Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 12:53

vallee.jpgInterview de Sylvain Vallée / Propos recueillis par Julie Cadilhac - Bscnews.fr / Il était une fois en France est un incontournable du neuvième art français distingué par de nombreux prix prestigieux dont celui de la Série au Festival d'Angoulême 2011. Ces cinq albums retracent la vie du personnage historique, Joseph Joanovici, un ferrailleur juif roumain, devenu l'un des hommes les plus riches de France qui, durant la seconde guerre mondiale, a collaboré souvent avec la Gestapo et a été tout en même temps un des principaux pourvoyeurs de la Résistance. Un personnage ambivalent au parcours dérangeant dont le destin a nourri une série habilement ciselée.  Fabien Nury au scénario, Sylvain Vallée au dessin, travaillent actuellement sur le dernier et sixième tome - un album très attendu!. Laissons la parole à son dessinateur!


Quel pinceau, crayon - mentor vous a donné l'envie de dessiner pour la bd?
Bien avant des auteurs, et bien loin du choix des outils, c'est avant tout et dès mon plus jeune âge, des lectures et des albums. Mais si je devais m'inscrire dans une lignée d'auteurs, je vous répondrais avoir été influencé par des maîtres de la bande dessinées tels Uderzo, pour la rondeur du dessin et la vie insufflée aux personnages, par Loisel pour la mise en scène et le travail sur les émotions, par Tardi pour ses ambiances urbaines. Et par des réalisateurs de cinéma comme Clouzot, Melville, Lautner, Coppola, Scorsese... et bien d'autres !

Et aujourd'hui, est-ce un genre que vous dévorez? Quels albums, dernièrement, vous ont séduit?
Le genre polar m'a toujours fasciné. C'est le cadre idéal pour traiter de l'âme humaine dans toute sa complexité. Un genre exceptionnel permettant de traiter des moeurs sociales et des multiples caractères humains, avec un éventail de tons allant de la noirceur la plus absolue à la comédie la plus burlesque. Bien sûr, avec "Il était une fois en France", nous sommes dans la première catégorie, mais j'ai aussi envie d'aborder la seconde.


Qu'est-ce qui vous a plu dans le récit de ce destin ambivalent?
La possibilité justement de jouer sur cette large gamme de sentiments, mais aussi uuu.jpgd'expliquer les motivations multiples et changeante qu'un homme peut avoir face à son destin, sans pour autant  les cautionner moralement. La justesse d'écriture du scénario de Fabien permettait cela. La personnalité de Joanovici et son parcours furent exceptionnels, et pour des auteurs de fiction, cela représente une matière de travail rare.Comment, en tant que dessinateur et "metteur en scène" curieux de traiter de l'humain, ne pas être séduit par un tel sujet?


Aviez-vous déjà travaillé avec Fabien Nury? A-t-on besoin d'une indispensable complicité pour imaginer une série de cette teneur?C'était notre première collaboration, nous en espérons tous deux une autre. Parce qu'effectivement, de ce travail commun est né une véritable amitié, et aussi parce nous pensons tous deux nous être trouvés artistiquement. Nous avions déjà beaucoup de goûts et d'influences en commun au départ, mais le fait de travailler ensemble sur une matière de ce type, je parle encore de l'humain, à mettre ensemble les mains dans le même "cambouis", en ce qui concerne Joanovici, nous a poussés à nous découvrir l'un et l'autre. Donc, oui, cette complicité m'apparaît indispensable.


Avez-vous imaginé les traits de Joseph immédiatement? Vous êtes-vous aidé de photographies existantes?
Les traits du personnage sont inévitablement issus de ceux du véritable Monsieur Joseph. Faire autrement, ce qui nous a été suggéré au tout début,  aurait été pour moi une trahison d'un irrespect total vis à vis de la personne ayant existé. Bien sûr, le dessin vient interpréter la réalité, et ma volonté d'expressivité m'a poussé à forcer les traits de mes personnages. Cependant,  je n'ai jamais considérer cette forme de "caricature" sous l'aspect satirique, mais comme un moyen de caractériser mes personnages et de leur donner plus de vie.


Un scénario avec des analepses impose des difficultés graphiques particulières? Est-ce la difficulté majeure que vous a posé cette bd?
C'est une des difficultés en effet. Mais elle ne s'applique qu'au tome 1. Ce qui aura été plus complexe, c'est l'évolution chronologique sur les autres tomes et particulièrement sur le tome 6, que je réalise actuellement, car il s'étend sur plusieurs dizaines d'années, et tous nos personnages vieillissent...Maintenant, je pense que la difficulté majeure, tout du moins l'attention principale, aura été celle portée à la justesse de la mise en scène. Etant donné l'ambiguité de notre personnage principal, il nous a fallu être le plus clair possible sur le fond du propos, pour ne laisser à chaque situation aucune autre interprétation possible que celle que nous souhaitions. D'où une vigilance constante.


sylvain.pngPour quel personnage avez-vous eu le plus d'antipathie.... et le plus de sympathie?
Joseph, bien sûr. Et nous avons tout fait pour qu'il en soit de même pour le lecteur.


Les visages naissent-ils sans modèle? Retrouve-t-on, malgré vous ou volontairement, des traits de gens que vous côtoyez ou que vous avez croisés?
C'est quelque chose de naturel chez un dessinateur. Consciemment ou inconsciemment. Mais par ailleurs, certains personnages clefs ou non sont issus de photos, comme Laffont ou Brandl.


Avez-vous déjà travaillé sur d'autres récits historiques? Diriez-vous que l'Histoire est une source d'inspiration puissante pour votre pinceau?
L'histoire et LA source. Fabien ne vous dira pas le contraire, la majeure partie de ses récits émanent de notre passé et ont pour toile de fond des évènements historiques, majeurs ou non. Il n'y a qu'à se pencher, à condition d'en faire quelque chose de passionnant, et c'est là qu'est tout le travail !


Vous êtes-vous parfois demandé si vous ne jouiez pas dangereusement avec la vérité ou en tous cas si vous ne pourriez pas, par vos dessins, influencer la perception du personnage de Joseph?mettre en vignette un personnage aussi controversé tracasse-t-il ma conscience? N'a-t-on pas peur de lui donner un visage trop bonhomme par exemple?
Bien sûr, nous sommes passés par toutes les interrogations possibles  ! Et il nous a fallu "montrer patte blanche" avant d'aborder ce sujet. Mais influencer la perception du personnage, dans un sens comme dans l'autre, est notre atout majeur. Pour entretenir l'intérêt du lecteur et ses interrogations jusqu'au bout, il faut que Joanovici nous apparaisse tour à tour sympathique et odieux, sans jugement moral, dans la mesure où la clarté de notre positionnement sur le fond ne fait pas de doute. C'est un salaud, avec une tête de sympathique maquignon, mais c'est surtout un être humain dans sa plus grande complexité. Et nous espérons avoir donné à voir de manière équilibrée suffisamment d'éléments pour que chacun se fasse son propre jugement en conscience.


Peut-on dessiner sans influencer le scénariste? Y-a-t-il des planches dont le texte a été modifié suite à vos dessins?
C'est un jeu de vases communiquants nécessaire entre le dessinateur et le scénariste. De ces échanges naissant l'équilibre du récit et la justesse du propos et de la mise en scène.

Vous documentez-vous systématiquement pour dessiner les lieux, les uniformes etc? ou faîtes-vous confiance à vos souvenirs des cours d'histoire?
La documentation elle aussi est nécessaire, mais il faut savoir s'en inféoder car elle peut scléroser le dessin, si on y fait appel systématiquement. Il y a les moments pour s'y référer et ceux essentiels de la liberté graphique. Aussi, l'évocation d'une ambiance ou d'un lieu peut être mille fois plus juste que la fidèle reconstitution historique, et toucher plus profondément le souvenir du spectateur ou la conscience collective sur un sujet. A condition bien sûr de ne pas être "hors sujet" ou anachronique.


 Il reste un album à paraître? Un album où il est question de voyages et d'horizons nouveaux? l'occasion pour vous de faire davantage de plans généraux, de dessiner davantage les lieux?
Oui, c'est la cas dans ce tome 6, mais je ne veux surtout pas perdre cette proximité avec mes personnages qui permet de générer un large panel d'émotions et de le rendre palpable. C'est le langage de la série et ce qui a participé de son succès.


Avez-vous un souvenir marquant d'une rencontre avec un lecteur que vous nous raconteriez?
Lors du vernissage de l'exposition consacrée à "Il était une fois en France" à la galerie  Maghen, un septuagénaire vient me voir pour nous féliciter et me dire avoir été très touché par notre série, à la fois ravi de voir cette histoire exhumée, mais également du choix d'avoir donné une vraie place à l'histoire de sa famille et de ses filles. Je m'interroge et le questionne, car c'est la première fois que l'intérêt d'un lecteur se porte aussi clairement sur ces aspects du récit... et pour cause: Celui-ci me confie avoir été fiancé à l'une des filles de Joseph ! Je ne rentrerais pas dans les détails par respect pour ce monsieur, mais c'est ce genre d'expérience assez marquante qui nous fait prendre encore un peu plus la mesure de la réalité qui se cache derrière notre propos, et de la nécessité de ne pas en faire n'importe quoi. Une prochaine fois, je vous parlerai du petit-fils de Joanovici, et de son bienveillant témoignage...


Enfin d'autres projets en cours pour Sylvain Vallée?
Une récréation sous forme d'un "XIII Mystery" autour de Betty Barnovsky, un des rares personnages touchants de la série, avec mon "vieux"copain Joël Callède. Deux projets, un one-shot et une autre série, avec  Fabien. Et de nombreuses sollicitations...

 

Série: Il était une fois en France
Editions Glénat

 

A lire aussi:

Il était une fois en France : un incontournable du neuvième art

Nos Plumes sont-elles des hommes comme les autres?

Rencontre en BD avec Jean-Pierre Gibrat et l'Histoire du XXème siècle

Partager cet article
Repost0
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 17:58

nury.pngInterview de Fabien Nury/ Propos recueillis par Julie Cadilhac - Bscnews.fr / Il était une fois en France est un incontournable du neuvième art français distingué par de nombreux prix prestigieux dont celui de la Série au Festival d'Angoulême 2011. Ces cinq albums retracent la vie du personnage historique, Joseph Joanovici, un ferrailleur juif roumain, devenu l'un des hommes les plus riches de France qui, durant la seconde guerre mondiale, a collaboré souvent avec la Gestapo et a été tout en même temps un des principaux pourvoyeurs de la Résistance. Un personnage ambivalent au parcours dérangeant dont le destin a nourri une série habilement ciselée.  Fabien Nury au scénario travaille actuellement sur le dernier et sixième tome - un album très attendu!- nous souhaitions ainsi revenir avec lui sur la genèse de cette aventure de bande-dessinée, ses réussites, ses perspectives…histoire de patienter et de connaître mieux son scénariste extrêmement productif par ailleurs!

 

Votre expérience du cinéma avec Les Brigades du Tigre a-t-elle pu influencer votre façon d'écrire par la suite vos scénarios? ou est-ce que, selon vous, être storyboarder ou scénariste de bande-dessinée, c'est à peu près la même chose?
Co-écrire « Les Brigades du Tigre » a sans doute fait de moi un meilleur scénariste…de BD. Mes premiers albums étaient un peu trop des « films sur papier », tandis que les suivants démontrent, j’espère, un plaisir grandissant à exploiter les spécificités du média BD.


Comment rencontre-t-on un personnage? un soir au gré d'une lecture? lors d'une discussion avec des amis historiens?
Des lectures, essentiellement. Ce fut le cas pour « Il était une fois en France », pour « Atar Gull », pour « La mort de Staline »…


Qu'est-ce qui a provoqué le "coup de foudre" scénaristique entre Joseph Joanovici et bd.jpgvous? Essentiellement sa personnalité insaisissable et ses agissements ambivalents?
C’est un destin unique, impensable, au cœur de notre Histoire et de notre mémoire collective. Le personnage est un anti-héros intelligent et ambitieux, qui peut tour à tour susciter empathie, crainte, dégoût… Il fait tout pour être à l’abri et ne le sera jamais, et tente de résoudre ce problème insoluble par une fuite en avant ahurissante. Bref, il m’a fasciné d’emblée et n’a jamais cessé de le faire.


L'Histoire avec un grand H semble être un socle sur lequel reposent toutes vos fictions. Art Spiegelman dans le documentaire de Benoît Peeters intitulé Art Spiegelman, le miroir de l'histoire,  explique qu'il a besoin d'écrire à partir d'une matière existante, qu'il ne sait pas inventer à partir de rien, que les situations contingentes paralysent sa créativité... En est-il de même pour vous?
Oui, tout à fait. J’ai besoin d’une matière première réelle, d’un contexte précis pour raconter des histoires auxquelles je crois. Je ne suis pas un « créateur de mondes » à la Tolkien… Je le regrette parfois, mais je n’y peux rien !


Avez-vous rencontré les mêmes difficultés qu'un historien? Avez-vous eu peur, à un moment donné, d'influencer le lecteur sur ce qu'il devait vraiment penser de Joseph, le ferrailleur? ou, au contraire, après vous être protégé par des avertissements aux lecteurs, vous êtes-vous autorisé à tout - ou presque- que permet l'imagination?
Le plus important était de ne pas prétendre faire un travail d’historien. De prévenir les lecteurs que, bien que basée sur des faits réels, l’histoire demeure une fiction. Après, avec un personnage tel que Joseph Joanovici, on n’a rarement besoin d’inventer… Il faut plutôt couper, condenser, dramatiser.


Quand on écrit une biographie romancée et qu'on aborde des thèmes historiquement douloureux comme la déportation, la shoah, la collaboration, on s'expose à des réactions très variées je suppose...
Bien sûr, cette histoire mobilise des thèmes et des événements gravissimes, et il faut d’abord vérifier qu’on ne fait pas n’importe quoi avec un tel matériau. Concernant les réactions, je crois que nous avons eu la chance d’être compris, dès le tome 1. Les lecteurs et les critiques ont adhéré à notre point de vue. A partir du tome 2 et, entre autres, de la scène de l’infâme « certificat d’aryanisme », il n’y avait (j’espère !) plus le moindre doute possible sur notre propos.

 

Le scénario de l'Etrange Monsieur Joseph, un téléfilm où Roger Hanin jouait le rôle principal, avait été jugé trop complaisant pour cet orphelin immigré milliardaire collabo résistant? Etait -ce absolument un risque que vous souhaitiez éviter, du coup vous avez ajouté à Joseph quelques méfaits bien sanglants?
Une chose m’a longtemps fasciné, tandis que je me documentais : je lisais des témoignages à charge, ou à décharge. Tout l’un, ou tout l’autre. J’ai choisi de raconter les deux. De croire aux malfaisances comme à la noblesse de Monsieur Joseph et ainsi, de renforcer sa dualité et son ambiguïté.


Ainsi dans l'affaire Scaffa, qui a dénoncé la réunion de résistants où n'a pas pu se rendre Robert Scaffa? Lucie? Pourquoi avoir choisi de faire tuer Robert Scaffa par Joseph, l'Histoire ne dit-elle pas que c'est PiedNoir et Georges Beau qui l'ont exécuté? il y avait cette volonté qu'il ait aussi les mains sales?
Comme dans toutes les fictions historiques, un certain nombre de personnages sont éliminés, d’autres sont condensés en un seul… Considérant la responsabilité supposée de Joseph dans l’affaire de la Brosse-Montceaux, sa participation directe au meurtre de Robert Scaffa m’a paru nécessaire. C’est le point d’horreur du récit, il n’y a plus de rédemption possible après cela. D’où l’importance de prévenir d’emblée qu’il s’agit d’une FICTION…


iletaitunefois.jpgLucie est une invention de votre imagination, je suppose? L'envie ,un peu comme dans une histoire d'espionnage et d'agents secrets, d'une blonde froidement superbe pour ajouter du  romanesque et du piment?
Absolument pas. Lucie a bien existé, et était vraiment surnommée « Lucie-Fer » par tous les ferrailleurs de France. Son physique est simplement plus avantageux que dans la réalité, c’est un choix de Sylvain auquel j’adhère totalement.

