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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 18:07
Titre: Le camion blanc
Auteur: Julie Résa
Editeur: Buchet.Chastel
Prix:10 euros.


Le camion blanc-Décalée par JulieUn tout petit et premier roman de Julie Résa plein de sensibilité et de vérité.
Une histoire simple, épurée.
Une jeune femme venue à la campagne, chez son père veuf depuis un an, chercher l'apaisement . Une toute petite fille en poussette lui servant d'accessoire encombrant. Un mari compréhensif jouant les fantômes dans son esprit embrouillé.
Et un camion blanc. Un satané camion blanc garé devant chez son père et qui lui gâche la vue.

Julie Résa fait un portrait en situation des plus justes et des plus touchants. Elle peint une jeune femme qui a perdu ses repères et qui dévie ses problèmes sur des tracasseries du quotidien.

Je ne dirais pas que le camion blanc est un texte plein d'humour, je dirais davantage qu'il est un récit qui met en scène des sursauts tragiquement burlesques.

A conseiller....

"Tout lui échappait.
Son corps, bizarrement flasque et strié depuis l'accouchement. Toujours fatigué, toujours affamé.
Son esprit qui se farcissait n'importe quoi au lieu de se libérer, de se vider.
Sa vie qui tournait en rond depuis qu'elle avait choisi de prendre un tournant.
Et ce camion qui l'obnubilait, se moquait d'elle." (Julie Résa)
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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 10:44
http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782859207434.jpgTitre: Des gens insensés autant qu'imprévisibles
Auteur: Claude Bourgeyx
Editeur: Le Castor Astral


Claude Bourgeyx
a décidément l'Art de la nouvelle: ses chutes sont toujours brillantes et surprenantes, son style enlevé et mordant. "Des gens insensés autant qu'imprévisibles" laissent défiler une liste de personnages machiavéliques qui règlent des comptes, maltraitent des plus faibles pour toucher un héritage, trahissent à tout va...et c'est avec un malin plaisir que l'on cotoie une série d'êtres qui ont oublié leur savoir-vivre au vestiaire et déchaînent leurs instincts les plus vils. La paresse et l'égoïsme sont notamment des défauts déclinés sous divers angles dans les nouvelles et l'on sourit "méchamment" devant le cliché de l'écrivain que s'amuse à dessiner l'auteur. Par provocation sans doute.
Bref, sachez que le recueil satisfera le lecteur  féru de récits vifs et bien menés aussi bien que l' amoureux de l'écriture et de ses problématiques.

Vous découvrirez avec un plaisir trouble les tribulations meurtrières d'écrivains maudits: le renâcleur retraité qui cherche encore un sujet, le psychopathe qui vit aux crochets de ses propres parents, le poète égoïste dont le manuscrit exhale les relents macabres de son Iseult sacrifiée, le fainéant dépressif à l'amante tête en l'air, l'opportuniste né dans un bosquet, le pince-sans-rire à l'adieu mortuaire, le sadique qui refuse à ses personnages un échappatoire, la soeur fratricide.
Un coup de coeur pour la dernière nouvelle , "Autobiographie" , chute dans le recueil du plus grand effet!

Ce que le lecteur avisé ne manquera pas d'apprécier, c'est l'habileté avec laquelle Claude bourgeyx a mêlé ce thème directeur de l'écrivain et des problématiques de l'écriture avec des situations tragi-comiques divertissantes. Ces nouvelles policières sont succulentes à souhait de par leur ton caustique et l'intelligence de leur propos.
Tout ce petit monde de personnages qui fourmillent sous la plume démiurge de Claude Bourgeyx a de près ou de loin des liens obscurs avec la création littéraire: la mise en abyme de l'écriture est présentée sous des formes plurielles à saluer!
Ne manquez pas de vous procurer ce recueil! Chaque nouvelle se lit comme du petit beurre et l'humour y grince à souhait grâce au portrait de ces "scribopathes"!

