
L’ennui avec les poètes, c’est qu’ils sont perchés, lunaires et souvent inaccessibles. Nicolas Jules, lui, est un « powète » et ça tombe bien !  Il est arrivé sur Terre en 1973, il a un téléphone portable et une connexion internet, il néglige les muses sophistiquées de la tradition lyrique et conte fleurette aux femmes concrètes. Sur scène, il scotche l’attention, et même celle du badaud fourvoyé. Ses textes désarment, épanchements d’états d’âme  amusés, ses mélodies entraînent une agitation insoupçonnée. Derrière ses cheveux en bataille et son registre comico-désabusé, une dérision à fleur de peau et une nonchalance pesée.

L'histoire?
Une guitare, des talents de comédien , de l’audace et l’étudiant de lettres récidiviste de la 1ère année, après avoir poussé la corde vocale dans le groupe «  Mama Vaudou », a continué son odyssée sur  une nouvelle trière  nommée « Longicorne Mineur ».  Aujourd’hui il vogue sous son propre nom, a multiplié prix (Félix Leclerc aux Francofolies de Montréal, Prix chansons des découvertes au Printemps de Bourges, Coup de coeur Charles Cros...) et festivals et, depuis, il a fait les premières parties de nombreuses références de la chanson française ( Sansevérino, Têtes Raides, Jean-Louis Aubert, Jacques Higelin, Thomas Fersen, Jamait….) .
Sur son myspace (http://www.myspace.com/nicolasjuleschanteur), n’hésitez pas à retrouver la liste impressionnante de ses futurs concerts ! Il y aura forcément le vôtre !


J'ai donc l'honneur de rencontrer un powète?

"des idées à deux balles dans la tête."

Il existe neuf muses dans l'antiquité: de l'union de Zeus avec Mnémosyne (la mémoire) durant neuf nuits consécutives ( Zeus est tout puissant!) naquirent les neuf Muses, protectrices des arts, des lettres et des sciences. Calliope, présidait à l'Éloquence, elle est ici représentée un rouleau à la main, Melpomène, muse de la Tragédie et Thalie, muse de la Comédie, tiennent chacune un masque, Euterpe, muse de la Musique tient une flute dans sa main gauche, Clio muse de l'histoire est accoudée, Polymnie, sa voisine de droite est la muse de la Poésie lyrique, Érato est celle de l'Élégie, tient une cithare, Uranie muse de l'Astronomie, avec un globe à ses pieds et Terpsichore, muse de la Danse.
Laquelle invoqueriez-vous pour travailler? pour badiner?

Je n'invoquerai surtout pas les filles, belles filles ou arrières petites cousines de dieux. J'invoquerai plutôt des filles terriennes et vivantes, qui flânent cheveux au vent dans les rues, ou qui se terrent pensives, perdues parfois, au fond des PMU.

En concert, vous affichez un drôle d'accoutrement à mi-chemin entre le dandy et le clown? Pourquoi? Aimez-vous vous travestir? Comédien dans l'âme?

Cet accoutrement est mon costume de tous les jours. En plus sobre. Entre le dandy et le clown parce que mon caractère doit se situer entre les deux. Donc ce n'est pas un déguisement, je suis comme ça. Vraiment. Comédien je l'ai été de 15 à 25 ans. Médiocre et lucide, mais heureux et passionné. Ca m'a permis de découvrir que j'aimais l'odeur et le toucher des planches des théâtres. Ma vie est là. Et j'y endosse désormais mon propre rôle, c'est plus facile à jouer.

Vous n'y lésinez pas non plus sur l'humour, les jeux de gestes et de situations cocasses ...diriez-vous que votre musique ne prend sa véritable dimension qu'une fois sur scène?

Non, je ne peux pas dire ça. Sur scène c'est un spectacle, avec tout ce que vous dites en plus. Mais mes chansons sont aussi de grandes personnes qui se débrouillent très bien toute seules quand le public est parti.
Et la musique s'écoute autrement sur disque.

Votre acolyte batteur, boule à zéro harnaché de porte-jarretelles débridés, est-il un Sganarelle, pendant au  pied de nez de Don Juan  que vous incarnez? Depuis quand date votre union scénique?

Contrairement à moi, Roland Bourbon ne s'habille pas pareil à la scène et à la ville. Mais il ne joue pas à proprement parler un personnage. Même si c'est difficile à croire. Je veux dire que cette façon qu'il a de grimacer derrière sa batterie, la tête enfoncée dans les épaules, c'est sa façon de jouer. Il parle, il bouge comme ça. Après bien sûr on met les choses en scène mais en mettant nos bizarreries en lumière plutôt qu'en les masquant. Jamais nous ne nous sommes dit tu vas avoir telle ou telle attitude. C'est ainsi depuis le début. Qui est le Sganarelle, le clown blanc de l'autre ? C'est plus difficile à dire qu'il n'y paraît. Nous nous connaissons depuis dix ans et nous jouons ensemble depuis trois ans.

Vous vous définiriez de décalé?  cynique? boute-en-train? juste comique?
Pourquoi définir ? je suis tout ça peut-être, et tout le contraire aussi.

L'amour et les femmes semble un thème de prédilection......
Oui. Comme chez presque tout le monde.

Vous aimez jouer avec notre si belle langue: les allitérations: "J'aurais pu dans les cyprès, être si loin du zinc mais..."  pleuvent, on entend des enjambements moqueurs et vous évoquez,dans Le papier bleu notamment, l'écriture et ses problématiques. Chansons autobiographiques?

Mes chansons n'étaient jamais autobiographique. Elles le deviennent depuis peu. "Papier Bleu" est une invention avec un peu de ce que je suis. Les prochaines sont ce que je suis avec beaucoup d'inventions.

Une voix à la fois rock et caressante sur des textes souvent délicieusement cruels:  vous jouez à dessiner des portraits d'éclopés de l'amour : Dans la gueule, Le sac à ma copine, Celui qui n'a rien). Portraitiste dans l'âme?

Vous allez penser que je vous contredis sans arrêt... Je ne crois pas dresser de portraits. J'évoque plus volontiers des sensations du dedans. Je ne décris jamais un paysage ou une personne. Je mets en mots l'abstraction d'un sentiment. Je cherche autour. Des vers pour dire ce qui ne peut ni se définir ni se résumer.

Avec quels genres musicaux aimez-vous faire cahoter vos chansons?

J'aime le blues de Ligthin Hopkins et de John Lee Hooker. Le jazz de Fats Waller et Charles Mingus. Le rock des Doors et de Elvis. Beaucoup de choses. Pour résumer par la négative, je n'écoute pas trop de pop, de variété, d'électro et de hip-hop. J'ai zappé les années 80 et j'aime les sons un peu cassés.