 

Quant à Eva, seul être avec Marcel, le frère de Joseph, dont les actes sont purs et la foi intacte...sont-ils aussi inventés? Ils étaient nécessaires pour donner à Joseph une dimension plus humaine?
Ni l’un ni l’autre n’est inventé. Ce sont eux aussi des personnages réels, dont nous savions d’emblée qu’ils auraient une importance primordiale. Même s’il ne sont pas si « purs » que vous semblez l’affirmer. Marcel travaille avec son frère, et Eva « profite » de ses actions tout en les condamnant. Ils illustrent la difficulté d’avoir un jugement moral trop tranché sur Joseph, tout en constituant des « points d’ancrage » du personnage. Chaque scène avec Eva, en particulier, pose un jalon de l’évolution morale et émotionnelle de Joseph.


Vous avez pu dire en interview "l'occupation est un des moments les plus sombres de l'histoire"....parce que la plupart des hommes, rongés par la peur, sont prêts à éliminer leur prochain pour sauver leur peau?  Sur les champs de bataille, l'honneur est davantage préservé parce qu'on a moins l'opportunité de pactiser?
Il s’agit d’un monde, le nôtre, sur lequel le Mal régnait. Toutes les valeurs sont inversées, les pires gangsters donnent des ordres aux policiers, quand ceux-ci ne sont pas eux-mêmes dévoyés au service de l’idéologie la plus abjecte jamais créée par l’homme. Que dire de plus ?

 

Joseph est en quelque sorte un Faust qui pactise avec le diable nazi...?
C’est avant tout un survivant, et un homme de pouvoir. Je me méfie de ces métaphores mythologiques, sur un tel sujet. Il n’y a pas de diable dans cette histoire, que des humains, hélas capables du pire.


Être à la fois collabo et résistant n'a sans doute pas été l'apanage du seul Joanovici. Parler de cette histoire, c'est aussi refuser ceux qui veulent que dans l'Histoire, le camp du Bien et du Mal soient  foncièrement séparés?
Je crois qu’on peut conserver ces notions de Bien et de Mal sans sombrer dans le manichéisme ou l’image d’Epinal. Après tout, entre les vrais héros et les ordures finies, entre le blanc et le noir, il y a une infinité de gris… Joseph illustre l’idée, très importante à mon avis, que chacun peut tour à tour être un type bien et un salaud. Ce n’est pas un chromosome, ni un trait de caractère prédéterminé, c’est une série de choix que l’on fait tout au long de sa vie.


Aimez-vous les récits basés sur l'Histoire? Je pense par exemple au roman de Jérôme Ferrari " Où j'ai laissé mon âme" qui refusait aussi une vision dichotomique de la guerre....l'avez-vous lu? Quels titres pourriez-vous citer?Avez-vous des mentors?
Je ne l’ai pas lu. Concernant les écrivains, j’admire beaucoup les romans de James Ellroy (sauf le dernier), pour leur habileté à entrelacer réalité historique et fiction, mais surtout pour l’intensité et l’ampleur des trajets humains qu’ils racontent. Mais j’adore aussi London, Stevenson, Conrad, Donald Westlake, Norman Lewis, Malaparte… Pour les références de cette série, je citerais d’abord des films : « Monsieur Klein », « L’armée des ombres », « Lacombe Lucien », « Black book », « Règlement de comptes »…


Pactiser, c'est s'exposer aux revers violents de la médaille. La mort d'Eva, c'était une façon symbolique d'amener la plongée aux enfers du héros ?
Mais Eva est VRAIMENT morte de mort violente, en 1949 ! Cela dit, il est certain que cela apporte un sens tragique au destin de Joseph. Il a tout fait pour la protéger, et elle meurt par sa faute… J’ai construit l’intrigue, dès le tome 1, en sachant quand et comment elle mourrait. Et je savais aussi quelles causes fictionnelles nous allions attribuer à cet événement réel.


La citation de Frédéric Nietzsche " Que celui qui combat les monstres veille à ce que cela ne le transforme pas en monstre" au début du tome 5 est d'abord adressé au petit juge de Melun? 
Bien sûr. Ce Juge qui s’appelle « Legentil » passe progressivement de la justice à la haine. Il se met à estimer que tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins, pour détruire son ennemi. Il devient comme Joseph, en fait. C’est une clé du travail de narration, dans cette série : à qui doit-on s’identifier ? Dans ce tome 5, il est clair que Joseph est le « méchant » insaisissable et menaçant. Pourtant, dès qu’il chute et souffre, bien des lecteurs se sentent désolés pour lui. Plus que pour le juge qui n’est plus si gentil…

 

 Il reste encore un album à paraître. Un seul album  pour le procès, Genève, Casablanca, Israël? Vous allez pratiquer l'ellipse "à tour de vignette"?
Si j’avais ressenti un manque de place, je n’aurais pas hésité à faire un album de plus. Mais je pense au contraire que cette durée (17 ans) donnera une grande densité, narrative et émotionnelle, à l’album. C’est un choix que Sylvain et moi avons fait dès le départ, et je peux vous dire que nous ne le regrettons pas, une fois l’album écrit, dialogué, et presque entièrement storyboardé.

 

Enfin, d'autres projets en cours pour Fabien Nury ?
Quelques uns… Cette année est particulière, car on boucle « La mort de Staline » et « Il était une fois en France ». Ce sont des histoires qui ont beaucoup compté pour moi, avec de formidables dessinateurs qui sont aussi des amis. A l’automne, on sort aussi un « XIII Mystery » sur Steve Rowland, avec Richard Guérineau, et le tome 3 de « L’Or et le sang », avec Merwan, Bedouel et mon copain Maurin Defrance. Encore des anti-héros… Et puis l’an prochain, je passerai à de nouvelles histoires ! Il y aura « Tyler Cross » avec Brüno, « Silas Corey » avec Pierre Alary, « Fils du Soleil » avec Eric Henninot, d’après des nouvelles de Jack London… Etc, ou plutôt, « à suivre ».

Partager cet article
Repost0
14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 19:32

baraouphoto.jpgInterview d'Anne Baraou/ Propos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr / Photos D.R Anne Baraou est scénariste pour la bande dessinée. Elle aime écrire sous contrainte artistique volontaire à la manière de l'Oulipo et fait partie au cercle de l'OuBaPo en compagnie notamment de François Ayroles avec lequel elle a imaginé Les Plumes. Après plusieurs bandes dessinées à sujets féminins comme La Bd des Filles ou Une demi douzaine d'Elles, elle s'est penchée sur ces personnages singuliers et souvent bien trempés que sont les écrivains. Les Plumes narre l'amitié de quatre auteurs: le maladif et cultivé Malard, l'insatisfait et bouillonnant d'idées Inscht, le cynique et râleur Greul et le Don Juan Alpodraco. Au Bar des Amis, ils refont le monde, tentent de se consoler, se disputent parfois, font éclore des dizaines de personnages tant et si bien que le patron du troquet parisien les trouve un peu envahissants! Un portrait tout en finesse et en humour d'êtres de chair et d'os qui jalousent souvent la vie facile des êtres de papier dont ils sont les démiurges....


Comment a germé l'idée de ces Plumes?
Il se trouve que j'avais pas mal d'amis dans la partie et du coup l'opportunité de m'en inspirer et surtout je trouve que les écrivains sont des caractères intéressants à étudier : ce sont des gens entiers qui vendent un peu d'eux-mêmes en quelque sorte, de leur intérieur. Ce sont des personnalités souvent assez fortes et qui sont donc assez amusantes à utiliser en tant que personnages. Et puis dans mes scénarios précédents, il y avait déjà aussi pas mal de questionnements, souvent sur la vie quotidienne - je ne suis pas du genre à faire de l'aventure ou du gag rapide! Aussi, utiliser des écrivains qui ont l'habitude de questionner autant le monde qu'eux- mêmes, cela permettait une forme de mise en abîme avec des personnages qui se questionnaient dans leur vie mais en sachant déjà qu'ils se questionnaient puisque c'est le propre de leur métier.


Malard, Inscht, Alpodraco, Greul...vous ont été inspirés par des figures connues de la 9782205064650.jpglittérature ou, au contraire, avez- vous voulu éviter ce genre de comparaison?
D'abord ça ne nous intéressait pas particulièrement, François Ayroles et moi-même, de parler de gens qui existaient vraiment; je me suis inspirée de gens que je connaissais, non pas pour définir un personnage mais plutôt pour les événements et les anecdotes. Ensuite j'ai voulu leur donner une personnalité bien particulière à chacun: il y a le grand écrivain intellectuel, celui qui a un tempérament plus chaud et plus insatisfait. Ce sont des caractères que j'ai créés moi-même plutôt que des personnalités. Pour le dessin, la démarche de François a été sensiblement la même.


Appartenant à ce milieu-là, avez-vous conçu ce scénario avec des morceaux de vous aussi ? Le fait d'utiliser essentiellement des protagonistes masculins a-t-il été une volonté de mettre une distanciation entre ces personnages et vous-même?
J'avais travaillé avant sur des scénarios avec des personnages uniquement féminins et j'avais envie de changer et de ne pas être cataloguée dans le trop "féminin". De plus, il me semble qu'il y a plus de mystère féminin chez les hommes que de mystère masculin chez les femmes. C'est le sentiment en tous cas que j'ai - et peut-être que je me trompe complètement- et disons que mettre en scène tous ces personnages masculins permet d'avoir parfois un côté à la limite de la misogynie qui est assez marrant à créer quand on est une femme et davantage encore quand on a utilisé beaucoup de personnages féminins avant! Quand on se met dans la situation de quatre hommes entre eux, on a une vision distanciée par rapport aux femmes, forcément. Après, oui, il y a , dans cette histoire, des anecdotes qui me sont arrivées et qui marche très bien aussi dans la peau d'un homme. Même si je ne suis pas écrivain et que, dans le scénario, on n'est pas aussi autant exposé, à des luttes d'ego par exemple, et on n'a pas exactement les mêmes questionnements que les écrivains.


Vous évoquez, avec un humour parfois féroce, les acteurs-clé du monde du Livre: auteurs (forcément) mais aussi éditeurs, attachées de presse, journalistes... Et l'on voit notamment certains de vos protagonistes revenir déboussolés de réunions éditoriales, commerciales...
Les écrivains sont des gens qui, foncièrement, travaillent tout seuls et sont assez isolés à part quelques célébrités. Quand on les sort de cet univers-là qui est leur univers naturel et qu'on les met sur un plateau de télé ou dans une réunion de représentants où ils sont directement confrontés au monde du commerce et de leur propre commercialisation, ça fait un choc et ça les déstabilise... ce qui est évidemment intéressant pour moi à travailler en tant que personnage, de la même façon que lorsque je les imagine dans un mariage ou un anniversaire où ils se retrouvent complètement en décalage avec les autres convives...


Il est question, dans le second volet des Plumes, d'une interview de Greul qui n'arrive pas à trouver les bons mots à la radio et lors de laquelle la journaliste, dès qu'il quitte l'antenne, se met à critiquer le roman alors qu'elle en faisait la promotion juste avant...Est-ce une situation réelle ou un cauchemar d'écrivain?
Il se trouve que ça a été une situation réelle mais il suffit que vous en ayez entendu parler pour que ça devienne un cauchemar! L'écrivain est très attaché à la publication et prêt à mille compromis pour l'être, après ce qu'on fait et ce qu'on dit de son livre, il y est attaché mais il ne veut pas forcément le montrer et ça lui échappe complètement. Il y a des écrivains très mal à l'aise face au succès et parfois un de leurs livres marche soudainement et ils se retrouvent face à une presse grand public dont ils n'ont pas l'habitude, d'autres espèrent le succès mais ne l'ont pas et vont le reprocher à l'éditur, à l'attaché de presse, au journaliste... Oui, il y a des situations réelles dans ce scénario que j'ai tirées jusqu'au cauchemar.


9782205067170_cg.jpgChaque interview pour un écrivain est- elle vraiment une source d'angoisse? Le paradoxe de l'écrivain est -il de ne justement pas avoir la répartie facile?Il y a quelques écrivains stars qui sont aussi bons à l'oral qu'à l'écrit, certains sont même saignants car ils ont l'habitude des plateaux - car tous les écrivains ne vivent pas de leurs plumes, c'est un fait- beaucoup chroniquent à la radio, sont journalistes ou enseignants et n'ont pas forcément de problèmes à l'oral, même s'il s'agit d'autre chose lorsque l'on parle de son propre travail. Pourtant beaucoup sont embarrassés vis à vis de l'oral et de la répartie parce que l'écrivain ou le scénariste ont tendance à trouver la bonne répartie douze heures plus tard après gestation.


On sent la volonté de ne pas basculer dans la caricature...
Le but était d'utiliser le potentiel de personnages des écrivains. Je me sers d'ailleurs de cela pour faire quelques exercices de langage et de style. Dans le tome 2, ces quatre écrivains parlent de l'hypothèse d'être transformés en personnages et évoquent combien ce serait confortable pour eux. Je pense qu'il y a ce fantasme chez l'auteur de se dire "ce que c'est chouette d'être un personnage!" parce qu'il joue lui-même avec des personnages et qu'il a cette conscience-là. C'est plus facile des fois de se dire qu'on pourrait être comme une marionnette et qu'on vous tire simplement vos fils. L'écrivain est souvent habité par ses personnages; d'ailleurs, on a fait une scène là-dessus, dans le tome 2, dans laquelle Malard, lorsqu'il écrit, est envahi par ses personnages, par ses amis et tout ça se mélange. C'était ce potentiel-là qui nous intéressait et donc la caricature n'est pas de mise puisqu'il s'agit d'abord d'une histoire d'amitié et de choses qui ne sont pas particulièrement liées au fait d'être écrivain - même en ce qui concerne les mondanités !- on y évoque le regard des autres sur son activité, la compétition sociale, la concurrence, les problèmes de postérité, la peur de mourir, l'envie de tout plaquer, la peur d'être oublié, les difficultés sentimentales.. Ils ont une vie assez normale, ils sont juste un peu spécialisés dans un type de questionnement et de relations au personnage et au fait d'être un personnage, ce qui est très amusant puisqu'on transforme en personnages des gens qui ont conscience qu'ils pourraient être des personnages et qui en l'occurrence en sont! Cette mise en abîme est drôle même si le lecteur ne voit pas tout forcément à la première lecture.


Ce bar des amis, troquet parisien parmi d'autres, est lui aussi un des protagonistes essentiels de l'histoire...tout écrivain a-t-il son petit lieu où se poser?
Je ne pense pas mais c'est vrai que c'est un peu statique de parler d'écrivains en soi; avoir un lieu auquel ils étaient attachés, où ils se retrouvaient et dans lequel le lecteur pouvait se raccrocher aussi, ça permettait des rencontres et d'ailleurs, à la fin du tome 1, un d'entre eux rachète le bar tellement ils sont déstabilisés par la possibilité que le Bar des Amis ferme définitivement. Ce lieu devient un personnage; dedans il y a des serveurs qui changent et cela permet de donner de la matière au scénario...


Ces quatre écrivains jouent avec les mots, instaurent des concours d'oxymores, d'adjectifs...un moment jouissif à concocter pour l'auteur que vous êtes j'imagine?
Dans la mesure où l'on parlait d'écrivains, autant essayer de saisir le challenge pour être un peu écrivain soi- même et faire des jeux d'écriture et de mise en scène. On a imaginé un concours d'épithètes dans le premier, de verbes dans le second et puis il y a aussi des petites contraintes que l'on s'est donné puisque l'on fait tous les deux partie de l'Ouvroir de Bande Dessinée Potentiel qui est une sorte de dérivé de l'Ouvroir de Littérature Potentielle et par exemple, il y a la nouvelle petite copine de l'un d'entre eux qui ne s'exprime qu'avec des aphorismes.C'était une sorte de challenge et ce n'était pas évident de faire une histoire où un personnage ne dit que des généralités et que ça colle à l'histoire quand même. C'est un clin d'oeil au lecteur et l'on espère que le lecteur s'amuse à les lire aussi.


Il y a notamment une scène amusante lors d'un goûter d'anniversaire où les enfants de ces écrivains s'expriment avec un langage extrêmement élégant et semblent sensibilisés eux-mêmes à l'écriture...
-C'était encore un exercice de style pour moi mais il est vrai que souvent les écrivains sont très impressionnés par certains mots des enfants qui, sans chercher, peuvent trouver des tournures très simples, très efficaces et parfois même assez brillantes. Il y a ce contexte donc de fascination possible de l'écrivain pour les enfants et là j'en ai fait un jeu puisque les propos des enfants parodient un Proust, un Mesnil etc...