"Demain j'écrirai une nouvelle mouture de cette histoire. Celle-là ne me http://www.lescribe.com/images/bourgeyx2.jpgsatisfait qu'à moitié. Des approximations syntactiques. Du mou par endroit. Quelques facilités ici et là. Mais je saurai redresser la barre, trouver les mots justes. Je banderai quelques ressorts psychologiques que je laisserai ensuite se détendre. Je mettrai la mort de Solange en écriture, de manière aussi fleurie que possible.. Bien sûr, ça ne la ressuscitera pas, mais, mine de rien, ça répondra à son voeu de toujours: que je me saisisse de la vie pour en faire cette chose incontestablement morte que l'on appelle fiction". ( Le voeu de Solange. Claude Bourgeyx)

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22 janvier 2010 5 22 /01 /janvier /2010 13:45
http://www.images-chapitre.com/ima0/original/082/6542082_3553914.jpgAu XVIIème siècle, en Chine, dans un monastère de haute montagne, un homme, Dao-Sheng n'arrive pas à trouver la paix intérieure. Il se décide donc à descendre des montagnes et à repartir en quête de celle qu'il a aimée en silence jusque là...et qu'il n'a vue...qu'une fois. Retrouvera-t-il Dame Ying? Arrivera-t-il à lui parler, à lui raconter son périple et ses désillusions? Sera-t-elle toujours mariée au terrible Seigneur qui a causé la perte de Dao-Sheng?

Voilà une histoire empreinte de sagesse et de cette poésie propre à l'Asie. On y respire une sérénité et une capacité d'abnégation divines, impressionnantes, terrassantes de courage.

L'éternité n'est pas de trop est un  roman d'amour interdit où l'amour n'est dit qu'à demi-mot. Un roman qui avance à pattes de velours, qui laisse le coeur en haleine et  offre une belle leçon de spiritualité .

"Après la main droite, Dao-Sheng demande à ausculter la main gauche. Il entend le bruit d'un corps qui se retourne et voit, par la fente du rideau, sortir l'autre main qui se pose, comme tout à l'heure, sur le rebord du lit. N'était la souffrance dont il est chargé, le geste de Lan-Ying a quelque chose de gracieux, aussi précieux et expressif que celui d'une musicienne ou d'une actrice d'opéra en train de jouer. Comme tout à l'heure, Dao-Sheng avance doucement son index et son majeur, les pose sur le poignet, tandis que, de son pouce, il soutient avec délicatesse le dos du poignet. Nouvelle sensation du toucher, presque familière. Il goûte le type de plaisir qu'on éprouve à rencontrer une ancienne connaissance qu'on voulait justement revoir. Lan-Ying semble montrer moins de timidité et de réserve que tout à l'heure. Est-elle aussi dans le sentiment de quelqu'un qui rencontre une ancienne connaissance et qui, gagné par la chaleur de l'émotion, donne lire cours à l'épanchement?"
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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 12:29
http://www.scifi-universe.com/upload/medias/romans/poubelles.jpgLes poubelles pleurent aussi de Guillaume Suzanne
Edition: Griffe d'encre
Illustrateur de couverture: Zariel

Bienvenu(s) dans une science-fiction délirante et apocalyptique!

Les poubelles pleurent aussi vous accompagnent dans votre traversée initiatique pour découvrir ce que sera peut-être le monde de demain. Et vous n'allez pas pleurer!

Imaginez une poubelle  nommée Betsy, férue de godasses, à l'haleine de détritus macérés, qui vient vous donner son point de vue et pousse sa coquetterie jusqu'à réclamer qu'on lui ôte l'adjectif identitaire "coprophage" pour "détritivore".
Imaginez un président faire-valoir, acteur à la manque choisi sur casting et un premier ministre à chiffres, conspirateur et médiocre.
Imaginez une capitale nommée REPONSE et des extra-terrestres extra-lucides, les NODS, qui lisent dans les pensées, sont omnipotents et livrent dans un parloir des réponses à la race humaine paumée.
Imaginez un gars à bout -mais pas tout à fait jusqu'à jouer les kamikazes -qui joue les taxis-hôtels de plaisance et voue une haine gigantesque aux Nods.
Pourquoi? ces nods ont l'air bien gentils!
Ils sont venus pour servir l'homme, paraît-il.

Arnold Sextan n'est pas d'accord. Les Nods ont privé les hommes de la liberté de se vautrer dans leurs vices quotidiens. Un matin, fumer une clope n'a tout simplement plus été possible..."grâce" aux Nods.
Voilà pourquoi Arnold adhère à l'association de Non Assistance aux Nods en Danger.

Enfin, imaginez le début de programme du mois d'avril:
- 1 er avril: explosion en série de matière grise
- 3 avril: épidémie d'autisme
- 4 avril: vague de schizophrénie.