Vos morceaux sont constellés de pauses  où vous " cassez" le rythme, est-ce une volonté  de briser le train train des maux quotidiens qu'évoquent vos chansons? de réveiller la passivité de vos congénères humains face à leurs comportements amoureux  ?
C'est un peu tout ça. Réveiller la passivité en général. Et peut-être ne pas m'endormir moi même.

Le powète, c'est celui qui ne se prend pas la tête? Êtes-vous quelqu'un de foncièrement primesautier?

Non (catégorique).

Sans en avoir l'air peut-on entendre dans un de vos chansons : le ton détaché que vous utilisez, est-ce une carapace d'oiseau blessé ou la marque d'un état d'esprit toujours caustique? Fataliste résigné ou simplement provocateur?

Un peu tout ça sans être fataliste une seconde. On me renvoie souvent que je suis dans la lune alors que jamais je n'oublie d'être terrien. Observer et écouter, parfois comprendre, sans en avoir l'air c'est beaucoup plus efficace.

Obsessionnel des mots à griffonner, à réciter, à mâchonner? Avez-vous toujours un petit carnet de notes sur vous? quelle est l'impulsion pour écrire une nouvelle chanson?

J'ai toujours de quoi écrire dans la poche. L'impulsion c'est l'envie. Tout simplement. J'écris peu. Le carnet c'est au cas où. La plupart du temps je bricole mes chansons quand j'éprouve le besoin physique d'en faire. Quand je sens qu'il est temps, que c'est mûr. Alors je cherche beaucoup, en marchant ou au bistrot, et c'est dans ma tête que je tourne et retourne les mots. Le papier c'est pour recopier. J'écris comme on pêche. Je pêche de moins en moins mais je commence à bien connaître les coins à poissons... et les saisons. Alors ça mord.

Sur Myspace, on a pu  lire la liste impressionnante de concerts que vous avez faits au canada:  Nicolas Jules conquiert le monde francophone? Great experience?

J'aime le Québec. C'est un pays jeune où le théâtre, la poésie et la musique se font avec la ferveur et l'imagination de la jeunesse. J'aime ce pays par pas mal de ses habitants et parce que j'ai eu la chance de lire Michel Garneau ou Patrice Desbiens. D'écouter Richard Desjardins, Frank Martel, Jean leloup... et mon chanteur québécois préféré, Urbain Desbois. Et c'est avec ce dernier que je viens d'enregistrer mon prochain album, à Montréal.

Parlons amour: Le grand Ahhhhhhhh  ne naît-il selon vous QUE de la magie des mots ( amateur des caramels et chocolateries verbales?) et  le coeur ne peut se serrer d'un coup de clef de douze que cérébralement?
Non, bien sûr. L'amour n'est pas dans les mots. Je bricole des chansons, je fais de la scène. Et le reste je le vis à fond, sans caramels et chocolats, rien que de la chair et des os.

Notre magazine réfléchit ce mois-ci sur la problématique du désir. Si vous deviez composer une chanson à partir d'une de ces citations, laquelle choisiriez-vous Nicolas et pourquoi?

1) On en vient à aimer son désir et non plus l'objet de son désir. (Friedrich Nietszche)
2) On n'échappe au désir que pour être repris par le désir. (Jacques Brault)
3) Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses. ( Marcel Proust)
4)Je perds le désir de ce que je cherche, en cherchant ce que je désire. ( Antonio Porchia)
5) Et le désir s'accroît quand l'effet se recule. ( Pierre Corneille)

Ce qui me correspond le mieux c'est "le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses" parce que ce genre de réflexion ne me quitte jamais. Et pourtant Proust n'est pas du tout un écrivain qui me plaît. Mes "désirs" de lecture vont à d'autres auteurs où je sens davantage le vent et l'audace me monter aux narines que la naphtaline.

Enfin, y a-t-il un nouvel album en préparation? Une nouvelle tournée? Quelles sont vos projets pour 2010?

Un nouvel album qui sort le 8 mars 2010. En réalité il est déjà fini. Un disque franco-québécois... très belle aventure. Une poignée d'amis l'a écouté et... si vous voulez on en reparle en mars.
Un nouveau spectacle, avec essentiellement les chansons de l'album, à partir de janvier. Roland Bourbon, toujours à la batterie, et une contrebassiste qui s'appelle Béatrice Gréa... si vous voulez on en reparle aussi.

Propos recueillis par Julie Cadilhac
Crédit Photos : Doumé/Piffaut/ Trouvé/Rod
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28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 13:12
Un jour de mauvais temps atypique, dehors un vent à décorner les boeufs, dedans un enregistreur qui ne me disait rien qui vaille, armée de mon rire fébrile de stentor et d'un stylo de fortune, j'ai croisé l'élégance. Ni tout à fait abeille, ni tout à fait moucheron mais picorant mes phrases de notes chantantes montpelliéraines, j'ai interviewé Thomas Fersen. Et, comme lorsqu'on se livre au jeu risqué de la confrontation de son imagination au réel, admirative au plus haut point du travail de l'artiste,  j'avoue avoir eu  peur d'être déçue. Que Thomas Fersen soit un chanteur abonné à l'école buissonnière de la chanson française plus par pédanterie que par goût. Qu'il soit cigale à la scène et fourmi à l'interview, lièvre à la guitare et tortue à la répartie, bref que cette interview ne soit pas la pièce des grands jours que j'espérais....
Pourtant, risquant une seconde fois de bousculer la modestie de l'artiste, je dirais que  j'ai eu  l'honneur d'être la réceptrice conquise de propos de talent. Ajoutez à cela de la douceur, de la patience devant les 245 "d'accord" qui rythmèrent mon copiage de notes, saupoudrez de rires avenants et d'un humour imperturbable et vous aurez compris que Thomas Fersen mérite qu'on le qualifie de  grand monsieur. Oui un grand monsieur du verbe dont la modestie rayonne sous un charme flegmatique. Je pourrais dire qu'on l'affuble de comparaisons toutes plus élogieuses les unes que les autres, Charles Trénet, Tom Waits, Randy Newman ou encore Jacques Prévert; je pourrais lui donner le nom d'oiseau rare, de perle musicale française, louer son imagination fertile et son verbe recherché et son ton à la fois grave et drôle. Je pourrais évoquer sa voix élimée et rauque, ses images multiples et variées qui sans cesse se renouvellent et évitent avec beaucoup de génie l'essoufflement de la répétition. Je pourrais raconter ses textes romanesques, son goût pour le ukulélé et la déclamation, surenchérir sur la fraîcheur de ses mélodies et leur légèreté délicieuse.
Mais je me contenterais de dire que Thomas Fersen EST. Que chacun de ses albums déborde d'originalité et de personnalité et qu'y plonger devrait être une prescription cérébrale.
Quiconque nie son talent mériterait bien qu'on lui impose la compagnie de Monsieur et finisse sous les églantines ou celle d'Hyacinthe à l'haleine de savon....ou non! qu'il soit transformé en chauve-souris! et comme c'est de saison, avec un peu de chance, cet ignorant croisera un parapluie découpé dans la nuit qui leur contera fleurette et changera d'avis...
Une révérence romantique, froufrous de jupons imaginaires,  à un artiste authentique.
 