Suite au tome 1, quels retours des lecteurs? Quels types de lecteurs sont spécifiquement touchés par ces Plumes? Tous ceux qui écrivent, et ,comme le disent les écrivains de votre histoire, finalement il y en a de plus en plus?
La velléité d'écrire en France est énorme. On dit que tout le monde en France a un manuscrit dans sa tête ou dans un tiroir et je suis très fière d'être dans un pays où tous les gens ont envie d'écrire, même quand ils écrivent mal. Il faut se réjouir d'avoir cette fibre-là chez nous, même si je peux comprendre que pour les éditeurs, c'est fatigant de recevoir des milliers de manuscrits qui leur tombent des mains. Du point de vue du pays, cela montre que les gens respectent énormément la littérature, sont encore à même de lire beaucoup...même s'il y a surproduction, c'est quand même mieux que la pauvreté intellectuelle. Je n'ai pas l'impression cependant qu'il faille que le lecteur soit particulièrement intéressé par la littérature ou les écrivains pour apprécier le livre. Même chez les écrivains, il y en a qui ont aimé et d'autres bien moins et certains ne s'y reconnaissent pas du tout. C'est avant tout l'histoire de quatre copains un peu sarcastiques et c'est un sujet universel qui peut intéresser n'importe qui.


L'écrivain qui est souvent imaginé comme quelqu'un de solitaire est ici souvent poussé par l'envie d'être avec ses trois autres compagnons...
Chez l'écrivain comme chez les autres, il y a une dose de solitude que l'on peut tolérer et on ne peut aller au delà. L'écrivain a souvent des enfants, une femme, une famille, parfois même une vie très pépère, très stable. Après il y a des écrivains à la vie dissolue évidemment...mais pour tous, il y a nécessité de "sociabilisation", d'abord parce que l'écrivain a besoin d'informations, tout ne lui vient pas de l'intérieur, il faut vivre pour écrire. Certains voyagent beaucoup.... et puis, dès qu'il est publié, l'écrivain a un minimum d'obligation sociale, il doit participer aux signatures et être en représentation et je pense qu'il a envie de cela aussi sinon il ne publierait pas; un écrivain c'est tout de même quelqu'un qui se propose à la vente.


Au début du tome 2, deux pages contenant des définitions-citations sur le métier d'écrivain. Si vous deviez en choisir, laquelle serait-ce?
C'est difficile parce que je n'en ai pas mise une seule que je n'aime pas. Il y en a que j'ai un peu trafiquées pour ce que ce soit parfois plus efficace ( les auteurs ne m'en voudront pas...(sourire). C'est conçu pour être lues les unes après les autres. Vous savez, tellement de choses ont été dites sur les écrivains que l'on finit par avoir tout dit! Il y a beaucoup de citations qui m'ont amusée et notamment celles qui commencent par " il y a deux sortes... ceux qui font ci et ceux qui font ça". Exemple: "Il y a deux sortes d'écrivains: ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas" qui soulève énormément de questions diverses "Est-ce que je suis un écrivain?" " Est-ce que je suis un bon écrivain?" ou "Est ce que je suis un grand écrivain?" parce qu'assurément, après la qualité d'écrivain, il y a toujours l'adjectif qui va avec... J'aime assez bien la première citation qui est mignonne: "L'écrivain écrit pour pouvoir lire ce qu'il ne savait pas qu'il allait écrire". C'est assez représentatif et je m'y retrouve aussi même si je ne suis pas écrivain mais scénariste. L'écrivain peut se surprendre et c'est aussi avant tout un lecteur- il n'y a que très rarement des écrivains qui ne lisent pas.


Si vous deviez ressembler à un de ces quatre personnages principaux, lequel serait-ce?
Ce ne serait pas vraiment possible. Je me divise un peu dans tous. En plus, je n'exerce pas le même métier. Le scénariste développe moins son propre univers et sa prose. Il ne se pose des questions comme eux mais il est plus fasciné par les idées que par son propre potentiel à développer un univers. Souvent le scénariste trace plusieurs sillons, ce qui est moins le cas chez les écrivains puisqu'on leur demande aussi d'être plus entiers et de ne pas déstabiliser leurs lecteurs à chaque livre. Un scénariste a l'habitude d'être plus polymorphe, me semble-t-il.


Pour quel écrivain, dernièrement, avez- vous eu un coup de coeur?
Ce sont plutôt les écrivains morts que je lis et il y en a tellement de fabuleux que l'on n'a pas assez de temps dans la vie pour tous les avoir lus! J'ai découvert Robert Walser assez tardivement que j'aime bien et un qui m'a fasciné -qui m'a été conseillé par une amie qui s'appelle Eva Almassy et qui fait partie de la bande Des papous dans la tête-, c'est Hans Henny Jahnn.


Enfin quels projets en cours?
La parution du tome 2 des Plumes 2 bien sûr. Et puis d'autres projets , oui, car en tant que scénariste, on est obligé d'écrire des scénarios deux ou trois ans à l'avance le temps que ce soit dessiné, coloré, imprimé. Je travaille sur un petit format avec Fanny Dalle Rive: ce sont des histoires en huit cases qui traitent de situations sexuelles comiques, de choses qui ne tournent pas très bien au lit.

Partager cet article
Repost0
8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 15:42

jpgibratlight.jpgInterview de Jean-Pierre Gibrat /Propos recueillis par Julie Cadilhac -Bscnews.fr/ Faut-il présenter Jean-Pierre Gibrat et énumérer la liste des albums qu'il a réalisés pour de nombreuses maisons d'édition reconnues dans la bande-dessinée mais aussi pour la presse? L'expérience empirique s'avère la plus pertinente pour parler d'un dessinateur et scénariste d'un tel talent et nous sommes ainsi ravis de vous présenter de nombreux dessins de l'artiste en partenariat avec la galerie Daniel Maghen. Dans l'entretien qui suit, nous nous sommes concentrés sur Le Sursis, Le Vol du Corbeau et les deux premiers volets de Matteo ; nous avons ainsi pris rendez-vous avec l'Histoire de la première moitié du XXème siècle !
Ouvrir un album scénarisé et dessiné par Jean-Pierre Gibrat déclenche une émotion dense, pétrie de nostalgie, qui ne tarit pas jusqu'à la dernière page. Les visages qui s'y promènent sont touchants de vérité tant l'auteur sait représenter avec justesse et sensibilité ce je ne sais quoi qui flotte dans les souvenirs. Et pour ne citer qu’eux: Cécile et Jeanne captivent le lecteur, noyé dans le bleu de leur regard, séduit par la grâce sensuelle et l'espiègle intelligence qu'elles baladent dans leur sourire ou le froissement de leur jupe tandis que Julien, François et Matteo, au menton saillant et à la générosité chevillée à l'âme ont le profil des garçons d'ici-bas que l'on a envie spontanément d'étreindre. S'ils évoluent au coeur de l'Histoire, les personnages de Jean-Pierre Gibrat en sont des acteurs souvent simplement par nécessité mais qu'ils soient confrontés à la guerre, à la révolution ou qu'ils doivent se cacher durant l'occupation, leurs gestes restent empreints de bienveillance et d'humanité et l'amour, en suspens, électrise leurs heures . Si le dessin suffit à conquérir le lecteur,le scénario en outre est mené avec intelligence et brio tant il entremêle l'Histoire et les histoires de façon captivante. La narration offre des scènes mémorables: sur les toits de Paris, dans les rues de Pétrograd en révolution ou au creux de la cabine d'une péniche qui tangue joyeusement sur les canaux de Paname. La prose de Jean- Pierre Gibrat , elle, est peuplée de métaphores judicieuses qui savent décrire la faiblesse humaine face à la force dévorante de la guerre ou la puissance d'une révolution en marche et s'y cachent de nombreuses phrases exquises d'un auteur qui a le sens de la formule! Rencontre avec un Grand Monsieur de la bande dessinée française pour lequel on ne devrait jamais avoir de problème de conjugaison avec le verbe aimer!

D'où est né votre goût pour l'Histoire?

J'ai un intérêt particulier pour l'Histoire du XXème siècle et mes grands parents étaient militants sous le Front Populaire... ça a du y contribuer, forcément.


Diriez-vous que l'Histoire est un formidable Ouvroir de Littérature Potentielle? qu'elle crée des ressources inépuisables pour l'imagination?

  L'Histoire est porteuse de choses surprenantes qui dépassent la plupart du temps l'invention; c'est une matière qui est d'une telle richesse qu'on ne peut qu'être tenté de s'en inspirer. Dans mes histoires, l'Histoire est toujours présente mais comme une toile de fond, c'est le cadre. Les moments un peu spectaculaires de l'Histoire révèlent les caractères, obligent à être dans l'exception: exceptionnellement médiocre ou exceptionnellement magnifique.


Le Sursis et le Vol du Corbeau se déroulent durant l'Occupation...maghen.jpg

Justement pour ces raisons-là! C'est une période qui oblige les hommes à se révéler tels qu'ils sont. On ne peut plus se cacher, il y a des choix obligés à faire - pas pour tout le monde, c’est vrai, mais pour certains qui sont confrontés à des situations où l'on ne peut pas se permettre de se cacher derrière un discours et d'agir. Si quelqu'un frappe à votre porte et vous demande l'asile, il faut dire oui ou non et se décider tout de suite....


Et pourtant Julien se cache, ne prend pas vraiment part à l'Histoire...

Il se cache ,oui, mais mon objectif n'était pas de montrer des hommes d'exception mais le caractère humain dans des moments d'exception.


Le Sursis se déroule à la campagne tandis que le Vol du Corbeau se déroule à la ville. Etait-ce prémédité à l'avance, ce changement de cadre?

Non, pas du tout! Le premier à la campagne s'est imposé parce que c'était une histoire que je portais depuis longtemps et du coup, lorsque j'ai décidé de faire un autre album sur la même période , j'ai eu envie de changer de cadre.

 

Le Vol du Corbeau commence avec Paris sur les toits, un moment superbe et presque romantique à ciel ouvert...plus tard, Jeanne et François se réfugient dans une péniche...

Oui, il y avait une envie de ces toits de Paris pour la question graphique, évidemment. Quand on est son propre maître d'oeuvre, on peut se permettre toutes les envies autant du point de vue de l'histoire que du cadre. Quant à la présence des canaux et de l'épisode de Jeanne et François sur la péniche, ça vient de loin. Des années auparavant, j'avais loué une petite péniche pour remonter les canaux et je m'étais dit que c'était un monde tellement à part qu'il faudrait un jour que je l'intègre dans une histoire. Dans le Vol du Corbeau, je me suis trouvé confronté à un problème de récit, je me demandais où pourrait se cacher Jeanne et je voulais un endroit un peu atypique ( pas un grenier ou une cave..) et j'ai pensé à la péniche et là c'était l'occasion rêvée! C'est marrant comme parfois on porte des envies comme ça et elles éclosent à un moment donné comme des évidences. L'épisode des toits comme le monde des mariniers, ça a beaucoup de charme forcément.sursis.jpg

 

Vous semblez apprécier les fins pathétiques....or le Vol du Corbeau s'achève sur une note d'espoir: est-ce un moment de faiblesse du scénariste qui a eu un peu pitié de ses personnages?

 Alors figurez-vous qu'au début la fin était un peu radicale elle aussi et puis autour de moi, on m'a dit "attends, tu ne vas nous faire le même coup à chaque fois"(rires). C'est vrai que j'avais une façon un peu désinvolte d'élaguer les personnages et je me suis dit qu'il ne fallait pas que j'en prenne l'habitude et que le lecteur finirait par s'en lasser certainement...

 

Le Sursis, c'est une année volée au destin? Une année innocente après laquelle la mort reprend ses droits? Ne quitte-t-on pas un peu le réalisme ici? Pèse en effet une fatalité terrible...il y a un côté tragédie grecque, non?

Il n'y avait pas là de préméditation mystique là-dedans.C’est juste l’idée d’une mécanique face à laquelle on est impuissant. Cela arrive dans la vie ce genre de paradoxe : des gens ont pris des risques terribles toute leur vie et c'est le truc le plus minable ou anecdotique qui leur tombe sur la tête alors qu'ils ont provoqué souvent le destin. C'était plutôt l’idée du hasard qui fait que parfois il arrive des choses très curieuses et l'on a l'impression que c'était écrit.

 

Côté sentimental, si l'on regarde vos albums, on a l'impression qu'il y a une évolution dans les relations qu'entretiennent les personnages amoureux: Julien et Cécile vivent un amour pur et réciproque, Jeanne et François sont un couple plus moderne avec des distorsions de points de vue et des relations antécédentes quant à Matteo, ses relations avec les femmes sont multiples et compliquées...

( Rires)...Pour Matteo, il y a un peu la même idée que dans le Sursis: ce n'est pas vraiment le destin mais le fait qu'on fait au mieux par rapport aux circonstances. Matteo s'était mis en tête de vivre une histoire avec Juliette plutôt tranquille et installée et ce sont les évènements qui vont le balloter un peu.. Matteo est un album plus violent, plus engagé...
Plus noir. A part à la fin, dans le Sursis, il y a quelque chose de sifflotant tout le long. Matteo, lui, on sent qu'il porte des valises plus lourdes...

 

La nostalgie est présente dans Matteo mais elle semble desservir le personnage, le conduire à sa perte..


Mais ce n'est pas fini Matteo! Non! il ne va pas finir au bagne! On va le retrouver à l'époque du Front Populaire; il y a un gros break et l'on retrouve dans un nouvel album pour les 15 jours de congés payés des français..

 

Pourquoi avoir imaginé un récit se déroulant pendant l'Occupation avant de vous pencher sur la guerre de 14-18?


Le Sursis, c'est la première histoire que j'ai vraiment scénarisée- avant je travaillais avec d'autres scénaristes. J'avais axé mon projet du Sursis autour de la période de l’occupation et autour d'un lieu précis. Ce qu'on me proposait par ailleurs ne m'enthousiasmait plus ,ou en tous cas de moins en moins, j'avais quarante ans quand j'ai écrit le Sursis et ça faisait vingt ans que je dessinais donc je me disais, bon maintenant si tu veux vraiment mouiller le maillot et mener un projet tout seul, c'est le moment! Ce Sursis , c'était la résultante de plein d'envies qui ont germé au fur et à mesure des années; cette histoire se déroule à cette époque-là pour de nombreuses raisons...Sur l'occupation en Province, en Aveyron, j'aurais pu en écrire davantage parce que j'avais plein d'anecdotes qu'on m'avait racontées et que je n'ai pas pu mettre dans le Sursis. J'avais une matière première qui me touchait et qui correspondait à une période qui me fascinait. Je suis né en 54, c'est à dire dix ans après la guerre et dans ma génération, tout le monde s'est posé au moins une fois la question «qu'est ce que tu aurais fait, toi, si tu avais vécu à cette période?». Et le Sursis, c'était aussi une façon d'y répondre mais sans le faire version héroique: finalement Julien n'est pas très loin de la façon dont je me serais comporté, moi...c'est à dire qu’il aurait vraiment fallu que je sois coincé pour me planquer et qu’il aurait fallu que je sois encore plus coincé pour me mouiller, ce qu'on fait plus de 90% des français d'ailleurs. On a souvent fait croire aux gens que les français étaient du côté de la collaboration ou du côté de la résistance alors que la vérité était beaucoup plus simple que ça. La plupart des français ont attendu que ça se passe et on ne peut pas leur en vouloir parce que leur premier souci c'était de survivre ( de ne pas crever de faim, de froid)...après, les grandes idées, c'était du luxe. Les gens qui s'y sont confrontés l'ont souvent fait parce que certaines situations les avaient contraints à faire un choix radical.

 

Gibrat-MatteoT2-couv-octobre2010.jpgDes deux grandes guerres, on voit une longue pause ensoleillée pour l'Occupation ( très peu noircie d'évènements malheureux) tandis que vous montrez l'enfer terrible des tranchées dans Matteo...