  Voici un roman qui, sous couvert d'une note de science-fiction délirante, nous parle de notre société et de ses travers. Voilà un récit qui  désarçonne parce  qu'il nous plonge dans un système inconnu et...absurde.

A mi-chemin entre Mars Attack et la nouvelle de Damon Knight " Comment servir l'homme", on baigne dans un futur terrifiant autant qu'improbable. Il y a aussi du Wall-e de PIxar dans la phase 3 finale...

Et pourquoi ne pas rajouter une sauce  de zombis?

Une chose est sûre...
"Les Nods disent toujours la vérité même si ce n'est pas toujours celle que http://www.scifi-universe.com/upload/medias/romans/poubelles.jpgl'on croit".

"Les Nods faisaient-ils régner l'ordre, apportaient-ils la lumière dans un siècle de ténèbres? Réduisaient-ils la délinquance, augmentaient-ils l'espérance de vie par leurs médicaments novateurs? Dénichaient-ils du travail pour tous, redonnaient-ils la dignité aux pauvres? Oui, et c'était inadmissible. Partout sur le Globe, des hommes et des femmes se révoltaient et rejoignaient des groupuscules extrémistes de résistance. Ces foutus aliens à qui ils n'avaient rien demandé les dépouillaient de leur droit le plus sacré: celui de commettre des infractions, de braver l'interdit, en bref, de défier la loi et la justice. Les hommes, maîtres dans l'art de dénicher des prolèmes, leur chercher des solutions, tâtonner, hésiter puis se fourvoyer avant de se lamenter, ne toléraient pas qu'on leur impose ipso facto la connaissance et la sagesse.
Les Nods destituaient l'Humanité de ce que Dieu lui-même lui avait laissé: le libre arbitre.
Arnold le résumait en ces mots dignes et sobres: "On a perdu jusqu'à la liberté de s'intoxiquer en paix". (Guillaume Suzanne)



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31 décembre 2009 4 31 /12 /décembre /2009 16:12
http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/1/4/9/9782952923941.jpgAussi burlesque que bien écrit!
La Porte de Karim Berrouka est un conte qui frise l'absurdité avec une plume de talent!
    Imaginez une histoire loufoque: deux loup-garous aux dents dégoulinantes d'hémoglobine, l'estomac engourdi du repas de la veille - mais très à cheval sur la politesse! - ont quelques déboires avec leur porte. Et tout le récit tourne autour de cette porte!  En effet, celle-ci est responsable d'une succession de visites fâcheuses qui finissent par  les agacer prodigieusement...et lorsque c'est le Grand Inquisiteur qui débarque avec toute sa clique pontifificale et qu'ils intentent un procès aux deux lycanthropes, c'est la goutte de trop!

Baptisé Petit Conte Sans Philosophie, voilà un triptyque qui ne manquera pas de nous faire réfléchir sur la symbolique de la porte justement. Que l'on ouvre trop ou pas assez, à tort... qui apporte son lot de surprises ,agréables aussi bien que pernicieuses.

La Porte est un récit délicieusement déroutant : Premier et Deuxième Loup-Garou, deux lascars sanguinaires, y rivalisent tantôt de bêtise tantôt d'esprit et vous serez surpris aussi bien que charmés par les échanges philosophiques des deux compères.
Tous les amoureux de la langue apprécieront le niveau hautement soutenu du verbe...et le talent de Karim Berrouka est d'être arrivé à rester dans la sphère du lisible et de l'abordable, même en choisissant un langage châtié.
Mais il séduira aussi les amateurs de fantastique car les personnages qui gravitent dans cette fiction ne manquent pas d'étrangeté et de mystère.
Enfin il conquerra ceux qui goûtent au burlesque et aux mécanismes ( propres au théâtre) de la répétition. Les nuits s'enchaînent et ,systématiquement, le même processus d'accueil des hôtes et de disparition  se met en place...pour le plus grand plaisir du lecteur amusé.

Il sera difficile de ne citer que quelques extraits de ce si goûteux livre, mais avant que de vous mettre l'eau à la bouche et de sentir vos babines s'humidifier d'impatience à filer  vous procurer La Porte dont Alain Valet
, spécialiste des lectures imaginaires, a illustré la première de couverture ,je ne vous conseille que trop de ne pas oublier de lire l'interview ( à la fin du livre) de Karim Berrouka...empreinte d'humour et d'une fantaisie qui reflète bien l'univers de l'auteur.