Petite fiche d’identité
Nom libertin: Fersen
Prénom joueur: Thomas*

*Tomas Boy est un footballeur mexicain, remarqué par l’artiste lors du Mondial 1986.

Dernier album : Trois petits tours.


Découvrez la playlist Thomas fersen avec Thomas Fersen
 
 
Une question d'onomastique d'abord: comment choisit-on son nom de scène?
Un peu par hasard,  mon père m'a suggéré de m'appeler Fersen alors qu'on mangeait du saucisson. Je pense qu'il avait lu la biographie de Marie Antoinette par Stefan Zweig à cette époque, ce nom était dans sa tête à ce moment-là donc il m'a dit: "tu devrais t'appeler Fersen, c'est un personnage historique, même si  Les gens ne s'en souviennent pas forcément mais le nom existe dans la mémoire collective...C'est un nom qui m'a plu,  qui avait une consonance qui me plaisait, scandinave, un peu mystérieuse, étrangère. Des résonances de conte. Oui, ça m'a séduit et je trouvais que c'était un nom romanesque... et non pas romantique, c'est différent.

Animaux ? Pégase, Zaza?

Zaza a quitté ce monde... elle est allée rejoindre Nina dans les nuages. Elle existait encore il y a un an mais...

Animosité?

Des choses qui m'agacent? Je les oublie très vite les choses qui m'agacent, je n'en tiens pas registre alors je les oublie. Mais quand elles m'agacent, elles m'agacent beaucoup. Heureusement, elles ne durent pas.
Si... quelque chose que je trouve regrettable c'est  parfois les gens qui s'approprient les surprises ....la surprise est quelque chose de fragile...et quand on répand des choses qui sont nouvelles ou inédites, comme ça, sur Internet, c'est un petit peu triste, je pense qu'on gâche aux autres la surprise de découvrir...à propos d' une chanson ou autre...et je trouve ça dommage....ça me fait penser un peu à Proust qui louait sa mère qui ne lui disait jamais qu’elle lui amenait une lettre. Et ce qu’elle ne lui disait surtout pas, c’est qui avait écrit et donc sa surprise était totale. Ce sont des petits raffinements mais qui sont importants. Parfois, les gens s'approprient les surprises comme ça en les divulguant sur Internet et je trouve que c'est un peu moche. Pourtant, ce sont  des gens de bonne volonté parce que ce sont des gens qui m'aiment mais...

Mentor(s) :
Auxquels je pense effectivement quand je fais une chanson par exemple... c'est ça ce qu'on peut appeler un mentor, non? Et en même temps c'est une image que j'ai d'eux qui n'est peut-être pas tout à fait réelle mais c'est pas grave, ce sont des mentors que je me suis créés moi-même, qui sont quand même vivants.... Il y a notamment Joseph Racaille. En fait, ce sont souvent des gens avec qui j'ai travaillé. Et puis, aussi, occasionnellement, quand je sais que quelqu'un a écouté une de mes chansons, je me repasse le texte me mettant dans ce que j’imagine être sa peau... vous voyez ce que je veux dire?

Monomanie(s) usuelle(s) :

Beaucoup, beaucoup. Il y a suffisamment d'espace dans la conscience pour qu'elles s'immiscent.

Hypocondrie, narcissisme ou schizophrénie, paresse ( Vous avez dit : " le yukulélé peut être un truc de paresseux")? 

Euh... je peux être hypocondriaque, mais ce n'est pas  quotidien.
Si j'ai un symptôme, j'imagine le pire. Par exemple, ma phlébite. Vous ne la connaissez pas cette histoire ? Un jour, j'étais à Lyon et ça faisait quelques temps que j'avais mal au mollet et voilà que je le regarde ( je raconte cette histoire parfois sur scène ) et je vois une petite boule qui est entourée d'un cercle bleu donc bon, je m'en vais, je sors de l'hôtel, je passe devant une pharmacie, j'y rentre et là  je montre ce  machin à une pharmacienne qui me dit qu'il est préférable de consulter. Elle me trouve une jeune femme qui débutait dans la profession et qui remplaçait le professeur; elle était susceptible de me recevoir à l'heure du déjeuner donc j'y vais et, comme souvent les jeunes médecins ,elle a fait un diagnostic terrible (rires). Elle me dit: "suspicion une phlébite ! Donc prise de sang, un doppler pour être sûr enfin bon...vous imaginez... bas de contention  et je devais jouer le soir à Grenoble quand même! Je vous passe un certain nombre d'épisodes cocasses.... parce que c'est plein de cocasseries et de ridicule cette histoire.....Bref, je m’étais fait un bleu en dansant la saint-jeannaise à chaque concert depuis un mois.

Bon, voilà, j'ai quand même cru que j'allais mourir...
 
Citation de chevet:

Oh la la, il y en a quelques unes ! C'est parfois des paroles de chansons, de Charles Trénet par exemple.... "pas besoin de lait d’ânesse  pour retrouver jeunesse".

Thomas Fersen, êtes-vous un dandy moderne? A quoi devez-vous, selon vous, ce qualificatif récurrent?  A un charme rugueux associé à un  flegme sous peau, à  cette élégance barbue sous un grand chapeau à plumes ? ou au fait que vous êtes le spécialiste des mots farfelus et que peu de chanteurs osent le verbe désuet dans leurs textes ?

Mais vous avez répondu, non?

Je me doutais que vous alliez répondre cela. Vous acquiescez donc à cette définition complète?

Ecoutez, je ne sais pas très bien ce que c'est qu'un dandy, c'est peut-être ça qui fait de moi un dandy. Je n'ai pas le sentiment de... enfin si, il y a une certaine élégance bien sûr, j'essaye de ne pas être trop lourdaud mais enfin, je suis quand même quelqu'un qui a des origines de terre, à travers mes parents... même si ça n'empêche pas qu'on peut être élégant.
Et puis vous posez une question qui a bousculé ma modestie, qu'est-ce que vous voulez que je réponde?

 « Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir » -    Baudelaire, Mon cœur mis à nu. Quel rapport avez-vous avec le miroir, Thomas ?
Je ne sais pas... j'ai été narcissique à la fin de l'adolescence et je pense que c'est un trait de l'adolescence mais ça m'a passé il y a longtemps.