De la guerre de 14, tous les témoignages que j'avais venaient de la littérature ou de documents. Mon grand-père avait fait la guerre de 14 mais on n'en a jamais parlé et j'étais jeune quand il est mort mais ce qui était incontournable, c'est qu'on a broyé toute une jeunesse, qu'ils se sont faits labourer le corps et l'esprit et que c'était une horreur absolue; ça ne pouvait pas être autre chose que ça quand on se retrouvait sur le front alors que la guerre en 1940 dans l'Aveyron, c'était plus près de Marcel Pagnol quand même. Déjà parce qu'ils avaient à manger et qu'ils pouvaient se chauffer! Dans le village que je dépeins, qui est un village qui existe mais que j'ai un peu maquillé, je sais qu'ils n'ont pas vu un allemand de la guerre; ils sont passés à un km au pied du village et encore c'étaient pas vraiment des allemands mais des troupes d'occupation (dont des croates...). Ils n'ont pas souffert pendant cette guerre à part ceux de la famille qui ont été faits prisonniers ou ont été tués mais le quotidien ressemblait au quotidien d'avant-guerre. Alors que même les ouvriers qui travaillaient dur dans une usine, sur le front pendant la guerre de 14, c'était pas tout à fait comparable! A tel point que l'arrière ne comprenait pas les soldats et réciproquement. Les gens qui vivaient à 200 kms de la ligne de front vivaient normalement et une incompréhension s'était placée entre les deux.

 

Le vrai sujet de ces albums, ce sont les histoires d'amour entre Jeanne et François, Cécile et Julien, Matteo et Juliette?

L'objectif du Sursis, par exemple, c'était surtout de voir battre le coeur d'un village derrière une jalousie? Oui... ces cadres exceptionnels, qui poussent les gens dans leurs retranchements, montrent leurs réactions quand ils sont au pied du mur. L'objectif n'est pas de raconter cette période-là de façon pédagogique.

 

Vos textes sont sculptés, ciselés...et vous utilisez beaucoup notamment la figure de style de la personnification pour évoquer la guerre ou la révolution: pourquoi?


Ça, ça m'échappe un peu mais il faut que j'y fasse attention parce que j'utilise beaucoup de métaphores et que c'est un vice de mon écriture. Il n'y a pas de volonté consciente, c'est plus un tic d'écriture.

 

J'ai relevé quelques unes de vos phrases: "Il avait le pessimisme flottant", "l'amour au quotidien, c'est la Beauce", "les révolutions, c'est la guerre avec des prétentions d'idées" "le problème avec le verbe aimer, c'est la conjugaison"...vous avez le sens de la formule!

Je pense que ce sens de la formule, c'est plus un héritage de la famille. Le personnage de François, par exemple, me fait penser à un de mes oncles qui était coiffeur. Ce qui m'intéressait dans ce personnage , c'était de montrer que la générosité n'est pas souvent la volonté de la personne ; ainsi, cet oncle-là, sur lequel j'ai calqué le personnage de François, est quelqu'un qui ne revendiquait absolument pas d'être généreux, il s'en moquait complètement et dans son discours, il affichait un individualisme redoutable,un peu à la manière de ce qu'on appelle les anarchistes de droite genre Audiard ou Blondin; il était sorti de l'école à 11 ans mais par contre il avait le sens de la formule! J’imagine que j' étais un peu imbibé de sa personnalité.. Je me rappelle par exemple qu'avec cette oncle plutôt de droite alors que moi j'étais alors militant PC, on s'entendait très bien alors qu'on avait des idées opposées et la mauvaise foi et l'effort pour arriver à coincer l'autre devenaient un jeu plus qu'une question de conviction. En fait,c'est quelque chose que je fais aussi au quotidien, l'utilisation de ces formules...

 

Vous semblez avoir beaucoup d'affection pour les personnages secondaire: Gervasio l'amoureux du possible ou encore Amélie l'infirmière..

Je le tiens du régal que j'avais pour les personnages du cinéma français des années 30 à 60 qui n'ont fait carrière qu'avec des seconds rôle , qui restaient dans cette modestie et à qui, pour beaucoup, on n’a jamais confié un premier rôle. Certains seconds rôles sont devenus des premiers rôles comme Jean Pierre Marielle, Jean Rochefort, sont devenus des stars ensuite alors qu'un peu avant, certains acteurs sont restés des seconds rôles toute leur vie comme Robert ou Carette et ils étaient connus de tout le monde et tout le monde les aimait; ils avaient ces seconds rôles colorés avec beaucoup de présence. Dans mes histoires, j'aime aussi donner de la place aux personnages secondaires et d'ailleurs si j'en avais plus, j'en mettrais encore davantage! Par exemple dans le 1er Matteo, il y a un personnage qui s'appelle Eugène et que je n'ai pas pu rajouter dans le tome suivant mais il me plaisait bien ,celui qui dit que "L'amour au quotidien, c'est la Beauce".

 

Dans Matteo, trois personnages secondaires féminins très différents sont présents selon les mois auprès de Matteo: Léa la libérée et la révolutionnaire, Amélie l'amie chaste et complice, Juliette l'amour impossible...

Pour Léa, je me suis appuyée sur Alexandra Kollontaï, un personnage un peu majeur de la révolution russe; c'était une femme moderne qui avait une vie et des moeurs complètement en décalage avec son époque, qui avait des amants plus jeunes qu'elle et qui les collectionnaient. C'était une femme hyper affranchie et très féministe et qui a fait avancer les choses, au tout début, parce qu'après tout est devenu d'une raideur totale et complètement figé dans le marbre. Alors qu'au début, la révolution est partie dans tous les sens ( même dans l'art ou la littérature d'ailleurs) jusqu'à ce que le réalisme soviétique, plus tard, dix ans après, coupe les ailes à tout ça. Mais cette période-là était quand même une période d'ouverture et ces personnages qui voulaient faire avancer les choses ont pu exister. Alexandra Kollontaï est devenue commissaire du peuple à l'époque de Lénine, la première femme au monde à faire partie d'un gouvernement. C'était donc un personnage qu'il m'amusait de dépeindre face à ce garçon sympathique qu'est Matteo. C'est un visage de la révolution dans tous les domaines: l'hypocrisie, la morale, c'était pas vraiment son truc...

 

Le personnage de Juliette est également très particulier, difficile à cerner...


Oui. Vous allez le voir d'ailleurs par la suite (rires). J'essaie d'avoir une cohérence par rapport à mes personnages. Juliette est une jeune femme qui a toujours rêvé de faire partie du monde de ce château à côté duquel elle a grandi et qu'elle côtoyait parce que sa mère était servante. On voit ce genre de comportement dans la vie; J'ai vu ça dans ma propre vie...même ma grand-mère qui était militante communiste, elle avait un côté midinette et avait regardé le sacre de la Reine d'Angleterre comme une gamine! Il y a donc cette fascination pour le faste et en grandissant, souvent, les choses évoluent et l'on va voir que pour Juliette ça évolue un peu aussi..

 

Si l'on parle de votre trait maintenant: partez-vous de modèles existants pour vos personnages ou votre seul support est l’imagination?


Je m'inspire de visages réels. D'ailleurs le personnage d'Amélie s'inspire d'une vraie personne . La relation qu'entretient Matteo avec Amélie est d'ailleurs très proche de celle que j'entretiens moi-même avec cette personne. C'est un peu atypique mais je me suis dit pourquoi pas me servir de ça dans une véritable histoire. Je me sers de beaucoup de choses que j'ai soit observées soit un peu vécues. C'est la meilleure façon d'être cohérent.

 

De quoi vous êtes-vous inspiré pour représenter une scène d'attaque ou la vie dans les tranchées? de photos et de films de l'époque?

Pour les scènes d'attaque, on ne voit pratiquement rien à part des gerbes d'étincelles ou des gens qui cavalent dans tous les sens; c'est plus au cinéma que l'on voit ce genre de mise en scène descriptive, où l'on a le parti pris de cadrer les gens serré etc..les reportages de guerre ne sont jamais comme ça, ils ne peuvent pas , les caméramen prennent des projectiles dans tous les sens, ils filment de loin, au ras du sol et se planquent en même temps.Pour les tranchées, on a beaucoup de documents disponibles, de photos, mais on ne reprend jamais une photo telle qu’elle parce qu'on ne trouve jamais celle qui vous convient complètement par rapport à l'histoire. Par contre pour les attitudes, les photos influencent terriblement. Le seul regret que j'ai , ce que j’ai dessiné est presque encore trop esthétique et si je devais le refaire, je le travaillerai de façon encore plus réaliste.

 

Techniquement, vous travaillez avec quels outils, quelles matières?

J'utilise de l'encre et souvent du stylo bille ou des feutres qui ne partent pas à l'eau. Quelquefois de l'encre de chine ou des crayons très gras.Je me permets un peu toutes les fantaisies...

 

Si vous deviez citer des mentors côté littérature, lesquels serait-ce?

Paradoxalement, je n'ai pas lu tant que ça. J'ai peut être plus de culot en écrivant parce que c'est vrai qu'on est moins complexé quand on lit moins peut-être. Si je devais n'en citer que deux, je dirais Maupassant et Céline. C'est amusant parce qu'il y en a un qui est dans le classicisme le plus total et l'autre dans le débridage absolu.... c'est donc quand même un spectre assez large! Plus particulièrement sur la guerre de 14, j'ai découvert un livre qui s'appelle Ceux de 14 de Maurice Genevoix qui est une merveille, il y aussi La peur de Gabriel Chevallier qui est magnifique. Il y aussi un dont j'ai entendu parler dans les Entretiens avec Robert Mallet qui sont formidables, c'est Alexandre Vialatte, c'est un chroniqueur dans la montagne qui a écrit des choses merveilleuses.

 

Et côté illustration ?
Un peintre qu'on ne cite pas assez et qui se nomme Carl Lansson: il fait de l'aquarelle aurait très bien pu faire de la bd tant il a un trait très présent...j’adore aussi un peintre espagnol ,Sorolla, son travail sur la lumière. Après il y a les impressionnistes. Enfin, je veux dire Monet et rien d'autre. J'aime pas Renoir en fait! Ah il y aussi un caricaturiste qui s'appelle Jean Mulatier et qui a dû être ma toute première influence. Il y en d'autres évidemment comme Hugo Pratt, Tardi....

 

Pour finir, en 2012 , vous travaillez sur la suite de Matteo à l'époque du Front Populaire?


Voilà!  et après il vivra la Guerre d'Espagne. Ce personnage, qui a été élevé dans le pacifisme avec un père anarchiste, se retrouve finalement dans tous les coups durs de la première moitié du vingtième siècle ( rires)


Actualités:

Du 15 juin au 30 septembre  2012 à la Maison de la Bande Dessinée à Bruxelles, une exposition sur le travail de Jean-Pierre GIbrat

 

Pour lire l'interview de Jean-Pierre Gibrat dans le magazine d'avril 2012

Partager cet article
Repost0
7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 13:35

518719625.jpgInterview de J.C Deveney et Loïc Godart/ Propos recueillis par Julie Cadilhac-Bscnews.fr/ Bang! Comme une détonation de flingue qui vient exploser le tympan! Bang! Comme un avertissement:  ne vous fiez pas qu’au titre! c’est un polar farouchement romantique! D'ailleurs, Jean-Christophe Deveney (au scénario) et Loïc Godart ( Scénario et Dessins) précisent en sous-titre " à l'amour à la mort"! Bang! Bang! Comme un coeur qui bat la chamade!

Bang ! c’est l'histoire d'une ex-bande de paramilitaires givrés qui s'offrent des retrouvailles sanglantes après la mort de leur mentor.  Voici venue l'heure de régler ses comptes et de se balancer au visage, entre deux tentatives de meurtre, quelques vérités qui font mal. Un récit où les pneus crissent, où les pare-brises s'engloutissent tête la première dans les canaux et où les Madones portent au creux des épaules des tatouages bien mystérieux...A l'occasion de la sortie imminente du second tome, J.C Deveney et L. Godart répondent  à toutes nos questions sur cette bd pertinemment singulière à la mise en scène bien calibrée.

Comment est née l'idée de cette fratrie  singulière de soldats liés à la vie à la mort ?
Loïc : L’idée est venue lors d’un voyage en voiture Lyon –Angoulême, on devait retrouver là-bas les éditions Akileos, pour parler du projet, nous avions déjà posé quelque jalons, et nous savions que nous voulions faire un récit d’action et que ça se passerait en Russie,  à partir de là, l’idée de faire une succession de duels est venue et la « fratrie » s’est mise en place.
Jc : Les kilomètres à travers le massif central enneigé ont bien aidé en effet. Et pour ce qui est News-Bang-2-CouvKatinka.jpgdes jalons, nous avions envie de mettre en scène une série de combats au travers desquels les personnages se révèleraient. On était ainsi au départ plus proche d’un sérial, dans l’esprit film de vengeance, avec Madone qui retrouve et élimine tous ses anciens partenaires. Evidemment, cela sentait fortement le déjà-vu avec jolie actrice en jogging jaune. Et puis nous avons commencé à tourner autour de la Russie et de ce côté âme slave, capable de mélanger si facilement désespoir et légèreté. Et l’idée d’un groupe d’anciens commandos s’étant fait la promesse de se retrouver pour s’entretuer est arrivée.

 


Pourquoi avoir choisi de commencer par la fin de l'histoire justement?
Loïc : Rapidement ce qui nous a semblé le plus intéressant, c’était de voir ces personnages déjà cabossés par la vie, même si on ne connaît pas avec précision le parcours de chacun, ça permettait de leur donner d’avantage de gueule, de vécu.
Jc : Oui, et on les découvre ainsi à un moment critique de leur existence. Ils ne leur reste que quelques heures avant de mourir. ça a un côté tragique. Et en même temps, ils l’ont choisi et s’y rendent plus ou moins en connaissance de cause. ça renvoie aussi à la confrontation avec la mort, un moment où l’on se révèle forcément.


Saura-t-on plus tard qu'est-ce qui liait ces soldats dont les agissements s'apparentent à ceux des mercenaires?
Loïc : Dans l’album, on évoque un pacte, c’est une réminiscence des histoires de chevalerie ou de samouraïs, une sorte de code d’honneur relie ces personnages, c’est un peu un « un pour tous tous pour un » quelque chose qu’ils ne retrouvent pas en retournant à la vie civile.
Jc : On y a songé un moment, pour une suite éventuelle : mettre en scène la rencontre, la formation du groupe et ce qui les avait conduits à formuler ce pacte. En même temps, avec une telle histoire on s’éloignait de l’esprit Apocalypse déglinguée du premier Bang et on basculait plus vers de l’histoire de soldats. ça aurait pu être intéressant mais je crois que ce n’est pas ce qu’on avait le plus envie de raconter au moment où on s’est lancé dans  le tome 2.


bd.pngLe cadre spatio-temporel est-il délibérément vague? On est en Russie, on arrive jusqu'en Mongolie..?
Loïc : Voilà, c’est un une sorte de grand road movie, qui correspond également à la manière dont nous avons écrit le scénar, en voiture donc, avec des prises de notes dans différentes stations service.
Jc : Même chose pour la temporalité. On ne voulait pas placer le récit précisément dans le temps. Ca pourrait aussi bien se situer dans le passé que dans un futur proche. Et ce qui est intéressant dans la Russie, c’est l’image de ce continent géant en déliquescence qu’elle véhicule. A un moment, on avait même envisagé une scène dans les alentours radioactifs de tchernobyl. Mais on a renoncé aux mutants irradiés.


Au cœur de Bang 1, quelques pages de pause où l'on trouve des articles divers (scientifiques, extraits de blog radios..).. par volonté de distiller quelques indices aux lecteurs? Syndrome de Hook? Tatouage de Madone macabre?
Loïc : C’est un peu ça, c’est un petit bonus pour aller un peu plus loin dans l’univers de bang et de ces personnages....
Jc : On avait passé du temps à construire les personnages, même si cela n’apparaît que par bribes dans l’album. Et c’est vrai que certains éléments n’avaient pas trouvé leur place dans le récit. Du coup, ça a été l’occasion de s’amuser à creuser un peu les persos, tout en jouant sur d’autres formes.


Dans cet univers extrêmement violent et jonché d'armes, une ancienne bonne soeur réussit, seule, à éviter  l'élimination complète du groupe...on a du mal à imaginer que c'est pour des raisons de moralité, non?
Loïc : Tous les personnages sont revenus à la vie civile et chacun a fait un peu ce qu’il a pu, disons que c’est la seule à s’être dirigée dans une voie plus spirituelle, mais elle n’est pas en reste non plus et manie plutôt bien la kalach’ également. Et ce n’est pas si sûr qu’elle s’en sorte bien mieux que les autres…
Jc : En effet, le personnage de Madone est moins là pour l’aspect moral que pour le côtébang.png carcéral de la vie religieuse. Les nonnes vivent enfermées, repliées sur elles-mêmes dans une recherche de Dieu. Surtout, elles ont renoncé à la maternité physique et je trouvais intéressant  que Madone porte cela sur ses épaules au moment de se confronter à sa fin.