Sous la pression des hurlements et des grognements de la meute, je n'en dis pas plus et vous laisse en compagnie du texte :

"Le lendemain matin, Premier et Deuxième Loup-Garou se réveillèrent vers 9h30, quelque peu enchevêtrés dans un réseau de cordes, bandelettes de tissu, et noeuds que ces précédentes avaient formés, le corps concassé, une migraine persistante et la gorge en flammes. Ils constatèrent, avec une certaine désinvolture, la dispartion des membres de la Grande Légion Inquisitoriale. il était étrange qu'ils aient tous quitté la maison de si bonne heure, alors qu'ils n'y avaient aucunement fait allusion la veille au soir. Au moins avaient-ils eu la convenance de laisser un sobre message épinglé sur le dos d'une chaise, à quelques centimètres des museaux de Premier et Deuxième Loup-Garou.
         Nous sommes partis chercher des allumettes. Revenons dès ce soir pour parachever l'exécution. Ne bougez surtout pas d'un cheveu.
Amicalement, le Grand Inquisiteur et sa Guilde Extrême de l'Inquisition Plénière.
"Soit", pensèrent Premier et Deuxième Loup-Garou face à une situation dont l'intérêt se perdait dans les limbes de la médiocrité, et qui ne devait en aucun cas- leur journée s'annonçant chargée- accaparer leur attention plus de quelques minutes. " Voilà enfin des êtres fort bien élevés".( Karim Berrouka)
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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 18:49
http://www.blog-o-book.com/wp-content/uploads/2009/01/le-magasin-des-suicides-jean-teule__080722111412.jpg"
-Il est puni. Quand ,à l'école, on lui a demandé ce qu'étaient les suicidés, il a répondu: "Les habitants de la Suisse."


              Imaginez-vous pire nouvelle que l'arrivée importune d'un nouveau-né souriant?
         Accepteriez-vous qu'il grandisse avec une bonne humeur communicative qu'il irradie autour de lui?!

L'arrivée d'Alan est un cauchemar  pour la famille Tuvache qui depuis des générations entend bien ne faire naître que des futurs dépressifs ou suicidaires!!!

Dans leur magasin "où n'entre jamais un rayon rose et gai", on trouve tous les articles pour réussir sa mort quand on a raté sa vie. Et le quotidien de la famille, bercée par les aspirations morbides de ses clients, se teint de touches macabres et noires qui enchantent les parents.
Ami lecteur, tu ne manqueras pas de rire devant la description des accessoires impossibles et cruellement efficaces que propose la quincaillerie d'un genre un peu spécial que tiennent les Tuvache.


Chez les Tuvache, on sait ne pas dire bonjour, on sait  apprivoiser les visages soucieux d'en finir et les soulager. Mais là, face à ce bout de chou intrépide et insupportable de bonne humeur, on en perd tout son latin et ses bons principes!

Et c'est cela, toute l'exquise saveur du roman de Jean Teulé. A mi-chemin entre la famille Adam's et la famille Groseille, voici les Tuvache !

Vous n'allez pas y croire et résister, même, au plaisir d'offrir par la suite ce roman étonnant! Car il explose de positivisme sous-jacent et que ça fait du bien de rire de tout.

"Accrochés au plafond, des tubes au néon éclairent une dame âgée qui s'approche d'un bébé dans un landau gris:
-Oh, il sourit!
Une autre femme plus jeune -la commerçante- assise près de la fenêtre et face à la caisse enregistreuse où elle fait ses comptes, s'insurge:
- comment ça, mon fils sourit? Mais non, il ne sourit pas. ce doit être un pli de bouche. Pourquoi il sourirait?"

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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 18:42
"Le sexe est soigneusement écarté de la SFFF (Science-Fiction Fantasy Fantastique) , par principe, par timidité ou par oubli, peut-être.
C'est bien dommage.
Le sexe, au contraire du bourre-pif, c'est sympa, non?"    Jeanne-A Debats.

"VOUS AVEZ ETE ADMIS DANS LE SECTEUR CHAIR! ENTREZ ! ENTREZ ! BIENVENUE...."