Votre dernier album présente un personnage excentrique de contes de fée, un voyageur intemporel…..une presque licorne, des ballons multicolores….votre valise vous procure donc d’aussi délicieuses sensations d’évasion ? Êtes-vous amateur de voyages ou simple jouisseur du caractère bohème de votre métier ? Cette  pochette onirique vient-elle tirer la langue aux thèmes triviaux de vos textes?

Je pense effectivement que j'aime le déplacement: j'aime le train qui démarre et dans ce moment-là j'ai un sentiment de liberté, enfin... illusoire sûrement. J'ai l'impression de faire l'école buissonnière voilà. Et il y a toujours de la fraîcheur dans ce moment-là, c'est pour cela que j'aime ça. Je ne suis pas vraiment un voyageur non plus puisque je fais des voyages intérieurs, c'est à dire que je vais de l'intérieur d'une maison à l'intérieur d'un taxi, d'une gare, d'un train, puis à nouveau d'une voiture, d'une salle de spectacle.
Voyez c'est un voyage intérieur , je n'arpente pas, je ne voyage pas pour l'oeil en tous cas.

Vous n'êtes donc pas boulimique de nouveaux horizons, de nouveaux paysages?

Non, j'apprécie mais au hasard. Ce n'est pas ma motivation initiale. Quant au caractère onirique, il faut l'attribuer aussi à Jean-Baptiste Mondino parce que c'est quelqu'un qui est toujours de plein pied avec le mythe, sans le savoir; c'est comme ça, c'est inné chez lui et il fabrique cela à chaque fois qu'il fait une image.

Mais cet univers onirique, vous le choisissez ensemble tout de même...

Tout à fait. Je lui présente des accessoires et on choisit ensemble. Il m'en offre, m'en amène. Le thème du disque, c'est la fuite aussi. C'est un thème qui est grave mais comme souvent, je le traite avec légèreté, à travers le baptême de ma valise notamment...
 

Que vous apporte le travestissement ? Vos croque-morts, corbeaux, assassins et chauve-souris écervelée d'amour ne sont pas sans donner à vos compositions une dimension de légèreté macabre qui rappelle l'univers de Tim Burton.... L’idée vous aurait-elle séduite de jouer un allié d'Alice au pays des merveilles qui sort prochainement?
Je pense que j'ai toujours eu le goût du costume; c'est ma mère qui me l'a donné parce qu'elle nous cousait des vêtements avec du tissu. Quand j'ai commencé à être chanteur, je n'y avais pas recours  mais c'est venu naturellement. En créant des personnages, j'ai eu besoin de les incarner sur scène et également de les habiller. Quant à la dimension et l'univers macabre, c'est une esthétique. Je pense qu'elle ne m'appartient pas , elle n'appartient pas non plus à Tim Burton, ça a toujours existé, c'est assez ancien et elle était déjà présente dans les livres de Michel de Ghelderode par exemple.

C'est une esthétique qui vous interpelle parce que...

C'est une esthétique . C'est une imagerie. De même que j'ai pu utiliser celle des animaux,  des objets, de la nourriture ou des prénoms de femmes ,  il y a  celle de la mort.
Voilà c'est une imagerie que j'utilise pour raconter une histoire.
 
Si vous deviez être un personnage de roman, lequel serait-ce ?

Celui que j'incarne le mieux quand je lis; celui qui a une histoire extraordinaire avec une jolie femme,  toujours.

Pas de nom particulier à citer?

Ah non ! C'est toujours un renouvellement permanent.
C'est amusant ça d'ailleurs....comme  on peut être amoureux des héroïnes. Il y en a toujours une dans les histoires. Enfin presque toujours.
Un personnage qui raconte et qui parle à un moment donné de son héroïne.
J'en ai un en tête justement parce qu’ il y a déjà quelques temps, je cherchais quelques renseignements dedans. Dans Le rivage des Syrtes de Julien Gracq, il y a une héroïne, elle s'appelle Vanessa, je crois . Il y en a toujours une, il y a toujours une femme et à un moment  il la rencontre et...elle est toujours un peu spéciale, idéalisée.

Donc le personnage de roman se construit en contrepoint de sa relation amoureuse?

Entre autres. En tous cas, ce sont toujours les meilleurs chapitres.

« C'est une sorte de cocasserie de mettre des mots dans des chansons alors qu'on ne les y attend pas vraiment. » Comment écrivez-vous une chanson? D’où part l’impulsion ? Et quel est le secret d'une chanson réussie?

je pense que l'essentiel dans une chanson, c'est la forme. Et même quand une chanson a un fond très émouvant, l'émotion est là parce que la forme prédomine. Une chanson très émouvante pour moi, c'est une chanson comme "Avec le temps" de Léo Ferré. Et la forme est là. Oui, la forme prédomine vraiment sur le fond.
Quand j'ai la forme, j'ai déjà fait une grande partie du travail. Après il ne me reste plus qu'à la remplir cette forme; Et je peux avoir du fond mais on ne part jamais du fond, c'est pour ça que lorsqu'on veut faire une chanson engagée, si on n'a pas la forme, on peut faire tout ce que l'on veut, il n'y a aucun impact. C'est nul, ça ne marche pas quoi, il faut trouver la forme; et quand je dis la forme, c'est la forme littéraire évidemment.
Souvent l'impulsion part au cours d'une conversation, d'une pensée que j'ai. Souvent mon esprit a des réflexes de désobéissance et procure des idées, des décalages qui, à force d'insister, fondent mon identité en tant qu'auteur. Et mon esprit a cette "visualité" - là davantage en journée  que le soir et le matin, par exemple, un mot , une phrase et mon imagination bondit.
Voilà comment je fais mes chansons, ça part comme cela.
Et pour ce qui est de la musique....j’essaie de retrouver celle de mon texte sur le piano,la guitare ou un autre instrument. Parfois je fais la musique avant, je cherche et en même temps cette musique m'évoque déjà une histoire ou une ambiance ou ce que j'ai envie de raconter, plus ou moins macabre, plus ou moins léger ou comique...
Il y a deux façons évidemment, de faire la chose; soit en attaquant par le texte, soit en attaquant par la musique sachant que par la musique, c'est difficile. Mais pas impossible. Parce que la langue française est musicale et qu'elle ne rentre pas dans un schéma de musique préexistant, il faut trouver quelque chose qui lui va. La langue française a une musique interne, il est donc difficile de lui en imposer une autre.

Êtes-vous un pied de nez ostentatoire à l’appauvrissement consternant des paroles de la scène française ? Êtes-vous un croisé du dictionnaire? Avez-vous d’autres compagnons de cause à nous citer ?