Bang.... c'est aussi l'envie de raconter une love story dans un univers trash?
Loïc : Ah mais l’amour, il est partout  et pourquoi pas chez de vieux mercenaires!
Jc : Exactement ! Et puis l’amour, c’est aussi l’autre grande partie du message religieux... Bon, évidemment, Madone a tendance à l’asséner à coups de fusil à pompe, mais ça rentre mieux dans les esprits. Surtout, j’aime beaucoup le mélange de genres très codifiés. Ca me semble une bonne manière de mettre en place des histoires un peu originales et surprenantes.


Pourquoi l'utilisation d'un filtre sépia sur l'ensemble des vignettes?
Loïc : Eh bien, vu que le récit est très haché puisque nous passons d’un duel a un autre, ça permettait de donner une cohérence graphique au bouquin, une couleur, le « sépia » lui donne un petit coté vieillot, à l’image des personnages.
Jc : Et ça renforce bien le côté déglingué de l’histoire. On est sur une ambiance rouille décrépite. Un peu comme l’état de la Russie dans les années 90, après la chute du mur.


Imaginer le physique de  personnages atypiques ,car brisés et abîmés physiquement, c'était un vrai plaisir d'illustrateur?
Loïc : Oui, c’est très agréable, et  ça permet d’avoir une plus grande liberté, on peut leur rajouter des creux et des bosses, des dents en moins … au niveau de la caractérisation de chacun, ça donne plus de liberté que de jeunes hommes et femmes tout frais sortis de l’école militaire.
Jc : Remarque qu’il y a sûrement moyen de s’amuser aussi avec des profils acérés de jeunes gradés arrivistes… ça me fait penser à Angel Face, d’ailleurs, célèbre méchant dans Blueberry, au visage tout poupin. En même temps, je crois qu’il finit la gueule cramée dans une chaudière de loco…


Katinka, notamment, est défigurée tant elle a subi des mutilations.... réellement dues à la chirurgie esthétique? ...saura-t-on, par la suite, sa véritable histoire?
Jc : Oui, même si toutes les coutures de Katinka ne sont pas dues qu’au bistouri, il y en a un bon paquet. Le fait d’en faire une addict de chirurgie esthétique était aussi une manière d’aborder sous un autre angle la question du temps qui passe et de comment on fait face à lui.
Loïc : Nous sortons effectivement un deuxième opus de Bang, dans le courant du moi de mai, qui lui sera consacré, on revient moins sur l’histoire de chacune de ses cicatrices visibles, que sur celles qu’elle a l’intérieur d’elle, de façon plus intime.


Bientôt un Bang 2 donc ....alors que le premier tome a supprimé quasi tous les protagonistes... Doit-on s'attendre à une vengeance de zombies soldats? Un règlement de compte d'amants passionnels?
Jc : J’aime bien les zombies (lisez Walking Dead) mais disons qu’on va éviter de surcharger le rayon bd à base de viandes plus ou moins fraîches qui est déjà pas mal encombré ces derniers mois. En revanche, de la passion, c’est sûr ! Ca doit être notre côté grands sentimentaux. En tout cas, ça se passera avant le premier Bang ! et on découvrira l’histoire de Katinka, et celle d’un vieux flic paumé qui vit reclus dans une cellule de son commissariat avec pour seule obsession de la retrouver.
Loïc : Après avoir fini le Bang 1, on a dû mal à lâcher définitivement les personnages. En même temps, on ne se voyait pas les reprendre tous dans un prequel. Et puis on s’est rendu compte que c’était surtout l’univers qui nous plaisait bien et qu’il pouvait nous permettre de raconter d’autres histoires sur des modes et des tons différents.

Y-aura-t-il un bang 3? un bang 4? Les coups de kalash peuvent-ils s'arrêter de ventiler des cervelles au plafond..?
Loïc : C’est le public qui décidera de la suite de bang ! Chaque album est un one-shot  et a son identité propre.  Le second tome sera moins « grand guignol » par exemple, plus sombre, plus polar. Pour le reste, on verra bien… pas de pression de ce côté-là. Nous n’avions déjà pas prémédité d’en faire un second ....alors 3 ou 4 !
Jc : Les coups de kalash peuvent ventiler des cervelles dans plein d’endroits possibles : les buffets, les halogènes ou même les congélateurs.
Du coup, on verra bien où tout cela finira par nous amener.


Titre: Bang
Editions: Akileos
Prix: 14 €

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 13:45

catherine meurisseInterview de Catherine Meurisse/ Propos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Catherine Meurisse est illustratrice et dessinatrice de presse, notamment pour l'hebdomadaire satirique: le Charlie Hebdo. Elle nous présente un de ces ouvrages publiés aux Editions Sarbacane dans lequel elle rend un hommage personnel à la littérature, ses auteurs et ses héros. Un ouvrage aussi drôle que passionnant qui devrait figurer dans toutes les bibliothèques!

 

Pourquoi ce livre? Est-ce un coup de gueule contre une société qui ne lit plus?
Non, ce n'était pas un coup de gueule, même si constater que la société ne lit plus me désole… Au départ, c'est une envie personnelle de réunir ce que j'aime passionnément : la littérature et le dessin. L'idée de faire cela sous une forme didactique m'est venue naturellement : habituée à feuilleter des manuels de littérature pour y glaner des citations ou des fragments de vie d'auteurs, j'étais décidée à faire un "Lagarde et Michard" en BD ! mais en moins sérieux.

Quelle idée avez-vous à propos des Français et de la lecture aujourd'hui? Pensez-vous qu'il faut s'alarmer ou être confiant?
Le constat est implacable : les gens lisent moins. Lire prend trop de temps, lire demande un effort de concentration que la société de consommation ne permet plus. Aujourd'hui, on n'accepte pas de lire un roman plus long qu'un post sur Twitter !
Mais je crois qu'il y aura toujours des personnes capables de résister et de transmettre ce goût de la résistance. Comme il y aura toujours - j'espère ! - des éditeurs capables de produire à contre courant, de publier des livres intelligents d'auteurs indomptables. Mais là, je me force à être optimiste, car je crains vraiment les dégâts du capitalisme sur laCOUV-Mes-hommes-de-lettres-WEB.jpg culture.

Comment avez-vous choisi les auteurs qui hantent cette bd? Hasard des rencontres, coups de coeur ou conséquences de recherches historiques et littéraires?
Les auteurs de l'album sont ceux dont l'histoire et les œuvres m'étaient familières depuis longtemps : j'aime Flaubert comme un ami proche, j'admire la vie de George Sand, je peux inlassablement dessiner de mémoire Victor Hugo avachi sur les rochers de Jersey… Il y a aussi des souvenirs de lycée (Racine, dont l'étude m'avait passionnée), ou de fac de lettres (Du Bellay, Rabelais…). Et des coups de cœur qui datent de l'enfance, comme le Roman de Renart.

L'objectif était de rendre accessible la littérature, et surtout à ceux qui ne lisent pas? Au final, avez-vous surtout été applaudie par ceux qui lisent?
Oui, ceux qui lisent ont été le premier public. Mais ils ont su donner envie à ceux qui lisent moins : des professeurs ont utilisé l'album dans leurs classes, des parents l'ont conseillé à leur enfant candidats au bac de français… La réception du livre a été étonnante. A chaque fois que je fais un livre, je me dis que mes sujets sont trop littéraires pour être "bankables" ; quelle surprise alors de voir qu'un public aussi varié ait pu s'intéresser à mes salades !!

Vous manipulez l'anachronisme de façon savoureuse: pour rendre accessible le passé, l'insertion de références contemporaines est-elle, selon vous, essentielle?
Non, elle n'est pas essentielle, et je crois d'ailleurs que l'anachronisme n'abonde dans l'album. Disons que l'anachronisme est présent dans le principe même du livre, dans son parti pris global, dans ce choix de résumer la littérature en s'amusant. Mais plus que d'anachronisme, je dirais qu'il s'agit de décalage, de burlesque… Je crois aux vertus de l'humour ! Humour et vulgarisation font bon ménage. Reste à beaucoup travailler pour produire de bons gags…

Diriez-vous que vous souhaitiez dépoussiérer la littérature?
Non, ce serait présomptueux ! D'une part, j'ai voulu partager des joies de lecture personnelles, et d'autre part, j'ai décidé de m'attaquer à des grandes figures, dont certaines me faisaient peur. Montaigne et Céline, par exemple, m'impressionnaient. C'est en réalisant cette BD qu'ils m'ont paru accessibles… Je les ai mieux lus depuis.
Mes-hommes-de-lettres-p107-WEB.jpg

Dessinatrice de presse pour le Charlie Hebdo, cet ouvrage a-t-il été aussi l'occasion de vous approprier l'histoire de la littérature française ? Etiez-vous de ceux qui ne lisent pas trop? Préfériez-vous les dessins aux mots?
J'ai toujours été une "visuelle" : quand j'étais petite, j'adorais dévorer la bibliothèque de mes parents dans sa totalité, rien qu'en me plantant devant les étagères, scrutant chaque dos de livre avec intensité. C'était une façon spéciale de lire
Ma culture littéraire a précédé celle des arts. Et je n'ai jamais séparé les arts de la littérature, c'est à mes yeux indissociable. D'ailleurs, j'étais malheureuse en fac de lettres car on n'y parlait pas assez d'art, et lorsque je suis entrée dans des écoles d'art, les cours de lettres me manquaient ! J'ai réuni ces deux passions dans mes bouquins.
Quant à Charlie Hebdo, j'avais publié une BD littéraire (Alexandre Dumas, causerie sur Delacroix) avant même d'y entrer. C'est d'ailleurs mon style de dessin "littéraire" qui a plu à l'équipe.

Avez-vous fait cavalier seul pour dénicher les anecdotes littéraires qui parsèment votre récit? Avez-vous consulté des spécialistes universitaires de chaque siècle?
J'ai tout fait avec mes bouquins, mes impressions et mes souvenirs ! Si j'avais consulté des spécialistes, je me serais perdue : la tâche m'aurait semblé immense. En ne quittant pas mon jardinet d'auteurs, je n'ai pas vu que le sujet de ma BD était finalement ambitieux.

De l'anecdote à la mise en page...comment vous est venue l'idée par exemple du Minotaure qui suggère à Racine sa pièce sur Phèdre?
J'ai toujours lié l'histoire de la littérature avec celle de l'image : je ne peux lire un classique sans me représenter les arts de son époque. Pendant l'élaboration du chapitre sur Phèdre, tous les mythes grecs se bousculaient au portillon : il suffisait de se pencher pour trouver une idée de dessin !


Dans chaque siècle, vous trouvez des  «passerelles» pour enjamber les auteurs et leurs fictions ( ainsi l'urine de Pantagruel devient la rivière devant laquelle Joachim du BellayMes-hommes-de-lettres-p106-WEB.jpg rêvasse...) : est-ce la partie la plus compliquée du travail...ou la plus amusante?
C'est très amusant à faire, d'autant plus que ces associations, ces transitions, viennent naturellement. Quand on regarde les auteurs et leurs fictions de haut, comme vus d'avion, c'est facile de savoir comment les ficeler ou les enjamber.


Vous mélangez l'histoire intime des auteurs et les fictions qu'ils inventent mais il semble que vous faîtes assez peu de place à l'Histoire qui n'apparaît que derrière la perruque de Louis XIV ou le tremblement de terre de Lisbonne... est-ce volontaire?
Oui, c'est volontaire. Il m'aurait fallu beaucoup plus de temps et de place pour enchevêtrer les petites histoires, les moyennes et la Grande ! Le livre aurait été différent, et sans doute moins léger.

Pensez-vous que l'enseignement littéraire et philosophique fait souvent davantage l'impasse sur la biographie des auteurs au profit de l'Histoire?
Je ne sais pas, parce que j'ignore quel enseignement se pratique aujourd'hui. Lorsque j'étais étudiante, on parlait de tout, de l'œuvre comme des hommes, et l'Histoire était toujours en arrière-plan.

Les confessions de Montaigne: le fruit des conseils d'un bon psy? Lancelot indigne d'une quête sacrée car coupable d'adultère? Y-a-t-il une place pour l'imagination de Catherine Meurisse dans Mes Hommes de Lettres? ou faut-il tout prendre à la lettre?
Mes Hommes de Lettres est un savant mélange entre mon imagination et un savoir rigoureux puisé dans les bouquins des autres !

La Madeleine de Proust, la relation Voltaire-Rousseau, les débats des Lumières... comment aborder ces poncifs de la littérature avec originalité ?
En imaginant un petit théâtre et en faisant de Proust, Voltaire et les autres des comédiens. Je me réserve le rôle du souffleur.

La pension Vauquer, c'est :"Vous en avez rêvé, Catherine l'a fait?"?
La pension Vauquer en coupe : c'est la description minutieuse de Balzac associée au souvenir d'une photo de découpe d'un immeuble haussmanien, vue cent fois dans un vieux bouquin quand j'étais petite. Ça provient de ma banque d'images perso !

Mes-hommes-de-lettres-p124-WEB.jpgL'humour, est-ce inné ou ça se travaille?
Les deux !

Auriez-vous des reproches à faire à l'enseignement des Lettres tel qu'on vous l'a dispensé? Une anecdote d'un cours de français particulièrement raté..ou réussi?
Je n'ai aucun reproche à faire, au contraire : j'ai eu des profs de collège et de lycée passionnés et passionnants. Y compris à la fac (de Poitiers), où le doyen nous enseignait l'histoire littéraire comme on lit un conte avant de mettre les enfants au lit.
Une anecdote, à la fac : lors d'un oral de partiel de lettres modernes, la prof qui me faisait passer l'examen, un peu sèche, m'avait reproché d'avoir parlé de Rabelais "de manière tout à fait exacte mais un peu trop cavalière" (elle avait tenu à baisser ma note pour cette raison). Cette "manière cavalière" ne m'a pas quittée : cela a donné Mes Hommes de lettres !

Quel est le secret selon vous d'un bon cours sur la littérature? Humour, diversion et décalage?
C'est difficile à dire car je ne suis pas enseignante et je ne connais rien à la pédagogie ! Je dirais qu'il faut de la passion, de la rigueur, de l'humour… faire comprendre qu'un écrivain peut être un frère, un ami… Je crois vraiment que la littérature, qui sait tout dire, avec les mots ou entre les mots, peut nous sauver.

Enfin, puisque l'on parle littérature: quel est votre livre de chevet ?
La correspondance de Flaubert, qui m'émeut et me fait rire aux éclats.

Votre époque littéraire de prédilection? Le XVIIIème éclairé et provocateur? Le XIXème mélancolique et romantique?...
Pour l'instant, c'est le 19e, parce que j'aime l'histoire de l'art qui y est associée (Delacroix, Gustave Moreau, naissance de l'art moderne avec Manet, etc). Cela changera peut-être en vieillissant.Tous les siècles littéraires sont extraordinaires.

Pour finir, quelles actualités pour Catherine Meurisse?
Je prépare une sorte de suite à Mes Hommes de lettres, mais cette fois-ci je m'intéresse aux ramifications entre littérature et peinture, aux amitiés entre écrivains et peintres. Il sera question que Sand, Ingres et Delacroix, de Proust, des impressionnistes et de Vermeer, de Zola et Cézanne, etc… Sortie prévue en mars 2012 !

Partager cet article
Repost0
20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 15:03
Jean Marie omontPar Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Les éditions Fei sont une  jeune maison d'édition créée par XU Ge Fei, chinoise passionnée par la culture française. Souhaitant multiplier les échanges entre ces deux pays, elle a choisi la bande-dessinée comme support à ce partage de cultures.  Rencontre avec un de ses illustrateurs chinois et son binôme scénariste français, auteurs de La Balade de Yaya.

Jean-Marie OMONT, scénariste
Quelle a été l'impulsion de cette histoire?
Je ne suis pas directement à l’origine de l’histoire, c’est Patrick Marty. Il m’a contacté pour me dire son envie de faire une série pour enfants qui aurait lieu pendant la guerre sino-japonaise. Il m’a donné deux référence : “Le tombeau des lucioles” que j'ai préféré ne pas voir pour l'instant et  “L’empire du soleil”. A partir de là nous avons commencé à travailler.