Chasseurs de fantasmes est un  recueil troublant. Il réunit 11 auteurs sur un  projet commun: explorer l'Erotisme sous le prisme de l'Imaginaire. Au gré des lignes, s'arborent figures de style, réseaux sémantiques et distorsions géniales de la syntaxe pour le plus grand plaisir des amoureux de la littérature. Pas d'érotisme traditionnel donc, d'ambiances tamisées, de saphisme obligatoire, de modérateurs agaçants pour faire monter l'excitation. Le plaisir répond à des codes nouveaux et lient des êtres dont la destinée n'a rien de commun avec la nôtre. Aussi le lecteur est ici confronté à l'expression de sensations nouvelles. Il suit ,quelques heures, des personnages prisonniers de désirs supra-sensoriels, futuristes, extraterrestres....et l'identification ne peut passer que par le partage de mêmes besoins primitifs : assurer sa survie et une descendance.
Difficile de définir et de qualifier les désirs qui les inondent , les paralysent ou les déploient. Ce sont des désirs sexuels, humains, tels qu'ils nous malmènent aussi , évidemment. Mais ils se développent en rhizome vivace et complexe: des désirs propres à des univers inconnus, à des espaces du futur fantasmés.

              La première nouvelle, Vieillir d'amour reprend -certes -un thème récurrent de l'érotisme: l'initiation. Une femme expérimentée joue de ses pouvoirs télépathiques sur un jeune néophyte et, entre  rapport de domination et plaisir de jouer,  le lecteur commence à se détacher doucement du monde réel par le biais du pouvoir troublant dont dispose la narratrice.
              La seconde nouvelle déploie  des réseaux métaphoriques entêtants. Les Ephémères provoquent un choc mental: l'obligation d'entrer dans un univers étrange de géants asexués, de nacelles aux destinations éthérées  heurte  d'abord l'esprit rationnel . Mais ,avec réticence et recul, puis  entièrement à nu,  l'on quitte volontiers nos repères sensuels pour d'autres plus "envolés". On regarde plonger Phaïs et Rydice, on perçoit les frissons de leur danse  dans l'abîme attirante et on languit notre tour...
S'enchaînent ensuite des nouvelles plus "crues".
(R)EVE où la chair prend ses marques sur la peau d'une statue androgyne, s'installe puis se débride. On vit le huit-clos avec une Eve et son rêve statuaire qui finira  par "crever"  nécessairement .
Cette nouvelle entame ,la première, une descente aux enfers dans les fantasmes les plus débridées et le thème du chatiment qui lui est intrinsèque. S'ensuivent d'autres, peuplées d'anges et de démons ( Thaïs sur la mauvaise pente), de programmes informatiques qui s'encoquinent et se prennent à aimer ( Simulation Love), de prostitués et de bourreaux en blouses médicales ( Les Autres)...


       Le désir est protéiforme: c'est son essence et sa saveur, sa dangerosité aussi.
Mais l'intérêt de ces nouvelles n'est pas que dans l'érotisme et ses manifestations les plus criardes et  c'est  surtout en cela que l'on se doit de saluer le travail de ces écrivains. Non! l'intérêt est dans la transposition des plaisirs de la chair dans des cadres qui, traditionnellement, en sont aseptisées et rechignent à évoquer le sexe.

A la lecture de chacune de ces nouvelles, je me suis posée la même question:
Comment écrit-on le désir? comment l'amène-t-on quand on est auteur? comment ne pas le perdre en route? ne pas le salir ou le rendre ridiculement niais? Comment garder le juste équilibre entre le sous-entendu et la concrétisation nécessaire?
Voilà une série de plumes qui en font une démonstration de talent.

Il ne vous reste qu'à lire.  Et à essayer de garder le corps serein. :-)
Sus à l'échauffement de vos sens ! A ne surtout pas consommer avec parcimonie!
Une bonne façon aussi de vérifier que l'on ne s'acharne  pas à faire avec son  partenaire de "la copulation courtoise" et que l'on ne manque en aucun cas d'imagination!
Et puis ce recueil dispose d'un autre avantage et pas des moindres: sa première de couverture, intemporelle et élégante, n'emprunte rien aux clichés traditionnels de l'érotisme. Aussi, pour les plus pudiques, voilà un bouquin que l'on peut balader sous le bras, laisser traîner sur sa table basse de salon sans éveiller une étincelle de malice grivoise des autres!