Je ne suis pas de formation littéraire, je n'ai pas fait d’études de lettres, j'ai fait des études d'électronique. Je suis juste imprégné et donc j'ai simplement le goût du langage. J'aime la conversation, j'aime l'esprit, j'aime lire et à partir de là j'écris d'une certaine façon mais c'est une question de goût.
Après je fais beaucoup de fautes d'orthographe (rires), j'ai des problèmes avec la concordance des temps  mais j'aime le langage.
Quelqu'un que j'aimerais citer? Loïc Lantoine.


Y-a-t-il des mots challenge, de ceux que vous n’avez pas encore réussi à mettre dans une chanson ?

En effet, il y a des mots challenge qui ont des rimes extrêmement rares. Par exemple: barbe. Barbe ne rime qu'avec rhubarbe et avec la ville de Tarbes. Alors moi j'ai trouvé quelque chose mais je n'ai jamais réussi à le placer dans une chanson et j'étais amusé d'entendre une très ancienne chanson de Charles Trénet qui s'appelle La femme poisson où l'on apprend que la tante du personnage était femme à barbe et que son cousin tenait une maison de plaisir près de Tarbes.
C'est amusant parce que les rimes improbables, les mots improbables dans une chanson amènent une étincelle de malice, une légèreté qui fait du bien.

A part barbe, pas d'autres mots qui frémissent encore dans la tête de Thomas Fersen?

J’en note dans de gros agendas noirs qui sont mes ramasse-notes.

Un distique avec nyctalope, là, maintenant tout de suite ?

Nyctalope, ça a à voir avec qui peut voir dans la nuit?
Vous voyez, nyctalope, moi, je ne le mettrai pas dans une chanson.
Parfois j'utilise des mots qui n'ont pas un sens très connu mais qui  pourtant sont dans le Robert, dictionnaire que j'utilise pour vérifier l'âge du vocabulaire et l'usage des mots. Je n'utilise pas des mots qui ne sont pas dans le Robert. C'est pour cela que je n'emploie pas un vocabulaire désuet.  Bon,  je me rends bien compte que j'utilise des mots qui sont d'un langage moins courant donc je les aide. Par exemple, si je veux utiliser nyctalope, dans le vers précédent, je dirai "tu vois la nuit et comme tous les nyctalopes"... enfin voilà,  en gros..
Mon but, quand même, c'est d'être accessible et d'avoir une prise directe sur la conscience de la personne qui va l'écouter donc je ne veux surtout pas utiliser des mots dont je suis à peu près sûr que le sens n'est pas répandu.
Je ne suis pas un savant: je suis un imprégné, je n'ai pas fait de lettres et je sais donc  très bien à quel point un mot peut-être connu ou pas connu.

Le dernier album sur une valise c’était un défi, une provocation ou maintenant que les ronds de carotte sont cuites, que le jour du poisson se noie dans les grands jours de la maturité, que deux et deux font quatre en triplex, il était temps de rendre honneur aux compagnons de route, Germaine, les douaniers, le Ukulélé …?

Sans doute. Vous savez tout est parti de cette idée du baptême d'un objet. C'est quelque chose qu'on fait dans ma famille, enfin que mes parents faisaient; ma soeur avait un appareil dentaire qui s’appelait Léon. Le fait d'attribuer un nom est quelque chose qui est intime ; cela fait parti de mon folklore personnel et légitime ma chanson.

En concert, on entend d'autres chansons sur le même thème qui n'apparaissent pas sur l'album...frustration de ne pas avoir pu toutes les mettre sur l'album?

Pas seulement. L'album n'est pas tout. L'album , c'est quoi au final?  Quelqu'un fait des chansons, on en choisit quelques unes et on les met sur un disque. C'est comme ça au départ. Bon autrefois, les vieilles chansons étaient créées sur scène. Je pense que maintenant ce que le disque est devenu fait que la création d'une chanson sur scène est à nouveau d'actualité. Quelque chose d'important. Quelque chose de temporel... la chanson continue d'exister dans le spectacle et par le public.
En fait, il y a des chansons que j'ai fait à Montpellier qui ne sont pas encore sur un disque et qui n'y seront peut-être jamais.

On retrouve un concombre dans Trois petits tours… Jean Cocteau disait : « Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement.
Inutile de chercher au loin des objets et des sentiments bizarres pour surprendre le dormeur éveillé. C'est là le système du mauvais poète et ce qui nous vaut l'exotisme. 
Il s'agit de lui montrer ce sur quoi son cœur, son œil glissent chaque jour sous un angle et avec une vitesse tels qu'il lui paraît le voir et s'en émouvoir pour la première fois. 
Voici bien la seule création permise à la créature. » Cette définition correspond-elle à votre esthétique poétique?

Ce que je pense, c'est que ce texte de Cocteau ,qui est admirable, est un constat. De toutes façons, sur la poésie, on ne peut faire que des constats a posteriori. Parce que la poésie, ça ne décrète pas. On ne peut pas savoir avant.

Changeons d’époque et d’album….dans quelle mesure avez-vous participé au clip de Hyacinthe, de Deux pieds, de Monsieur est un assassin ? Ces clips d'animation , est-ce une idée de vous ? Pourquoi ?

Hyacinthe, je suis allé chercher Joann Sfar dont j'ai connu le travail, je dirais en 2005, j'avais déjà lu Le chat du rabbin mais je n'avais pas fait l'association avec ce personnage que j'étais en train d'écouter à la télévision, un jour, à l'hôtel, en tournée et je trouvais que ce garçon disait des choses brillantes. Et petit à petit, au cours de l'émission (comme quoi, parfois, la télévision, ça peut être bien), j'ai compris que c'était lui qui avait fait Le chat du rabbin et ce qu'il disait m'encourageait à découvrir d'autres choses qu'il avait faites,  et quand il a été question de faire un clip pour la chanson de Hyacinthe, quand la maison de disques m'a demandé si j'avais une idée j'ai proposé de faire une animation avec lui . On a fait par la suite un concert à Angoulême où il illustrait mes chansons par un dessin. Il les illustrait par un dessin ,filmé et projeté sur un grand écran.
Deux pieds, c'était la volonté d'arrêter de faire la potiche dans les clips. C'était avant Hyacinthe. On m'a présenté Jérôme Combes et André Bessy et on a fait ce clip dans lequel était utilisé la technique  du "motion picture".

Vous semblez un habitué des concerts acoustiques. Vous avez fait une (plusieurs?) tournée avec votre ukulélé. Privilégiez-vous les sons épurés pour que glisse, fluide, l'essence musicale de la corde dans le tympan ou était-ce plutôt une volonté d'intimité plus forte avec le public?
J'aime les deux, c'est à dire que j'alterne les tournées avec des formations plus musclées disons et puis parfois des concerts acoustiques avec des sonorités différentes mais toujours quand même très dynamiques. J'aime changer surtout.