Pourquoi avoir choisi d'utiliser la seconde guerre sino-japonaise comme cadre de votre scénario?

La guerre vue à travers le regard d’enfants n’est pas chose courante. On se pose la question de l’héritage qu’il faut leur transmettre mais comment faire pour ne pas non plus choquer de jeunes enfants? Fei, l’éditrice, tient aussi à ce que chacun des projets qu’elle développe au sein de sa boîte raconte une part de l’histoire de son pays, la Chine. Pour les gens de sa génération, la guerre sino-japonaise est une plaie encore ouverte, les japonais n’ayant toujours pas reconnu leur responsabilité dans ce conflit La balade de Yayasanglant.

Est-ce typique de la littérature chinoise cette rencontre  entre deux individus de milieux sociaux radicalement différents?

Je ne pense pas que cela soit typique de la littérature chinoise. C’est tout simplement un élément dramatique universel riche lorsqu'on  fait se rencontrer deux personnages que tout semble opposer; cela permet de poser des situations de contrastes forts.

Peut-on qualifier cette bande-dessinée de "manga" ?
Pour être parfaitement honnête, je n’ai jamais lu un manga de ma vie. La seule chose que je sais, c’est que la lecture d’un manga commence par la fin... Je crois que c’est aux lecteurs qu’il faudrait poser cette question!! Personnellement, j'aime bien l'idée que "la balade de Yaya" a son identité propre, de par l'équipe qui la fabrique, composée essentiellement de débutants en BD ( Patrick Marty, Charlotte Girard (directrice d'écriture) et moi même venons du cinéma et Golo travaillait dans l'animation) et aussi par son format atypique.

La balade de YayaEchangez-vous avec le dessinateur Golo Zhao? Imaginiez-vous ainsi vos personnages et les décors qu'il a créés?

Nous échangeons effectivement régulièrement avec Golo, essentiellement par l’intermédiaire de Fei en raison de la barrière de la langue. Pour ce qui est des décors, Golo s’est beaucoup documenté et tout ce qu’il nous propose est très proche de la réalité de l’époque. Pour les personnages, nous lui envoyons une fiche détaillée du personnage tel que nous l’imaginons (son physique, mais aussi et même surtout sa personnalité, ses défauts...). Golo nous propose alors des esquisses sur lesquelles nous demandons parfois des modifications, parfois non et nous avançons comme ça, pas à pas. Il arrive que nous soyons totalement surpris par ses propositions qui vont à l’encontre de ce que nous avions pu imaginer mais que cela soit en fait une très bonne surprise. C’est un vrai travail d’équipe où chacun peut apporter sa touche personnelle quand elle va dans le sens de l’histoire.

Combien de volumes sont prévus pour cette aventure entre Yaya et Tuduo? Quand est prévue la sortie du second tome?
Neuf tomes sont prévus au total. Le tome 2 sortira le 1er juillet et a pour titre “La prisonnière”. Nous nous sommes fixés un rythme de 3 épisodes par an.


La balade de Yaya - bleuGOLO,le dessinateur  traduit du chinois par XU Ge Fei (Editions Feï)
Avez-vous fait des recherches historiques sur Shanghai avant de commencer à dessiner cette histoire?

Oui, j’ai fait énormément de recherches. Notamment d’images, de livres, de documentaires, etc… sur l’histoire de Shanghai.

Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce scénario?
C'est une histoire intéressante et symbolique car elle raconte l’évolution des enfants tout au long de l’aventure et la manière dont ils en sortent grandis. Elle nous fait comprendre également la laideur de la nature humaine et la cruauté de la guerre. Après avoir discuté de ce projet avec le scénariste et la maison d’édition, j’ai été profondément attiré par cette histoire, je voulais la montrer au monde à travers mes mains.

Vos dessins travaillent beaucoup sur les jeux de lumière, Yaya avec sa robe jaune est un personnage lumineux: pourquoi?

La couleur du premier tome n’est pas aussi vive que ce qu’on pense, c’est plutôt une couleur gris-bleu dans l’ensemble. Vêtue d'une robe jaune, Yaya apporte une sensation de vivacité et de fraîcheur. Le portrait de la fille précieuse d’une famille riche ressort pleinement. Cela permet également de la différencier des autres personnages. Les couleurs dominantes du premier tome sont le bleu et le gris, car je pense que c’est la meilleure nuance pour représenter l'atmosphère d'avant-guerre. Et la couleur jaune de la robe de Yaya fait plus ou moins rêver naïvement les jeunes lecteurs : peut-être cette enfant va-t-elle survivre?… Mais Golomalheureusement, lorsqu’elle a été sauvée par Tuduo, la robe jaune de Yaya est déchirée. La fantaisie disparue, la dernière innocence et la naïveté de l’enfant sont brutalement détruites. Ainsi commence l’histoire de Yaya...

Vous colorez ainsi vos planches de nuances dominantes qui varient..... selon les humeurs des personnages et la gravité des circonstances?
Oui, certainement. En parallèle, cela a pour but de créer un contraste entre les différents décors. Par exemple, on note le contraste entre la couleur rose chaude de la maison de Yaya et la couleur bleu-vert pâle de la maison de Zhu.

Cette bande-dessinée s'adresse-t-elle selon vous davantage à un public jeune? L'avez-vous conçue ainsi?
Je pense que ce livre est adapté pour des personnes de tout âge. Quand je dessinais, je n’avais aucune tendance particulière à restreindre ce livre à une certaine tranche d’âge. Ma seule préoccupation était de savoir comment faire de mon mieux pour dessiner de superbes planches.

Avec quel matériel travaillez-vous vos planches et en utilisant quelles techniques?4-copie-1.jpg
Je fais des crayonnages sur papier et la coloration des planches sur ordinateur.

Cette bande-dessinée est-elle révélatrice d'une esthétique chinoise? Avez-vous choisi d'y appliquer un style "manga" pour mélanger symboliquement les cultures de deux peuples qui s'affrontent dans ce récit?

En fait, je me suis inspiré des grands maîtres de la bande dessinée chinoise des années 1950 et 1990: Lu Ting Guang et He You Zhi. Ce style est également révélateur de mon niveau artistique actuel. Je suis fidèle à ma propre poursuite de l’art.
Partager cet article
Repost0
19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 17:49
 
Patrick MartyPropos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Illustrations de Chongrui Nie/ Photos DR/  Les éditions Fei sont une  jeune maison d'édition créée par XU Ge Fei, chinoise passionnée par la culture française. Souhaitant multiplier les échanges entre ces deux pays, elle a choisi la bande-dessinée comme support à ce partage de cultures.  Rencontre avec un de ses illustrateurs chinois et son binôme scénariste français, auteurs du Juge Bao.

Patrick MARTY, le scénariste

Le Juge Bao est une sorte de Robin des bois chinois ? Qu'est-ce qui vous a plu dans ce personnage?
Le Juge BAO n’est pas un héros fugitif, un justicier hors la loi, comme Robin des Bois, où les chevaliers d’Au Bord de l’Eau, le grand classique chinois. C’est un personnage historique, et un véritable magistrat qui lutte contre la corruption, hors du commun, vieux de mille ans et toujours aussi célèbre en Chine, qui rend la justice sans distinction d’appartenance sociale, avec la même rigueur, la même attention, que l’on soit prince ou paysan. C’est tout cela qui m’a plu chez lui. J’ai un profond respect pour les hommes et les femmes qui mènent ce type de combat, hier, comme aujourd’hui. J’aime l’idée d’une justice indépendante. Notre symbole de la justice, les yeux bandés et brandissant le glaive et la balance, me paraît clair. Je suis souvent dérangé, voire choqué, par la vindicte populaire, relayée par les médias, qui fait parfois perdre la boussole aux magistrats, eux même bousculés par la pression politique, ici en France, ou ailleurs. Le Juge BAO est à ma connaissance le seul homme, ministre de la justice, à avoir tenu tête à l’empereur, Rhen Zong. A l’époque, c’était la mort assurée pour quiconque tentait d’aller à l’encontre des désirs du Fils du Ciel, et généralement, toute la famille jusqu’aux cousins éloignés était éliminée systématiquement.


Comment est né le projet du Juge Bao?
Il est né du désir de Fei, l’éditrice, qui souhaitait aborder pour sa première série un personnage historique chinois, emblématique de cette grande culture, et de mon envie d’aborder le genre policier. Le Juge BAO s’est trouvé à la croisée de ces deux chemins. Ensuite Chongrui Nie le dessinateur nous a été présenté par l’agence Beijing Total Vision, et nous n’avons pas mis plus de deux minutes pour décider que ce serait lui qui dessinerait la série. Il a quarante ans d’expérience, ses dessins sont fabuleux. C’est l’alliance du dessin traditionnel que l’on trouvait dans les grands classiques des années 80, et d’une mise en scène et d’un découpage que nous avons voulu plus cinématographique. Cela donne à la BD, une dynamique et une esthétique originale, qui semble- t- il, a séduit les lecteurs français.

Le juge Bao est-il le seul personnage ayant réellement existé dans vos tomes? Avez-vous fait un travail d'historien Le juge Baoet de biographe pour écrire ce scénario? Quelle part est consacrée à l'imagination seule?
Tout d’abord l’équipe qui entoure le Juge BAO est issue de personnages ayant existé. Gongsun Ce, le médecin légiste, greffier, assistant du Juge, les lieutenants Ma Han et Wang Chao - il y encore un petit doute sur le personnage de Zhan Zhao- quant à Bao Xing, il est signalé dans certains écrits  mais c'est un adulte. Je l’ai volontairement rajeuni pour avoir une relation de maître à Élève entre lui et le Juge. La tradition orale puis le roman à partir du 17ème siècle ont beaucoup façonné ces personnages, ce qui m’a permis à mon tour de prendre un peu de liberté. Dans les séries télévisées, les auteurs chinois représentent le Juge BAO grand, tout noir, avec une lune blanche sur le front. Les historiens que j’ai rencontrés à Kaifeng, l’ancienne capitale de l’empire des Song du Nord, m’ont confié qu’il mesurait 1,62 et qu’il était tout blanc…J’ai fait un travail de recherche autant dans le domaine historique que dans les représentations diverses et variées que l’on peut trouver en Chine. Le personnage historique et ses avatars fictionnels sont tous intéressants car ils donnent une vision de ce que la culture chinoise a façonné au fil du temps. Aujourd’hui, le Juge BAO est un véritable mythe en Chine, un demi-dieu. Ma part d’invention réside dans la trame policière. J’invente les intrigues en m’appuyant parfois sur une histoire, un cas, trouvé dans la biographie du Juge, mais c’est rare. Il y a le contexte historique, la dynastie des Song du Nord, cet itinéraire qui porte le Juge Bao aux confins de l’empire pour mener une opération de lutte contre la corruption, et puis il y a les personnages qui animent les intrigues et qui sont totalement fictifs.

Pourquoi s'inspirer de la biographie d'un personnage historique d'une autre culture que la sienne? Pensez-vous apporter un regard "étranger" sur ce personnage?
« Enrichissons-nous de nos différences » disait Claude Lévi-Strauss. Quant au regard, c’est celui d’un auteur français qui tente d’être le plus proche de l’esprit chinois. En cela je suis aidé par Fei, l’éditrice, et Chongrui Nie, le dessinateur. Je crois que le résultat est assez convaincant. Les Chinois l’ont acheté pour le diffuser sur téléphonie mobile à partir du 1 Mai prochain. Et Jean Pierre Dionnet s’est demandé, dans son blog à la sortie du premier numéro, comment un scénariste français pouvait « penser » si bien chinois…

Le juge Bao vous a-t-il conquis aussi parce qu'il a vécu au XIème siècle? Ce Moyen-âge asiatique dispose-t-il de charmes  auxquels vous êtes sensible?

La dynastie des Song du Nord est une des périodes les plus brillantes de l’histoire chinoise. La société de l’époque est très complexe. Plutôt que moyenâgeux, les Song du nord font plutôt figure de « Renaissance » si on  compare avec l’occident. La capitale impériale de l’époque comptait 500 000 habitants. Autour de l’an mille, chez nous, on était bien loin de leur savoir, et même d’avoir l’équivalent social et politique. A cette époque là, la Chine avait 5 siècles d’avance sur l’occident dans tous les domaines.

Le juge bao 2Avons-nous besoin de héros incorruptibles aujourd'hui qu'il faille ressortir les vieux fantômes?
Les auteurs ne font qu’écrire des histoires qui ont une correspondance avec leur époque. Nous sommes les miroirs de nos contemporains. On n’a rien inventé depuis la bible, l’Iliade et l’odyssée. La corruption, les crimes et les injustices existent encore et toujours, partout sur la planète, et, avec la vitesse et les multiples moyens de communications, on aurait presque l’impression que notre époque est la pire à ce niveau là. Le Juge BAO n’appartient pas aux chinois, il est universel, et intemporel.

Pourquoi 9 tomes? Est-ce un chiffre symbolique?

C’est un chiffre magique en Chine et juste l’espace qu’il me fallait pour raconter ce road movie policier.

Enfin, quand sort le prochain tome? Toutes les manigances dans les prochains tomes auront-elles , de près ou de loin, de beaux yeux de femmes qui les enflammeront? Les enquêtes du Jube Bao répondent-elles à des schémas itératifs comme dans les polars?
Comme dans le polar, il y a des femmes avec du charme, fatales ou aimantes, des intrigues et des manigances, des crimes et de la corruption et un retour au palais impérial où le Juge Bao aura fort à faire pour déjouer les intrigues de la cour. Mais je n’en dévoilerai pas plus. La parution du prochain tome est prévue pour le 2 décembre 2011 chez tous les bons libraires que je remercie au passage pour avoir soutenu le Juge Bao dès sa sortie.

Chongrui nieChongrui Nie - Le dessinateur/  traduit du chinois par XU Ge Fei (Editions Feï)

Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce scénario?
L'histoire est très recherchée et le caractère de chaque personnage est vraiment très riche.

Quel est votre parcours de dessinateur?  Comment avez-vous décidé de travailler pour l'éditrice Xu Ge Fei?

Plus jeune, je me suis forgé une base très solide en peinture. À force de m’exercer dans le domaine de la bande dessinée, des illustrations et de la peinture à l’huile, mon niveau n’a cessé de s’améliorer. Lorsque l’éditrice Xu Ge Fei a découvert mes œuvres, elle a vraiment apprécié mon style et espérait pouvoir travailler avec moi. Lorsque j’ai lu le scenario que l’on m’a proposé, j’ai été aussi très intéressé par l'histoire du Juge Bao.  C’est ainsi que notre coopération a débuté.

Travaillez-vous pour d'autres maisons d'édition en Chine? Aimeriez-vous le faire?

Pour le moment, non. Car je me concentre sur la série « Juge Bao ».

Echangez-vous souvent avec Patrick Marty lors de la création d'un tome? La distance, est- elle, selon vous, davantage  un atout ou une contrainte pour deux artistes  qui sont séparés par des milliers de kilomètres?

Aujourd’hui, grâce à Internet, la distance n'est plus un problème. Certes, les milliers de kilomètres qui nous séparent peuvent se traduire par une différence de culture et de perception des choses. Mais ceci apporte plus d'avantages que d’inconvénients, car cela permet à nos deux cultures de se compléter.

Quelle technique graphique utilisez-vous dans Juge Bao?

J’utilise principalement les techniques traditionnelles de peinture en noir et blanc et de gravure.

Vous semblez accorder beaucoup d'importance aux visages et à leur expression: est-ce une tradition de l'iconographie chinoise ou une préférence personnelle ?
J’y accorde beaucoup d’importance parce que l'histoire en a besoin. Dans une bande dessinée,  la représentation de l’expression particulière d’un visage est essentielle, et c'est aussi la clé de ma création personnelle.

Vous êtes-vous inspiré d'autres représentations de l'histoire du juge Bao?Planche_bd_13775_JUGE-BAO.jpg
En ce qui concerne les vêtements et accessoires, j’ai effectivement eu  besoin de me référer à des films et des photographies.

Le Juge Bao est-il un "héros national" en Chine? Est-ce un récit que le peuple garde dans sa mémoire vive ou simplement une histoire étudiée à l'école?
Le Juge Bao, par sa volonté de maintenir l'ordre et la justice à tout prix, est un vrai symbole en Chine. Le souvenir de son honnêteté et de son intégrité font donc avant tout partie de la mémoire collective de notre pays. C’est une personne connue par tout le monde en Chine, que ce soit par les adultes ou les enfants.