"Eve effleura la joue de sa presque-soeur, puis, étonnée, la sienne. Sa main fit plusieurs allées et venues, ainsi, tâtant l'une et l'autre figure. Il lui semblait ressentir quelque chose sur sa propre joue lorsqu'elle caressait la résine; Elle se laissa aller à palper le visage, puis le cou, de la statue, fermant les yeux pour mieux percevoir le léger étranglement alors qu'elle appuyait sur la gorge de son auto-portrait. Aucun doute, ce qu'Eve infligeait à sa création, elle le ressentait au plus profond d'elle-même. Elle pinça un sein, tordant le téton et cria de douleur." (R)EVE de Lucie Chenu.

"J'ai franchi les portes du Paradis, un nirvana à ma mesure, ni trop vaste, ni trop étriqué. Je ne fais qu'un avec elle. Nous ne sommes plus faits de chair mais de pur bonheur. Nos deux corps délimitent les fontières du Paradis sur terre.
Mon Paradis.
J'ai oublié que j'avais été un homme.
Et elle, une machine.
Mon corps s'embrase. Et son feu d'amour me consume l'âme." Simulation Love de Li-Cam.

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 14:39
Spontanément je dirai que je n'ai pas aimé.
Mais paradoxalement je l'ai lu jusqu'au bout.

L'invisible raconte l'improbable histoire d'un homme insignifiant qui, une nuit, devient invisible.Il en  profite donc pour commettre de petites vengeances et laisser libre cours à ses fantasmes les plus malsains.

Que feriez-vous si vous étiez invisibles?
 Tout le contraire, il me semble, de ce que fait le personnage...
Bon, il faut reconnaître  que mater les jeunes adolescentes sur la plage ne m'excitent pas des masses, et que suivre un inconnu pieds nus sur les sols brûlants d'Israël ne me semblerait pas être la priorité si une telle situation se produisait.Mais qu'en sais-je? Peut-être aurais-je envie comme ce personnage de me laisser couler dans le destin d'un autre....

 Le personnage principal était invisible avant même de le devenir réellement. Un être médiocre que l'on ne remarquait pas et qui ne faisait aucun effort pour se rehausser d'une saveur particulière.Voilà le fond du problème identitaire traité.

Non, décidément je n'ai pas beaucoup aimé ce roman...mais , voilà le paradoxe, je j'ai lu jusqu'au bout...poussée par la curiosité, par l'envie de savoir quelle pouvait être l'issue d'une telle mésaventure...
Dire que j'ai été déçue du dénouement...non. Juste étonnée.

L'invisible a deux forces: il dérange. Et l'écriture, toute simple qu'elle soit, est fluide. Aussi on lit. Pour savoir. Pour comprendre. Pour être moins bête.

Je n'aime pas réduire aussi je me contenterai de dire simplement: lisez-le si vous aimez les personnages à contre-courant, les récits d'anti-héros, les renversements de destins incontrôlés.

Et renoncez si vous n'aimez pas les situations troubles et l'idée dérangeante que là, maintenant, tout de suite, peut-être, un homme est en train de lire par dessus votre épaule....
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10 octobre 2009 6 10 /10 /octobre /2009 15:52

« La vérité était un poison. Une fois que le virus de la lucidité était inoculé il était trop tard : adieu la triste et rassurante mollesse du train-train quotidien ».

 

Le coffret. A l’aube de la dictature universelle de Stéphane Beau. ( Editions du Petit Pavé)

 

«  Les hommes se contentent très bien du prêt à penser qu’on leur distribue au quotidien ».

 

Voilà un roman que j’avoue avoir ouvert( après lecture de la quatrième de couverture) pour les accointances de thèmes qu’il semblait entretenir  avec Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Récit de science-fiction fascinant qui dépeint une contre-utopie avec un pinceau  fort poétique . 

Le roman de Stéphane Beau n’a pas démenti mes hypothèses : il les a juste réorientées vers une  dimension plus philosophique et a poussé plus loin ma réflexion sur les dangers d’une société sans livre. J’ai revécu cette sensation effrayante d’entendre crépiter les livres sous la langue du feu mais avec des frissons plus contemporains.