Enfin...deux questions suite au concert lors des Internationales de la guitare de Montpellier auquel j'ai assisté. Y-a-t-il un nouvel album en cours? Avec un Billy the kid, un squelette de la foire du trône? La forme et le ton m'ont d'abord  fait penser à un répertoire enfantin mais quelques détails coquins ont pervertis mon impression première? Sur quelle(s) ambition(s) s'écrivent ces textes?

Ah.... mais j'essaie toujours de faire en sorte qu'il y ait plusieurs lectures. C'est vrai que j'ai dit au début de l'interview que Thomas Fersen, c'était du romanesque plutôt que du romantique mais là je suis en train de faire des choses plus romantiques dans le sens littéraire du terme c'est à dire que je ne  vais pas raconter des histoires de couples qui courent sur une plage mais des histoires de manoirs et d'ombres et de fantômes. Du romantisme français du milieu du XIXème.

Le superbe texte que vous déclamez en concert en est un avant-goût?

Non, attendez que je réfléchisse... est-ce que ce n'est pas plus ancien? Non, ce romantisme avait déjà germé avant, dans la Chauve-souris, il y avait déjà un peu de ça par exemple.

XJ2D5276.jpgDonc un prochain album qui se prépare  tourné vers ces thèmes romantiques?

Du romantisme oui... je pourrai aussi citer du Théophile Gautier. Oui, vous savez toutes ces nouvelles qu'il a écrites, la Morte amoureuse par exemple.

Je vous avais fait parvenir une nouvelle de Dino Buzzati nommée Crescendo et composée de plusieurs tableaux successifs évoquant le cauchemar fantasmagorique d’une vieille fille. En résurgence et en crescendo, les angoisses les plus folles liées à la création d’un être monstrueux  l’assaillent. Qu'en avez-vous pensé?

Oui, je l'ai lu et effectivement, j'ai senti quelque chose de familier dans cette dilatation du réel vers le fantastique.

Un grand merci, Thomas Fersen


Propos recueillis par Julie Cadilhac / Crédits Photos - Valérie Mathilde

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 16:14

pochettePAD-BRAPAD.jpgLes soirs de concert, ces six classieux instrumentistes investissent la scène et forment dès les premières notes un tableau entraînant: l'imposante contrebasse flirte avec son musicien qui  n'hésite pas à effectuer des entrechats remarquables, l'accordéoniste joue les médiateurs entre les fougueux violons, la batterie accompagne avec panache les volutes tziganes que l'ensemble de l'équipe distille... et les platine s'acoquinent avec cette étourdissante soirée musicale !
Les six musiciens se rencontrent tantôt siamois, tantôt pluriels dans un spectacle à l'ADN métissé .
Aussi pour ne pas être de reste, foncez sur leur myspace : commencez par dévorer Ben Hora... enchaînez avec Sirbalizer... et ensuite écoutez vos jambes et votre coeur qui battent déjà à leurs pulsations rockées!

 

Les Bad Brapad, c'est un diminutif? Un pied de nez au sérieux de vos costumes, une connivence de potes...enfin quoi?
 Nos costumes sont sérieux ? Pour nous, c’est plus un clin d’œil à la tradition qu’on aime à se réapproprier, plus particulièrement aux musiciens Klezmorims qu’on avait l’habitude de voir habillés de cette façon.
Pour le nom, Pad Brapad ça vient d’une vieille blague un peu cynique : « Pas de bras, pas de chocolat… », qui a donné Pad Brapad Moujika et qui avec le temps est devenu naturellement Pad Brapad.
 
Vous vous qualifiez d' Urban Tzigan: quelle est la part balkanique et la part cIMG_0103.JPGurbaine?

 La part « balkanique » est la part centrale de notre musique. De par l’utilisation d’instruments acoustiques comme le Violon, l’Alto (ou Bratsch), l’Accordéon, la Contrebasse ou les Percus; et de par les thèmes que nous puisons principalement dans le répertoire tzigane de Roumanie ou dans nos compositions directement inspirées.
La part « urbaine » ce serait plutôt la façon d’arranger les morceaux, d’ajouter les platines, d’injecter notre culture musicale occidentale avec des sonorités hip-hop, rock ou trip-hop, de faire groover cette musique ancestrale.
 
Avez-vous toujours inséré les platines dans votre univers manouche?

 Non, le groupe existe depuis 2003. Tout d’abord en quartet puis en 2004 le groupe est passé au quintet. Nous avons créé plusieurs spectacles, signé la création musicale d’une pièce de théâtre russe (Le Mandat, de Nikolai Erdman) ; nous avons auto-produit un premier album (« Hum… Hum ! ») sorti en 2007 et réalisé notre premier clip (« Crin-crin quotidien »).
 La rencontre avec les platines et Coltsilvers s’est faite en juin 2007 lors d’une des soirées carte blanche que nous avons eues au Divan du Monde et où nous l’avons invité. La fusion nous a séduit tout de suite et il a intégré le groupe au cours de l’été.
 

Des origines de l'Est parmi ceux qui ont créé la bande ou juste une fascination pour leurs traditions folkloriques ?

Quelques origines roumaines et hongroises pour certains effectivement. Mais jIMG_9915.JPGon s’est tous rencontré en « boeufant » sur cette musique.
 
Qu'aimez-vous dans la musique tzigane? Comment la définiriez-vous en quelques mots?

La musique tzigane, et plus particulièrement dans ce projet, la musique Lautareasca de Roumanie, est transmise de façon orale, en jouant, l’interprétation et la réinvention sont les maîtres-mots de cette musique. Cette ouverture et cette générosité dans l’exécution ne peuvent être que contagieuses pour nous et évidemment pour le public. Dans la musique tzigane il y a des musiques pour tous le moments de la vie ; et dans ce spectacle Urban Tzigan et le nouvel album « SatuMare-Bristol » nous avons choisi principalement les musiques de fêtes et « à danser ».
 
Quelles sont vos influences musicales?

Elles sont très diverses… ça va du Taraf de Haïdouks à Herbaliser, de Zappa à John Williams, de Cypress Hill à Mike Patton, de Portishead à Gabi lunca, ou de Lalo Schifrin à House of Pain…
 
Sur le plateau, vous mettez en place une mise en scène de battle...est-ce une habitude de cette culture ou une touche de modernité inspirée des tonalités rappées  que vous distillez? D'où vous est venue cette idée?