Un idéal de justice et d'humanité qui part en guerre contre la corruption... notre monde aurait bien besoin de juges Bao aujourd'hui... est-ce pour cela que ce juge Bao nous séduit tant?

Cette histoire n’est pas seulement une lutte contre la corruption, elle contient également une variété d'émotions humaines très complexes liées entre elles. C’est pourquoi ces émotions traversent les pays, les ethnies, les religions et le temps…
Partager cet article
Repost0
16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 17:33
 
Ludovic Danjou et madyInterview de Ludovic Danjou et Mady, co-scénaristes de la bande-dessinée: Un héros presque parfait/ Propos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/

Comment est né ce projet d'un héros presque parfait?
LD : Alors le plus simplement du monde, pendant un moment de tchat avec ma complice d’écriture Mady !  Une idée qui a germé d’abord chez Mady puis qui rebondit chez moi pour atterrir chez le dessinateur !
MM : En effet, j’avais un projet de ce genre dans mes cartons, mais je n’étais pas 100% convaincue. En fait Ludo avait envie de faire une série gag, alors je lui en ai parlé, et ça lui a parlé. On a donc fait évoluer le concept ensemble pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. Quand à Philippe Fenech, notre talentuesque dessinateur, c’est en discutant autour d’un café que je lui en ai parlé. On avait déjà souvent travaillé ensemble par le passé, mais jamais sur un projet BD. Le concept lui a plu, et on a monté le dossier en deux temps trois mouvements.

Pourriez-vous citer à nos lecteurs quelques héros qui  ont inspiré cette bd?

LD : heu comme  ça je dirais Fenech, Mady…C’est très référencé années 80/90 (l’âge peut- être… ? ) Mady et moi nous avons grandi avec des Arnold, Schwarzy, Bruce…etc. Alors forcément, notre héros, c’est un peu de tout ça à la fois… ( Charlie Sheen si tu lis cette interview, tu sais ce que l’on attend de toi…)
MM : Mon papa, ma maman, et mon chien… En fait nous essayons surtout de tourner autour de types de héros plutôt que de personnages précis, mais on ne peut pas ne pas citer Indiana Jones pour la caricature de l’aventurier.

On trouve des leitmotiv comme l'épisode de la boule de pierre: est-ce pour parodier les scènes récurrentes que l'on trouve dans les films d'aventure?
LD : Le film d’aventure par excellence, même ! du Indy pur jus ! toute la bd est une parodie, donc la boule c’est un peu le symbole…de cette parodie !
MM : Bien sûr, le coup du tunnel et de la boule est un symbole de tous ces films où il s’agitde s’échapper après avoir sauvé la princesse ou récupéré le magot. Mais le fait que ce soit un gag récurrent vient plutôt de l’envie de jouer avec ce principe du running gag, qui fonctionne toujours très bien pour moi et dont je suis fan. Ici, on part d’une situation bien établie dans l’imaginaire collectif, justement grâce à tous les films qui l’utilisent, et on détourne, on pousse plus loin.

L'humour, cela se travaille et  répond à des techniques ou c'est inné?
Héros LD : Là tout de suite, j’ai pas de trucs drôles à raconter ! Et pourtant le tome 2 est sur les rails ! L’humour dans mon cas, c’est une idée instantanée qui jongle sur une autre et ainsi de suite, pour finir par : heu non, c’est pas drôle là, Ludo. Rebelote pour un autre gag !

Ensuite, la technique pour raconter un gag suit évidement une structure bien précise que Mady gère très bien alors que…heu…bon..oui on s’en sort ! 
MM : Je pense que l’humour et le gag BD sont deux choses bien distinctes. On peut avoir beaucoup d’humour mais ne pas parvenir à le retranscrire sur une page de gag. On est donc bien obligé d’utiliser les techniques à disposition pour y parvenir. Le principe de base étant de guider le lecteur vers une fin attendue, pour finalement le surprendre avec quelque chose de décalé, ou de plus fort que ce qu’on l’avait poussé à imaginer. Mais dans cette série, on utilise aussi beaucoup les commentaires du narrateur, et on superpose donc à l’action une couche d’humour plus « textuel », avec des jeux de mots ou des remarques sarcastiques. Le double effet qui coule quoi ;)


Vampires, samouraïs, aventuriers, super-héros, avez-vous établi une liste de clichés incontournables avant de commencer à imaginer vos planches ou bien les gags et le choix des personnages vous sont-ils venus au fur et à mesure?
LD : Nous avons utilisé des acteurs/ chômeurs en costume de héros avec un texte à lire. Si nous rigolions un peu, l’heureux élu était pris pour l’album sinon…au suivant comme on dit ! Le tri a finalement été assez rapide, c’est toujours les même types de héros que l’on utilise. Y’a bien eu un gars en indien dénudé avec des tatouages de bikers à un moment, mais nous avons préféré le cow-boy dans la même catégorie… Sinon, oui, ça c’est fait au fur et à mesure, sans trop se poser de questions. 
MM : On a vraiment fait ça en fonction des idées qu’on avait et des univers qui nous plaisaient, mais pour le tome 2, on se pose un peu plus de questions : qui on garde, qui on rajoute… On essaye surtout de se faire plaisir !

Vous vous acharnez un peu sur les princesses, non?

LD : Ah bon ? roooo si peu pourtant… m’enfin les pires, c’est Mady…y’a qu’une fille pour faire ça…
MM : Oui, mais le but est de montrer ce que notre apprenti héros fait subir à la pauvre princesse, justement ! C’est très féministe comme album finalement ! Non, je suis pas crédible ? Tant pis alors…

planche danjou et madyQuelles sont vos références en matière de scénario? Qui incarne selon vous l'idéal du scénariste et pourquoi?

LD : Alors là on ne cite pas de noms… Faut comprendre, y’a une loi du silence, l’Omerta…
Bon sinon y’a bien d’un côté Goscinny, intemporel et tellement parfait et de l’autre Diaz Canales le scénariste de Black Sad qui marie avec une perfection incroyable histoire et narration BD. 
MM : Définitivement Alan Moore… Rien à voir avec un héros presque parfait vous me direz, mais j’adore son travail, ses idées, et la façon dont il les véhicule à travers ses albums. Il pousse toujours au bout du bout ses univers et ses personnages, il a un petit côté extrémiste que j’apprécie… et une imagination fabuleuse.

Comment travaille-t-on un scénario à deux? Quels sont les avantages et les inconvénients?

LD : Mady et moi sommes complètement différents dans notre approche, ce qui rend le binôme très solide. Chacun possède ce que l’autre n’a pas. Notre truc : on s’écoute tous les deux et on essaye de correspondre à ce que l’autre demande. En gros on ne se marche pas sur les pieds mais on se promène ensemble ! J’avoue qu’après 3/4 ans  de collaboration, bah…ça fonctionne toujours ! Les avantages : rapidité d’exécution, recul nécessaire, émulation, soutien, compagnon de choc. Les inconvénients, bah y’en a pas…( enfin je les vois pas, ça doit surtout être ça…)
MM : On écrit des pitchs chacun de notre côté, et quand on est tous les deux ok dessus, l’un de nous (pas forcément celui qui a écrit le pitch d’ailleurs) le rédige. Puis l’autre fait éventuellement quelques retouches de dialogue, et hop on envoie à Phil… qui nous dit que c’est pas assez drôle. Alors on en rajoute une couche et on envoie à notre éditeur… qui nous dit que c’est pas assez drôle… alors on en rajoute une couche et on ne lit plus nos mails de peur qu’ils râlent encore. C’est vrai que la collaboration se passe particulièrement bien avec Ludo, le plus naturellement du monde, sans règle pré-établie. Et puis c’est toujours important à mon avis, quand on bosse sur du gag, de travailler à plusieurs. Il n’y a rien de si subjectif que l’humour, et plus on est à trouver un gag drôle au moment de l’écriture, plus il y a de chance qu’il touche du monde ensuite.

Héros et anti-héros: la frontière est-elle donc si mince?
page-3.jpg
LD : Qui sont les héros, les vrais ? quels sont les héros qui nous parlent ? ceux qui sont perfectibles, humains, vous et moi…Un type qui réussit sans petits bobos intéresserait qui de nos jours ?  vous par exemple : n’est ce pas un acte héroïque que de poser des questions à desscénaristes ? c’est risqué, on ne sait pas ou ça va aller, vont -ils répondre correctement, allez vous pouvoir faire un bon article ? il en faut du courage non ? 
Un héros est un ancien anti-héros car avant d’être un héros il se doit d’avoir raté pour apprendre à être un héros. Donc un anti-héros c’est aussi un futur héros…vous voyez ? 
MM : Non ? Vous voyez pas ? C’est clair pourtant… ;) Mais notre héros n’est pas un anti-héros, il est juste presque parfait. Avec un peu de bol, il pourrait s’en sortir, mais avec lui, un petit rien devient toujours un grand n’importe quoi. Pour conclure, je dirais qu’entre héros et anti-héros, il y a anti-, et ça, c’est sans doute un message…

Diriez-vous qu'aujourd'hui le héros n'est plus une valeur en laquelle on croit vraiment et que les gens préfèrent rire de leurs défauts et maladresses?

LD : L’époque est à l’envie de se soulager. Qu’importe le lieu ( WC de cinéma, d’autoroute, public, chez mémé ), le tout c’est de se lâcher un bon coup pour décompresser. Notre quotidien même le plus facile du monde est tellement angoissé, stressant ! Encore une fois, je crois que le héros moderne c’est vous et moi et ce que l’on est capable de faire pour égayer notre vie et lui donner un peu d’humour. Alors un héros sérieux avec des valeurs très « morales » ne correspond plus trop à cette demande.
MM : Je pense que c’est justement parce que le héros est une valeur en laquelle on croit (et en laquelle on croira toujours à mon avis), que c’est drôle de le voir plein de défauts et de maladresses. Un héros qui réussit tout, ou un gars lambda qui ne réussit rien, ça n’a rien de très rigolo. Encore une fois, c’est le décalage qui fonctionne.

Vous êtes en préparation d'un nouvel album: la vraie histoire vraie d'un héros presque parfait : Ulysse. Y retrouvera-t-on toutes les étapes de l'Odyssée du héros?
LD : Top secret. Je vous l’ai dit, loi du silence, omerta, des gens écoutent, cia, fbi, DGN… bon disons qu’Ulysse va faire un grand voyage et que nous allons quelque peu réinterpréter cette épopée…
MM : Nous sommes récemment tombés sur une bouteille à la mer, contenant des documents précis et inédits sur l’aventure d’Ulysse. On se doit donc de faire ces révélations au monde, mais comme le journal de 13h nous a refusé une présentation, nous avons décidé de passer par la BD… Philippe Fenech nous accompagne au scénario sur ce coup-là (normal de travailler à trois, pour Ulysse ;), et comme le disait Ludo, on risque gros en vous dévoilant quoi que ce soit. Mais je réitère, c’est le décalage qui compte, et on va décaler à fond (de cale), sans trop se soucier des étapes classiques. Ulysse est avant tout un gars avec un bateau qui tente de rentrer chez lui, avec beaucoup d’îles sur son passage, comme celle de Pâris par exemple, où il échoue au début de notre premier tome.

Pourtant Ulysse est un vrai héros, lui....vous allez l'égratigner un peu?

LD : Vui, écorchures, griffures, hématomes, il va subir pas mal effectivement. 
MM : Disons que c’est en héros qu’Homère le présentait, mais il ne nous disait pas tout ! Heureusement qu’on est là, aujourd’hui, pour rétablir la vérité vraie.

Quelle étape en particulier vous paraît offrir les moments les plus truculents?

LD : heu….heu…comment dire, nous allons essayer de passer en revue chaque étape relais d’Ulysse. Hop panneau d’indication, on s’arrête, on cuisine le truc à notre sauce et on repart…
MM : Les Cyclopes, les Cicones… que de possibilités, de jeux de mots et de sources d’inspiration ! On a de quoi faire, mais le but n’est pas tellement de parodier Ulysse lui-même. Il s’agit plus de l’utiliser pour poser un regard sur notre société contemporaine de manière… (je vous laisse un peu de temps pour deviner…) décalée !

 

Peut-on s'attendre à un volume sur la guerre de Troie après celui-là?
LD : Mieux vaut ne pas parler de ce tragique événement, croyez-moi…
MM : Jamais deux sans Troie ! On en parlera déjà dans ce premier tome, mais il s’agira plus d’un point important du background d’Ulysse car l’aventure commence juste après la guerre.
page-1.jpg
Partager cet article
Repost0
7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 18:58

 

!

Guillaume BiancoInterview de Guillaume Bianco- Propos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/  
Le secret de la mort comme unique cadeau formulé au Père Noël, est-ce un souhait que vous auriez pu faire enfant?
Oui...La mort m'effraie autant qu'elle me fascine....
Enfant, je n'ai jamais pu parler  de ce sujet à qui que se soit...Il était donc légitime de se tourner  vers le "Monsieur tout de rouge vêtu" qui sait tout...Comme Billy Brouillard , j'aurais aimé lui poser tout un tas de questions , et aborder avec lui ce thème essentiel qui touche chacun de nous.Qui est la mort? Pourquoi doit -t-on la suivre un jour? Cette question existentielle est fondamentale. Elle donne un sens propre à la vie qu'un enfant découvre au présent à chaque instant..

 

Lettres, extraits de journaux,pages encyclopédiques, pages de bds crayonnées...pourquoi cette variété des supports? Est-ce pour éviter l'ennui, pour suivre l'humeur du moment et ses envies, parce que vous cultivez l'art éclectique?
À part quelques pieds de basilic sur ma terrasse , je ne cultive rien du tout. Je m'efforce de suivre mes envies du moment... Si j'ai envie de m'improviser poète , j'écris des vers , si l'envie me prend de dessiner un bestiaire fantaisiste , je fais des petites hachures façon gravure 19eme , et si tout cela finit par me lasser , et bien , je me remets à faire de la BD. Je suis quelqu'un d'instable , de lunatique , je passe de l'enthousiasme le plus farfelu à la tristesse la plus insondable  en l'espace de 30 secondes.Je change d'avis et d'envies très souvent.Voilà ce qui explique l'aspect éclectique des livres de Billy Brouillard. À la base, je voulais faire Billy Brouillard sous forme de BD...Puis de poèmes...Puis d'illustrations...J'ai alors pensé  de proposer à l'éditeur plusieurs petits livres qui formeraient un tout. Barbara Canepa , la géniale directrice éditoriale de la collection "Métamorphose" m'a suggéré de mettre toutes ces formes narratives dans un seul ouvrage.Nous sommes multiples.Billy Brouillard est le reflet exact, je crois, de ce que je suis aujourd'hui...L'important est de ne pas perdre de vue l'émotion et la narration....Tant que l'on raconte une histoire cohérente avec une émotion sincère , peu importe la forme narrative utilisée...Ce n'est qu'un "outil"...


Cette princesse à la flaque d'eau ou bien Mary Emy, la p'tite fille aux couteaux,  ont des airs de poèmes hugoliens et  fleurent bon peut-être aussi les ballades de Brassens que vous affectionnez tant...diriez-vous que vous êtes un BD-poète?
Au risque de paraître prétentieux , je pense être effectivement un poète...Non pas que je maîtrise l'art de la poésie , loin de moi cette idée! Mais simplement que ma manière de penser  et  d'interagir avec l'autre et de raconter des choses  , est toujours empreinte de nostalgie, de romantisme, de contemplation ; et donc de poésie. En revanche je ne crois pas être un dessinateur de BD... Je n'en ai ni la mentalité , ni les moyens ou les capacités...La poésie avant d'être un art , est un état d'esprit. Je ne l'ai pas choisi , je suis comme ça... C'est vachement bien pour draguer les filles.


Vous semblez affectionner les mots étranges et compliqués...est-ce un goût qui est né dans les choux ou sous les Billy Brouillardtilleuls de la promenade?
Votre question est bien étrange...Je n'affectionne pas particulièrement les mots compliqués. Et puis , qu'est ce qu'un mot compliqué? J'aime les mots qui ont un son mélodieux , j'aime les mots qui ont une belle étymologie , j'aime les mots qui racontent une histoire... L'un de mes préférés  actuellement est  : " amphitryon"  , qui en plus d'être le nom d'un personnage mythologique fameux , signifie également un " hôte généreux"...