Un premier roman pour Stéphane Beau  ( qui anime une revue littéraire intitulée Le Grognard) qui ne manque pas d’assurance dans le propos. On y apprécie un style sobre et efficace et une pensée claire et abordable. Qualités énormes puisque l’ouvrage a des ambitions philosophiques. On y reprend des extraits de Freud, de Nietzsche, de Montaigne, de Palante entre autres….et l’esprit novice se voit infuser une pluie de citations commentées qui ne manquent pas d’intérêt.

 

L’intrigue est la suivante : 

Dans les année 2100, Nathanaël, jeune homme sans existence palpitante, découvre un matin, un coffret renfermant des livres dont une « autobiographie » écourtée de son grand-père Jean-Crill, renégat de  la famille et dont la fin était toujours restée mystérieuse.

Cette découverte, apparemment anodine et qui aurait pu rester un vieux souvenir poussiéreux, va bouleverser le héros. En effet, poussé par la curiosité , il va apprendre que  la plupart des auteurs des siècles précédents ont été interdits  par le gouvernement et que toute tentative de possession illicite de ce type d'ouvrages est sévèrement punie. Or, la question du novice Nathanaël est : qu’y avait-il de si terrible dans ces œuvres ?

 

Voilà un roman récréatif également  par son cynisme ( pessimisme ?) sous-jacent. Et assez souvent, on se demande si la réalité de Nathanaël, à quelques rames de papier près, ne ressemble pas beaucoup à la nôtre.


Dans Le Coffret,  on découvre un futur angoissant ( ça ,forcément...) , où l'exode rurale est définitive provoquée par des épidémies  terribles de grippe aviaire,  où le travail omnubile les esprits, où les pensées  sont anesthésiées et dans lequel le gouvernement devient un dictateur subversif parce qu’il ment sur la nature véritable de la liberté des citoyens.

Les libraires sont devenus de potentiels hérétiques à supprimer, on vend des kits de procréation pour que les femmes n’aient plus besoin des hommes pour avoir des gosses, on traite chimiquement les mâles pour conserver leur libido à un stade inoffensif, la valeur travail est la seule qui fait marcher les aiguilles des pendules biologiques, tout le monde est au régime bio et l’on vit centenaire.

Pourtant, ce luxe d’une existence prolongée et ( en apparence) confortable n’attire point  le lecteur qui voit défiler l’existence grise et morose de Nathanaël .

 

La découverte du coffret est une libération à payer au prix fort: Nathanaël soudain, cesse d'être, à l'image de ses concitoyens, un légume automatique et son esprit se met en ébullition. Ce réveil ne sera pas sans conséquence néfaste pour son existence mais la vérité douloureuse a plus de saveur que l'aveuglement.

 

Le parcours d’apprentissage du héros force au questionnement :

Est-ce que , ne pas être libre, c’est seulement avoir des chaînes à ses pieds et à ses poignets ? Est-ce que la répression physique est la plus dangereuse ?  Sommes -nous libres dans une société où le système nous paramètre? Et  ne perdons- nous pas, chaque jour, un peu de notre liberté par notre laxisme, notre laissez-faire, notre égoïsme patent ? Ne faudrait-il pas réagir....AVANT?

 

« Les générations humaines se renouvellent, les illusions évoluent, les mensonges se transforment et s’adaptent selon l’air du temps. Mais l’incapacité des hommes à garder les yeux ouverts reste intacte.

Notez bien que je ne tire aucune vanité à faire partie de cette minorité d’élus qui a pu mesurer toute l’immensité de la bêtise humaine. Je n’en tire d’ailleurs pas plus de vanité que de plaisir. Je suis même sans doute nettement moins heureux que la grande majorité de toutes ces braves bonnes bêtes d’humains disciplinés qui se contentent gentiment de gober les croyances qu’une poignée de puissants s’amuse à leur distribuer généreusement. »

 

En effet, il est plus compliqué de réfléchir et d’être responsable que de becqueter dans la main d’un maître quelconque qui choisit pour vous et vous chouchoute dans une prison dorée. Certes,  la lucidité et le libre-arbitre  pousse certains à des crises d’angoisse, à la dépression, à des erreurs ou des fausse- route. Mais doit-on vivre une vie aseptisée sous prétexte que la vie libre présente des risques ? Existe-t-il de bonheur sans revers ?

