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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 14:27

Dans la rue de pavés glissants ( oui, l'image est revue mais diablement réaliste pour tous ceux qui s'y sont risqués) qui précédait celle, deuxième à droite, de l'imprimerie où elle avait rendez-vous, Ophélie chantonnait en elle-même de vieux refrains entendues le matin à la radio et qui devenaient de véritables mélopées de victoire où elle se faisait amazone  prête à conquérir le monde littéraire.

                Se laisser guider par la fluidité du dire spontané: plus le temps avançait, plus elle se sentait proche de l'écriture automatique prônée par les surréalistes. Elle lui semblait un mode poétique aux nouveaux-nés surprenants, une impulsion efficace aux vagissement souvent éclairants. Elle en appréciait sa qualité arbitraire, son rugissement vagal d'enluminures d'encre. Ecrire relevait d'un devoir pour ophélie: celui qu'elle se devait à elle-même, son auto-justification. Elle faisait crisser la page, tatater le clavier pour matérialiser toutes les élucubrations fantaisistes auxquelles se livrait son âme pervertie.

                     Elle avait toujours ressenti cette vérité si illisible aux ennuyeux rationalistes de la pensée humaine: le signifiant des mots représentait la majorité du sens que l'on voulait donner à une phrase.

Une parole sensitive, sensible, révélatrice dans le rapprochement de phonèmes de vérités enfouies.

L'observation volontairement candide et étonnée des êtres et des choses l'avait conduite à tâcher de reproduire la réalité grâce à des effets auditifs ou visuels plutôt que de le formuler grâce à des argumentaires bien structurés: fervente disciple des Allitérations , elle suivait aussi les cours magistraux passionnants de bons nombres de rimailleurs et maîtres des contrepèteries.

               Comme une bougie permet de son halo modeste d'éclairer le salon d'une maisonnée enveloppée d'une robe de satin noir, une association esthétique de mots peut guider avec justesse et précision son lecteur sur le chemin d'une démarche réflexive.

Elle était d'humeur catachrésique...

             Une petite vieille replète qui s'abritait sous un porche lui sourit en une grimace complice de dentier reconnaissant, un sac à filets vert que tenaient fermement deux vieilles mains bellement ridées mais tenaces. Une maman pressée et son marmot look petit breton imper jaune, bottes de pluie marin qui s'amusait à patauger à grands cris dans toutes les flaques que sa tant aimée prenait le soin d'éviter. Un chien mouillé, des prospectus maculés de graisse et de cambuis qui gisaient au dessus de la bouche à égoût qui leur tendait des bras accueillants mais contrariés par une grille revêche qui ne l'entendait pas de cet oeil-là. Les trois petits cochons, Blanche-Neige ou presque et La mère l'Oye. Et puis un  Voltaire inquiet , un Diogène modernisé, trois Grâces....Romain aussi, elle crut le voir traverser les vitraux de l'église qu'elle venait de longer. Il serait fier d'elle peut-être maintenant, la regarderait autrement, l'empêcherait de le quitter une nouvelle fois avec ferveur....Plus  jamais cette flegmatique et paresseuse résignation blessante qui l'avait confortée dans l'idée qu'elle ne valait pas la peine qu'il se batte pour elle, qu'il tente de garder auprès de lui sa présence équilibrante et salutaire à son âme blessée.

                Il s'approcherait là et se pencherait pour remonter le col de mon manteau - manie tant chérie de moi,  l'amante agacée-  puis me sourirait avec connivence, m'entraînerait dans un pub non loin et me presserait de tout lui raconter, tout, tu m'entends...Je veux tout savoir.

Oui.... si elle le croisait, là, qu'est-ce qu'il se passerait?

Toujours le même rêve depuis quelques semaines, inexorablement, un rêve évanescent et sucré qui s'insinuait dans ses veines et la plongeait dans un état d'ivresse extatique:

Etrange cadre plein de soleil et de verdure qui dénotait des paysages hivernaux qui peignaient l'arrière-plan de tous ses souvenirs avec Romain.

Elle croyait y entendre, à chaque fois,  une musique en sourdine au loin ...pleine d'entrain...au rythme d'un accordéon leadeur qui entraînait dans sa course une troupe festive de paysans au travail dans les champs.

                Des companules mauves abaissant leurs têtes clochettes sont une révérence silencieuse et troublée de la nature muette devant la force de l'amour de ce couple qui apparaît soudain dans son esprit...Silhouette vaporeuse enlacée puis délacée dont les contours en se définissant la laissent troublée: elle les reconnaît. Ce sont eux.

Le bruissement fragile de la jupe à volants de dentelle blanche d'Ophélie  fait frisonner l'âme de Romain, le seul à qui elle ait jamais donné le droit de traverser son jardin secret...elle avance pas à pas, avec précaution et presque à regret au milieu d' herbes hautes et sauvages qui l'entourent d'une vague douce, fluctuant avec la brise printanière qui caresse sa blondeur de blé. Elle se sent légère au milieu de cette nature vivante...et elle n'ose se retourner, telle Orphée ramenant Eurydice des Enfers, effrayée qu'il s'évanouisse derrière elle, fébrile à l'idée de briser le charme de cette promenade bucolique uniquement troublée par les rumeurs champestres...Elle entend le vent, saisit des épis ensoleillés et roux, se laisse bercer par les parfums bruyants des fleurs sauvages.

Il la suit, ému de se sentir alors comme à l'aube des temps, à la naissance des sens et de la signification réelle du monde. Balade synesthésique de l'âme .

 Elle est , il le sait, son unique réponse, son onguent magique contre les maux, sa lumière, ses mains, sa parole, son coeur...

Il  décide de s'allonger avec langueur sur un tapis d'herbes fraîchement coupées, respirant l'odeur douce des foins qui ont séché au soleil et diffusent leurs âmes dans la fraicheur caline d'une soirée d'été...

Elle , se retourne, ne percevant plus sa présence rassurante, ses pas précautionneux et étouffés qui la suivent religieusement , et ,au spectacle charmant du paresseux aimé dans le nid herbeux qu'il vient de se confectionner prestement,  feint une moue agacée mais amusée...

Il lui fait signe de s'approcher de lui, sourit de ses  hésitations à se positionner vis à vis de son corps à lui, attentif et réceptif. Elle finit tout de même par inventer une position qui lui convient :à genoux, reins cambrés , les mains jouant avec les revers travaillés de son jupon, elle expose son visage serein au soleil et ferme doucement les yeux en un soupir bienheureux. Alors,il lui prend passionnément le visage entre ses doigts d'abord tendres, puis, trés vite, joueurs qui glissent lentement le long de son cou, dessinent des courbes lascives sur ses épaules et son dos et s'attardent sur ses reins...Les soupirs d'ophélie lui donnent plus d'audace et il l'attire tout contre lui, leurs deux corps glissant l'un sur l'autre...leurs jambes s'entremêlent , leurs souffles et leurs langues se font plus pressants et entreprenants...ses yeux noirs plongent dans ses prunelles noisettes, les pupilles se dilatent sous l'effet du désir et lorsque les mains de Romain s'aventurent sous son jupon, elle déboutonne sa chemise en signe d'accord tacite....

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