Se mêlent sans cesse poésie et un humour tout en retenue, pudique pourrait-on dire...est-ce pour reproduire l'imaginaire enfantin? Supposition que je rattache aussi à cette jolie dédicace pour votre compagne à la fin du livre?
Je n'ai pas bien analysé tout ça...Il est vrai que , derrière les apparences , je suis profondément pudique. De la même manière que trop de couleurs aveuglent , je fais du bruit et des grands gestes pour me cacher...Je n'ai pas cherché à retranscrire un univers enfantin. J'ai simplement essayé d'être le plus vrai et sincère possible.Je pense que l'enfant qui dort au fond de moi n'est pas mort , et qu'il se réveille chaque jour un peu plus...Quant à la dédicace à ma compagne à la fin du livre , je la lui devais bien. Elle m'a aidé à accoucher de ce livre et  à me révéler à moi même...Je ne l'en remercierai jamais assez pour ça...
Inventer des mots pour désigner des êtres plus ou monstrueux ( ex: les vermicolles dont les oeufs infusés éloignent les cauchemars, les coléopandres, etc...), c'est l'héritage du garnement rêveur que vous étiez? Vous avez grandi à la campagne provençale...cela justifie-t-il votre imagination, bucolique?
Je ne sais pas. J'ai effectivement grandi à la campagne.En Provence. Aujourd'hui , je crois pouvoir  affirmer que ce sont les plus belles années de ma vie. Avec le recul , je me rends compte que ce que certains citadins hautains et frustrés considèreraient comme une "tare" , est en fait un atout et  peut-être même une aubaine.
Je me sens profondément païen...Au sens étymologique du terme. Je suis  "de la terre". J'ai grandi dans les figuiers , les abricotiers , je n'ai jamais mangé une cerise ailleurs que perché bien haut dans mes cerisiers , à l'abri du regard des autres , tel le Baron d'Italo  Calvino , tout en  contemplant  l'horizon printanier.Je regardais ma grand mère tuer les poules avec son gros couteau "opinel" rouillé , puis prenais un cours d'anatomie avec mon père qui dépeçait les lapins en fumant sa vieille pipe en bois...Tout cela n'avait rien de glauque ou d'effrayant...C'était normal et ne m'a jamais choqué outre mesure. Ce genre d'expériences sont des bases solides , profondément ancrées en nous , cela rend humble face à la vie et  enseigne  des choses fondamentales à l' enfant que j'étais alors...
J'ai appris le goût des choses ainsi. Les "vermicolles" et autres bestioles qui peuplent les pages de mes livres ne sont , certainement que la résultante de tout ce petit imaginaire qui foisonnait en moi , durant les longs , très longs après midi de solitude que je vivais alors du haut de mes sept ans...


D'où vous est né l'idée de ce bestiaire?

Les bestiaires fantaisistes sont fascinants...Ils titillent le fantasme et l'imaginaire  de celui qui les lit. Il n'en disent jamais trop , mais juste assez pour vous laisser imaginer le reste...

D'une fâcheuse tendance juvénile à épouvanter votre petite soeur? Quelle épouvantable épreuve vous rappelez-vous lui avoir fait subir?
Comme dans le don de "trouble vue" , j'ai failli , bien malgré moi tuer ma petite soeur en lui faisant perdre connaissance. Durant de  longues , trop longues  secondes, je l'ai cru morte. J'ai alors réalisé la fragilité de la vie, ainsi que sa préciosité.


Vos délirantes élucubrations illustratives cherchent cependant à sensibiliser sur des sujets qui vous tiennent à coeur? l'écologie, la parité homme-femme, le ridicule des superstitions etc..?
Je ne crois pas être écologiste dans le sens ou je ne trie plus mes déchets , je mets de la soude dans mes canalisations lorsqu'elles sont bouchées , et me comporte comme un gros égoïste d'occidental qui a perdu ses repères...Paradoxalement , je suis , comme je l'ai dit 5-1.jpgplus haut , très lié à la terre.Je crois que notre civilisation est malade , et vouée inéluctablement à disparaître ....Nous sommes l'unique espèce animale qui transforme son milieu au lieu de s'y adapter.Nous sommes cancérigènes à l'écosystème et finirons bien par nous auto éradiquer tôt ou tard. Je n'ai pas de solution à ce problème et en souffre assez... Je ne crois pas à la parité "homme-femme" , dans le sens , où les hommes et les femmes sont différents.Par ailleurs , je déteste cette société machiste , où les droits des femmes sont bafoués depuis des siècles , autant que je déteste ces chiennes de garde écervelées qui voudraient émasculer tous ceux qui pissent debout.Quant aux superstitions , je suis bien loin de les trouver ridicules. Elles sont au contraire pleines de sens et de vérités .Bien plus pertinentes et fondées que toutes ces religions idiotes qui polluent l'esprit des crédules de par le monde.Ne voyez , dans mon livre qu'un vibrant hommage  pudique et un peu farfelu à leur égard.


Uniquement des pages 13 dans ce livre....porte-bonheur?

Tout dépend de votre point de vue et de vos croyances. Le chiffre 13 est un chiffre magique. L'inquisition en a fait , jadis , le chiffre du diable. Car son fondement est païen.De même qu'elle a fait du trident de Poséidon celui du malin... Le chiffre 13 représente, dans Billy Brouillard le monde du rêve, le chant de tous les possibles.Et c'est en ça qu'il est magique...Lorsque Billy Brouillard s'évade dans ses fantasmes durant cette folle nuit où il part à la recherche de son chat Tarzan , toutes les pages sont numérotées avec ce chiffre. Lorsqu'il revient à la réalité des adultes , la numérotation des pages du livre redevient "normale"...
Recommandez-vous l'exercice quotidien du jeu du pied de force? avez-vous fait breveté le tricot super capuche? Avez-vous des enfants, Leur enseignez-vous ce goût de la fantaisie et du burlesque?
Le jeu du pied de force est recommandé pour tous les grand-frères (qui auraient une petite soeur) qui s'ennuient et qui souhaiteraient exercer leur dictat sur plus petits qu'eux...Par ailleurs , il s'avère  très saint pour la circulation sanguine des membres inférieurs.Le "tricot super capuche"  sera bientôt breveté , et qui sait  , bientôt commercialisé...
Tout dépendra de la production de laine de Vermicolles... L'élevage du serpent rayé à deux têtes n'est pas des plus aisés. Je n'ai pas d'enfant; mais me sens très lié à eux , dans la mesure ou j'en suis encore un et  que je me refuse obstinément à grandir. Le monde que les adultes  nous proposent est bien trop triste et privé de fantaisie. Je fais donc  acte de résistance en continuant à faire des bêtises , en jouant à cache cache , tout en bombardant les passants de bombe à eau du haut de ma fenêtre...


Ce jeu avec le macabre a -t-il des références qui l'expliquent....? Est-ce un penchant naturel des petits garçons qui s'exacerbent chez certains artistes ou est-il nourri aussi de prédécesseurs dont l'art vous a marqué?

Je ne sais pas ce que signifie le mot "macabre".

Je ne suis ni "macabre", ni "morbide", ni "gothique". Je crois que ces qualificatifs sont usés par ceux qui ont peur de la fantaisie d'autrui .....


Diriez-vous que vous déclinez le cauchemar sous toutes ses formes littéraires?
Non je ne le dirai pas...Et ne le nierai pas non plus. Je raconte ce qui me passe par la tête avec les moyens qui sont les miens. De manière plus ou moins instinctive. Je réfléchis souvent après avoir fait les choses , et peu de fois avant... Sinon l'envie de les faire me passe...


Vous illustrez l'incipit de La Nuit de Maupassant et en offrez une interprétation originale et nouvelle...
Merci...Je prends ça pour un compliment... Mais je pense que vous trouvez ça nouveau , dans la mesure ou peu de  personnes n'a osé s'exprimer sur  du Maupassant...Je n'ai pas cherché à être novateur et ne crois pas l'être. J'ai juste eu l'envie , voire le besoin  de mettre en image les choses que j'avais en tête à la lecture de ce texte , un peu à la manière d'un enfant   qui illustrerait une poésie sur son cahier d'écolier...De manière simple et décomplexée.


De quand date cette affection pour le texte?

Depuis assez longtemps. Maupassant  me fascine et  a toujours provoqué en moi des images et des sensations fortes. Je me sens proche de lui...

C'est un texte souvent étudié en quatrième au collège: pensez-vous que l'adolescent est à même d'en percevoir toute l'exquise saveur?

Oui ...Les adolescents ne sont pas des idiots. Il n'y a pas de mauvais élèves , mais de mauvais maîtres. J'ai eu de  bons maîtres qui m'ont donné le goût de certains auteurs..

Votre admiration pour Maupassant ( j'extrapole?) est dû à ce penchant qu'il avait pour les histoires fantastiques? D'ailleurs Maupassant s'adonnait-il à des séances de spiritisme? N'était-ce pas la mode du siècle?
J'aime Maupassant pour ce qu'il est et ce qu'il écrit.Je me sens proche de ses fantasmes , de ses peurs et de ses névroses. Je suis heureux d'avoir découvert ses nouvelles fantastiques à l'école. Elles ont été , en partie du moins ,  fondatrices pour moi... La mode des séances de spiritisme auxquelles il pouvait participer à l'époque n'a rien à voir là-dedans. Ce que j'aime chez Maupassant , c'est sa sensibilité , l'accessibilité de son écriture , et  la force incroyable qui se dégagent de ses histoires...


Votre admiration pour Maupassant ( j'extrapole?) est dû à ce penchant qu'il avait pour les histoires fantastiques? D'ailleurs "La mort, c'est simple comme un coup de fil":  Blaise Cendrars, parlant de la publicité, affirme : « la publicité est la fleur de la vie contemporaine, elle touche à la poésie ». Vous adhérez à cette définition?

Non... Je n'ai jamais (ou très peu) lu Cendrars. A  mon sens la publicité est veule et ne touche aucunement à la poésie.


Les publicitaires d'aujourd'hui ont-ils aujourd'hui perdu cette idée de leur métier devant les préoccupations mercantiles?
Oui , ce sont des prostitués qui jouent sur les frustrations des gens au lieu de les faire rêver.
Je déteste la publicité à outrance. Elle est insidieuse , on la trouve partout , au téléphone , dans la rue , à la télé , sur internet , dans sa boîte au lettre , sur les vêtements que l'on porte , sur le pot de yaourt que l'on mange , etc , etc...


Billy Brouillard, pas encore recommandé par l'éducation nationale? Non...Pas que je sache...
Vos bandes dessinées sont pourtant l'occasion d'aborder tous les genres et de les étudier!

J'ai effectué plusieurs interventions dans les écoles avec les tous petits. Ils ont été très réceptifs. Je crois que Billy Brouillard effraie plus les parents que les enfants... Difficile en effet  pour une grande personne de mettre au grand jour ses névroses infantiles enfouies au  plus profond d'elle depuis des lustres.
Les plus jeunes  sont en tout cas contents de voir que "le petit garçon au don de trouble vue"  a le même imaginaire et les mêmes angoisses qu'eux.
Ils comprennent parfaitement que l'histoire de la "Fille aux couteaux " (qui plante ses lames dans les yeux de ses petits copains) n'a rien d'une méchante , et captent  immédiatement que tout ça n'est qu'une parabole, un "défouloir", que c'est pour de rire.
Il faut faire confiance aux enfants , être à leur écoute , ils ont tant à nous apprendre. En tendant un peu l'oreille , ils nous chuchoteront peut être les secrets que  jadis  nous avons oubliés.

Il est des lectures et des névroses "saines".... Je m'enorgueillis de m'entendre dire que Billy Brouillard est de celles-ci.....

Au chapitre des superstitions, vous citez Voltaire qui luttait contre l'obscurantisme...diriez-vous que vous cherchez  comme ce philosophe éclairé  à créer sous une forme ludique matière à réflexion?
Je ne cherche rien de particulier...Juste à raconter des histoires à moi en premier lieu ,  et aux autres dans un second temps.
Je suis surpris et très heureux que Billy Brouillard ait une résonance chez beaucoup d'autres personnes. Je crois que l'on peut divertir autrui sans pour autant le tirer vers le bas... "Divertissement" ne doit pas être synonyme de "médiocrité". Les histoires les plus belles et les plus accessibles aux enfants dont on se souvient tous , sont TOUJOURS chargées de sens...
Prenez "E.T"  de Spielberg par exemple: Il y a des rires , des larmes , de l'aventure et de l'émotion... Ce film parle avant tout du divorce , de la famille "éclatée" puis recomposée.


Billy Brouillard est : un conte philosophique?
Ce serait prétentieux de ma part de le qualifier ainsi...
Un nouveau genre où règne l'anarchie?

J'aime bien ce terme...J'aime le mot "anarchie" ; lorsqu'il est synonyme de "liberté". Mais le genre n'est pas "nouveau" , comme vous dîtes. Toutes les formes narratives que j'ai utilisées dans ce livre existent depuis belle lurette. Le ton est peut  être un peu à part , certes , il n'est que la somme de mes influences.


Une bd avec une pincée de dérision?

Ce n'est pas vraiment une BD...Par ailleurs , c'est vrai qu'il y a beaucoup de dérision... Pourquoi se prendre au sérieux? Nous courons partout, voulons la gloire, la richesse, nous passons notre temps à nous battre pour des broutilles, alors que notre vie est éphémère. Si l'on y pense bien, nous sommes même presque déjà morts. Tout ceci n'est-il pas dérisoire? J'ai longtemps trouvé ça dramatique, horrible et désespérant mais aujourd'hui je trouve tout ceci plutôt drôle et comique.


Dans votre représentation du cauchemar, sorte de rhizome effrayant. Ne doit-on pas voir aussi un goût pour les sciences naturelles et ces vieux schémas que l'on trouve dans les traités d'anatomie?
Certainement. Non pas que j'affectionne particulièrement les sciences naturelles , mais plutôt la forme selon laquelle on les enseignait à l'époque. Tout cela avait un air de sacré et de mystérieux. Et forcément l'imaginaire, et, encore une fois le fantasme venait se greffer la-dessus...


La Cryptozoologie de Billy Brouillard a-t-elle éclos suite à une ingestion importante de lectures naturalistes ( Ulisse Aldrovandi avait été cité par Nicoletta Ceccoli)?
Je   connais Ceccoli dont j'admire le travail , mais pas Aldrovandi. Je vais  d'ailleurs tâcher d'y remédier. Je n'ai pas non plus de lectures naturalistes.
Billy brouillardDans le second tome, intitulé "Le petit garçon qui ne croyait plus au Père-noël ", retrouve-t-on le même principe de mise en page, jeux d'ombres chinoises, pages de réclames, poèmes etc....?

Oui...

Va-t-on retrouver l'affreux croque-mitaine et autres cauchemars croisés dans le Don de Trouble Vue?
Le Croquemitaine est l'un des personnages principaux de ce nouvel opus. Billy Brouillard, ayant perdu la foi , ne croit plus au père Noël...Il va attirer les foudres du géant infantivore et va devoir l'affronter durant une nuit cauchemardesque. Mais je ne vous en dis pas plus.


Pour terminer presque, une citation de chevet empruntée à Billy?

"Je ne crois pas aux choses parce que je les vois ; mais je les vois , parce que j'y crois"...
Et quels projets pour 2011?

Oula...Plein...Trop... Que d'envies et si peu de temps! Un 4eme "Ernest et Rebecca " avec Antonello Dalena pour le Lombard... Un Projet "jeunesse" pédagogique façon livre illustré sur un problème particulier qui touche beaucoup d'enfants...... Quelque chose également pour le magazine Spirou...Des envies d'écriture de contes et de nouvelles...
Certainement une nouvelle série de strips (qui me tient beaucoup à coeur) , avec un génial auteur du 9ème art que j'affectionne particulièrement ,   au scénario... Nous avons d'ailleurs commencé à nous mettre au travail , mais vu que rien n'est encore signé , je préfère me taire...
Et commencer à mettre les bases pour un GROS opus de Billy Brouillard qui s'intitulera " le chant des Sirènes"... Moi qui voulais prendre des vacances....
Partager cet article
Repost0

Décalée par Julie

Rechercher

Il suffit de cliquer...

Visites sur le blog décalé




Pour se sentir moins seul...

13406520-19661145

Write Spirit!