 

 

« Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’issue. Quoi qu’il fasse, l’homme est condamné à n’être qu’un prisonnier. C’est bien pour ça que les ironistes auront toujours le dernier mot sur les philosophes : parce qu’il est plus facile de rire de l’absurde que de le réduire à l’état d’inoffensif concept. Que tu sois prisonnier de tes illusions ou prisonnier de ta lucidité, peu importe : ça ne change rien au diamètre des barreaux. Certes, tu peux te consoler en te disant qu’il te reste au moins le choix de sa geôle – et c’est à ce titre seulement qu’on peut parler, à la rigueur, de liberté ou de libre-arbitre. »

 

Pour commander l’ouvrage de Stéphane Beau , envoyez un courriel à l’adresse suivante :

 

editions@petitpave.fr

 

 

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27 septembre 2009 7 27 /09 /septembre /2009 18:57
"J'ai toujours raté mes suicides.
j'ai toujours tout raté, pour être exact: ma vie comme mes suicides."

Dès l'incipit, on plonge:
Au sens concret d'abord...parce que le narrateur est au bord d'un précipice et qu'il s'apprête à en finir avec une satanée existence qui l'insupporte....
Et au sens abstrait...parce que, ça, c'est le talent d'Eric-Emmanuel Schmitt: faire en sorte que, dès les premières lignes, le lecteur se sente concerné....et touché.


Le destin est une donnée angoissante pour l'homme :comment évaluer si l'on réussit sa vie ou pas? Quelle place choisit-on d'avoir au sein de la société et est-on sûre qu'elle nous conviendra? Comment ne pas jalouser son voisin?

Notre narrateur est le frêre de jumeaux médiatisés, les frêres Firelli, "les deux plus beaux garçons du monde"que l'on s'arrache "pour des soirées, des inaugurations, des émissions de télévision, des couvertures de magazines" et il ressasse sa médiocrité, jalouse leur gloriole et désespère de ne pas être au centre des regards.

Ce matin-là, au bord du précipice, il veut en finir avec l'anonymat . C'est alors que pour son plus grand malheur, il rencontre "Son Bienfaiteur," Zeus-Peter Lama, un artiste, peintre et sculpteur de renommée ,qui lui propose de changer sa vie. De le faire devenir une oeuvre d'art.
Charmé par l'idée, le narrateur renonce à se suicider et livre son corps aux mains de l'artiste.

Mais Zeus n'a rien d'un bienfaiteur: c'est un être diabolique, et sans  scrupule, qui au mépris de tout respect de l'humanité du narrateur, va le transformer en monstre...dont les autres viendront se repaître.

Lorsqu'un homme devient une oeuvre d'art et donc un objet, notre fibre  éthique se sent désagréablement chatouillé. A-t-on le droit d'exposer un homme, dont le corps a subi des interventions chirurgicales visant à modifier ses caractéristiques physiques pour un objectif purement  esthétique?
Le narrateur , très vite, devient une curiosité que l'on manipule sans scrupule....et qui crée des frissons d'horreur dont la foule est friande.


Lorsque j'étais une oeuvre d'art est un récit passionnant. D'abord parce que l'on est entraîné dans l'horreur de la vie d'un narrateur prisonnier d'un corps inadapté à toute vie normale . Ensuite parce que  l'on est forcé de s'atteler à une problématique très contemporaine de l'importance qu'il faut porter au regard des autres et à celle de l'apparence physique en général.

"Zeus venait lui-même me soigner, nettoyant mes plaies, m'enduisant de pommades, renouvelant mes bandages. Avec ses précieuses mains d'artiste, il accomplissait les tâches les plus dégradantes. Il montrait une patience infinie. Il faut dire que, depuis l'opération, j'étais devenu sa passion.
-Incroyable! Merveilleux! Surprenant! Inouï! s'exclamait-il en me démaillotant et en me talquant.
Chaque jour il s'émerveillait davantage devant moi. Sans nul doute, je tenais je ne sais quelle promesse. Il vantait l'harmonie, l'audace de ma personne. Cependant il me refusait encore le miroir. Plus que moi, il se réjouissait de mes cicatrisations, de la résorption de mes oedèmes, dela disparition de mes bleus. Lorsque je le voyais se régaler de mes progrès, je supposais qu'il souffrait autant de mes inflammations que moi-même. Il jubilait, il applaudissait, il exultait. J'avais le sentiment d'être une photographie qui apparaissait chaque jour un peu plus dans son bain révélateur.
-Tu es mon oeuvre, mon chef d'oeuvre, mon triomphe!"
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Décalée par Julie

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