On retrouve des « joutes musicales » autant dans la culture urbaine avec les battles que dans la culture tzigane avec les parties d’improvisation.
Il s’avère que David (l’altiste) et moi nous sommes rencontrés dans une école de théâtre. C’est de là qu’est née l’envie de monter un projet qui allierait notre première passion, la musique, et notre expérience scénique venant du mIMG_9833.JPGthéâtre.
Nous avons toujours voulu présenter un spectacle qui soit un peu plus qu’un concert « classique » et nous voulions créer un moment décalé qui pourrait surprendre les spectateurs ; d’où cette idée de « duel de violons » clownesque.
 
Quand on pense aux Balkans, les bandes-son d'Emir Kusturica viennent faire danser le tympan...lorsque vous travaillez vos morceaux, cherchez-vous systématiquement à ce qu'ils soient entraînants...? Voyez-vous de grands draps qui volent au vent, des rondes de main endimanchées pour un mariage, des coeurs en fête?

C’est une musique très colorée, très imagée et qui va remuer des émotions extrêmes chez l’auditeur. C’est ce côté exagéré mais toujours extrêmement sincère qui nous plaît, ça permet de dédramatiser !!
 
 
En concert, j'ai souvenir de borsalinos noirs sur lesquels s'en détache, un, blanc, qui fait scratcher les vinyles et ajoute une rythmique entêtante à vos mélodies... Peut-on dire, pourtant, que ces platines cherchent à donner un côté plus sombre aux sons lumineux des cordes?

Il n’y a aucune étiquette, c’est le contraste, la fusion et le mélange qui priment. C’est ce qu’on essaye de partager durant nos concerts.
 
 
Musique du voyage, Valise toujours à portée de bras? Où avez-vous déjà porté vos sons? Et dans l'avenir? Des dates sur Paris bientôt?

On a joué un peu partout en France mais aussi en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Pologne, en Rep. Tchèque, en Autriche et en Hongrie.
La prochaine tournée est en train de se préparer. En octobre nous faisons un petit tour en Suisse puis à Rennes au Festival Le Grand Soufflet et nous serons le 7 nov. à La Bellevilloise à Paris pour fêter la sortie du nouvel album !!
 
Padbrapad & le noir et blanc?

Héhé…Un des liens que je pourrais faire serait peut-être les films muets par l’aspect cinématographique qui se dégage de cette musique et leur côté exagéré…Les extrêmes, que nous aimons voir associé plutôt que l’inverse

Enfin, vous sortez bientôt un nouvel album? Dîtes-nous tout:

Oui, c’est notre 2° album autoproduit ; il s’appelle « SatuMare-Bristol » et il est sorti en France le 12 octobre  !!!

 

Ecoutez www.myspace.com/padbrapad 

 

Propos recueillis par Julie Cadilhac / crédit photo Maxence Emery

 

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 22:45
aire-autoroute.jpgAu cours d'une de mes tribulations internautiques sur Myspace, mes yeux ont été séduits par le travail d'Arnaud Taeron.
Une série de personnages étranges peuple sa page et il est amusant de s'imaginer l'histoire de ses visages asymétriques. Chacun d'eux se voit affublé d' incongruités géométriques, d'humeurs diverses, parfois d'un message mystérieux... Caractères éclectiques allant de l'exhibitionniste sur l'autoroute à la chanteuse de Flamenco, de l'Idiot du village à l'homme-horloge.
Plaisir de voir certains se fondre littéralement dans le décor, d'autres s'étreindre en danses fantomatiques, d'autres encore éclater en touches vermillonnes.
Un coup de coeur pour les nez que je vous conseille vivement d'observer ! Qui, tantôt,  sont des prolongements de l'oeil, tantôt semblent fondre en s'étalant sur le menton, tantôt sont cassés, triangulaires, interminables... et donnent à ces êtres taeronniens une personnalité étonnante.
Arnaud expose ( oui, à Rennes surtout), Arnaud compose, Arnaud explose.
Mais le plus simple encore, c'est que vous alliez le retrouver sur: http://www.myspace.com/arnoo8

 
"Créer, c'est se souvenir" disait Victor Hugo....vos personnages portent-ils une histoire?
Oui, ils portent une histoire. Une histoire de forme, je la veux assez simple, une profonde analyse de l'histoire de l'art pour arriver à la tête à Toto. C'est un peu le degré 0 de la représentation d'un visage, le bonhomme patate, le « Carré blanc sur fond blanc » du bonhomme...
J'ai toujours été séduit par l'évolution de la représentation chez les enfants, l'absence de ventre, de cou, de jambes, les bras qui partent de la tête, les yeux sur le front ou des deux côtés de la bouche... Je suis aussi hanté un peu par Carmen, femme pour moi emblématique que je cuisine un peu à toute les sauces. Elle est brune, c'est plus photogénique, elle a une capacité d'adaptation hors du commun et une vie sexuelle assez débridée... d'où vient elle? Je ne m'en souviens pas...
Cette « forme », j'essaie de la mettre au service du sens, de la narration, elle idiot-cherche-village.jpgne doit pas parasiter l'histoire du dessin ou de la peinture, elle ne doit faire penser à personne (ou à tout le monde). C'est pour cela que mes personnages aussi bien en peinture que en dessin sont bien souvent récurrents. En fait c'est un petit concept... là, on peut se souvenir ou oublier...

Comment s'en déroule la composition ? Que  faites-vous en premier? Vous tracez les contours, choisissez s'il sera en couleur ou pas? Vous imaginez son nez, ses lèvres ? Vous faîtes des croquis préalables?

Pour ce qui est de la composition, des traits, des contours...
Que l'on fasse un trait unique sur une toile de 10 mètres sur 15 ou une multitude sur une gravure de 10 cm sur 10, il faut rechercher la justesse et l'humilité... je pense.
Plus on tend vers cette justesse, dans l'intention, que l'on fasse du paysage, réaliste ou pas, du portrait, du nu, de la BD, de l'abstrait, ou toute forme d'art... plus c'est bon, et, plus c'est dur. Essayez de dessiner Tintin deux fois, vous comprendrez...
C'est Le Trait qui tue... il faut le chercher, quand je l'aurais trouvé, je serais un Artiste. Cette exigence est responsable des oreilles coupées et autres frasques d'artistes qui ont marqué l'histoire de l'art. Des fois ça ne tient pas à grand chose, c'est peut être la différence entre le génie et le ridicule. Il faut essayer de rendre cette justesse de traits perceptible... À qui? C'est une autre question.
un-lundi-des-cendres-au-square.jpg"Le véritable artiste crée, même en copiant" ( Gustave le Bon)... Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Quels sont vos mentors portraitistes ou vos contre-modèles? Vous qualifieriez-vous plutôt de surréaliste, de  cubiste, ou rien de tout cela? Y-a- t-il un courant dont vous vous sentez proche?
Non, pas de courant.. J'essaie par intérêt et en simple spectateur d'être attentif à la justesse de ce que font les autres, que ce soit sur internet ou dans un bouquin d'art mais c'est évidemment très subjectif.
J'admire, quelque soit le style les artistes ou les auteurs qui tendent vers l'unanimité et comme tout le monde, j'essaie de comprendre ce qu'est un « chef d'oeuvre. »

Avez-vous toujours dessiné avec cette technique-là?

Lors de la plupart des expos que j'ai pu faire, il se trouve toujours quelqu'un pour demander si c'est de l'huile ou de l'acrylique... qu'est ce que ça peut bien faire???
En fait, tout simplement comme pour le trait, j'essaie de trouver la solution à mes intentions. Je ne vois pas trop l'intérêt de parler de technique, les artistes qui en parlent m'énervent, il n'y a pas de noblesse dans la technique comme le disent certains, ni dans la matière, ni dans rien d'ailleurs...

Pourquoi choisir le noir et blanc, parfois, plutôt que la couleur?
J'adore dessiner, partout; l'outil le plus simple reste le crayon et le noir et blanc. En fin de compte l'absence de couleur implique qu'il n'y ait pas de rayonnement visible par nos yeux, le dessin reste assez brut et du coup  on peut gagner en force. La simple dualité entre le noir et le blanc éloigne le spectateur d'une certaine réalité pour peut être permettre une plus grande « évasion », une distance...
Dernièrement la série Apocalypse sur la dernière guerre, où nombreuses pont-aven-.jpgimages sont en couleurs, a permis de montrer réellement les horreurs de cette guerre, un Hitler ou un Himmler en couleur, en vrai...
Des films (surtout dans les années 60), parfois par manque de budget, ont été tournés en noir et blanc sans grands moyens techniques ni vedettes hollywoodiennes. Certains d'entre eux nous ont marqué par leur force, leur aspect irréel et effrayant, ou leur beauté.
Le meilleur exemple est sans doute « Psycho » d'Hitchcock où même la musique est noire et blanche.
En fait je pense que la réalité ne fait pas peur, mais elle peut faire vomir... Le noir et blanc exacerbe certains sentiments sans que le réel ne les parasite ou ne les perturbe.

Vous êtes-vous déjà prêté au jeu de la bande dessinée? De l'illustration de récits?

Mes peintures ou mes dessins sont narratifs, j'ai besoin de raconter quelque chose. (Comme tout le monde). La BD est un moyen efficace mais je n'en suis pas capable, trop dur. Par contre, je suis vraiment admiratif du travail de certains mais quel dommage de banaliser un tel boulot. Pour ce qui est de l'illustration de récits, je m'y suis déjà un peu frotté et j'adore ça... mais c'est vraiment difficile de bosser à plusieurs sur un même projet.
J'ai imaginé un personnage simple, en pull marin, sans nom et un lundi de sa vie, où il se rend au boulot dans un monde de légumes un peu irréel. Il esttrahison.jpg choisi comme employé du mois dans sa conserverie et hérite pour cela d'une peluche pour avoir travaillé plus. Sa femme le quitte par lassitude ce même jour.
L'histoire est d'une banalité navrante, mais écrite et décrite avec pas mal de subtilité par David Anquetil et mise en musique par les Peter's Uncles Blues Band qui, comme leur nom l'indique font du vieux Blues. Ils se sont calés sur les battements du coeur de mon bonhomme pour l'accompagner tout au long de sa journée noire et blanche.
Titre: Un lundi des cendres. Le boulot est très récent et on cherche un éditeur... à bon entendeur...

Allez, un pêle-mêle de mots spontanément:

Je dis: NOIR...une crise en 1929, non? Il me semble avoir fait une illustration sur la crise et le pouvoir d'achat... boîte de munition vide et plus un radis... Le fond du fond.
Je dis: BLANC et moi noir, mais juste par esprit de contradiction...


Pourriez -vous nous présenter (un de) vos personnages? Comment il est né, a grandi et s'est épanoui au creux de votre paume ?

Je crée mes personnages au hasard des rencontres et des lieux. Puisque vous êtes assez friande de citations, Albert Camus disait que « créer, c'est vivre deux fois. » Alors pourquoi pas, par tranches, imaginer la vie des autres... Je ne cherche pas à faire des portraits réalistes, je n'y vois aucun intérêt et d'ailleurs je n'en suis pas capable. En traversant la France, de nuit, sur l'autoroute, je me suis permis d'imaginer la vie des personnes que j'ai croisé sur les aires de repos. Ces lieux sont vraiment étonnants, coupés de tout, on y croise des familles en demi sommeil, des VRP cocainés, des femmes seules, des hommes seuls.... C'est quoi leur vie à ces gens? Qu'est ce qu'ils font là?
Une galerie de portraits crayonnés, peut être un jour source de nouvelles, de petits récits, en musique sur « un air d'autoroute. »...on a road again...

Comment voyez-vous votre travail évoluer à l'avenir? Envie d'aborder de nouveaux thèmes, d'explorer de nouveaux univers?

Je saisis au vol des idées et des inspirations. Mon travail est aussi très lié à mon vécu et comme je ne sais pas ce que l'avenir me réserve...
Pour l'instant le dessin, la peinture et l'illustration me permettent de n'être prof qu'à mi-temps (et inversement) ce qui me convient assez... En ce qui concerne de nouveaux univers, j'ai l'âme aventureuse.

Dans quelle ambiance travaillez-vous? silence, musique, qu'est-ce qui vous porte lors d'un moment créatif?

C'est bien c'est léger comme question...Quand je peins ou dessine chez moi, c'est souvent en musique. La plupart du temps des chansons à texte dans la lignée des Têtes raides, de Padam, de Camille (pour la voix et l'ambiance)...
Pour ce qui est de certaines peintures où je me raconte, je crée inconsciemment (ou pas) un climat un peu particulier. Des fois c'est un peu dur d'en sortir....


moi-jpgEnfin...que lit Arno?

Je lis par période, beaucoup...
Des polars surtout, j'aime bien Adamsberg. Je suis un inconditionnel de Tolkien et de Philipp Pullman je lis aussi pas mal de SF, des BD à gogos et de la presse locale commentée au troquet le matin, autour d'un café avec mes potes. Mais mes lectures ne sont pas des sources d'inspiration pour ma peinture et mes dessins...pas encore, je préfère le vivant.

Interview publiée dans le BSCNEWS de novembre spécial noir et blanc.linkMAPzDV.jpeg

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Noir et Blanc....BSCNEWS (Octobre 2009)
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